En proposant ce traitement, le professeur Didier Raoult, qui dirige l'Institut hospitalo-universitaire Méditerranée Infection à Marseille, promet la délivrance de milliers de malades du Covid-19 en France et de par le monde, sur la base de tests effectués sur seulement 24 patients mais dont les résultats sont très prometteurs.
L'infectiologue, devenu célèbre ces derniers jours dans l’hexagone mais aussi à travers le monde, affirme que les trois quarts des personnes soumises à son traitement se sont remis de la maladie en six jours, alors que les plus grands laboratoires mondiaux, engagés depuis des semaines dans une course contre la montre, peinent toujours à trouver un vaccin ou un remède au virus, qui a fait jusqu’à lundi soir 860 décès sur un total de 19.856 cas confirmés uniquement en France.
Les affirmations du professeur Raoult, qui nourrissent de grands espoirs pour des milliers de malades en France et ailleurs, ont toutefois suscité un tollé au sein de la communauté scientifique et médicale française, qui estime qu’un traitement ne peut être recommandé ou testé en masse que sur la base de tests cliniques à grande échelle et après les validations nécessaires des autorités sanitaires et d’organismes indépendants.
Sur les chaînes de télévision, des patients ont livré leurs témoignages assurant que le traitement du professeur Raoult leur a permis de se remettre de la maladie, au moment où plusieurs spécialistes remettaient en cause les résultats et les procédés du fameux infectiologue, qui fait pourtant partie du Conseil scientifique chargé de conseiller le gouvernement sur les mesures à prendre pour endiguer la pandémie du Covid-19.
La méthode du professeur Raoult, qui préconise le dépistage massif de la population et le traitement à la chloroquine, est critiquée par plusieurs de ses confrères qui l'accusent de ne pas respecter les protocoles voire la déontologie, alors que des études sur plusieurs molécules sont en cours pour mesurer leur efficacité sur le Covid-19.
"Les résultats de l’équipe de Marseille sont intéressants, on les regarde. Ils sont extrêmement préliminaires et ne répondent pas aux critères classiques de l’évaluation d’un médicament", soulignait, vendredi, le Pr. Jean-François Delfraissy, président du Conseil scientifique sur le Covid-19, affirmant qu’une analyse des effets de la chloroquine serait ajoutée aux études en cours, sous l'égide de l'Organisation mondiale de la santé (OMS).
Dans une interview diffusée dimanche par "Le Parisien", le Pr. Raoult balayait d’un revers de main les accusations de ses détracteurs en affirmant que lui et son équipe ont "trouvé un traitement". "Sur le plan de l'éthique médicale, j'estime ne pas avoir le droit, en tant que médecin, de ne pas utiliser le seul traitement qui ait jusqu'ici fait ses preuves. Je suis convaincu qu'à la fin, tout le monde utilisera ce traitement", a souligné le médecin, lauréat du Grand prix Inserm 2010 pour l'ensemble de sa carrière. A ses yeux, il s’agit d’une question de temps avant que les gens ne reconnaissent que "c'est ça qu'il faut faire".
Le ministre de la Santé, Olivier Véran, avait de son côté donné son feu vert, jeudi dernier, "pour qu'un essai plus vaste par d'autres équipes puisse être initié dans les plus brefs délais sur un plus grand nombre de patients".
Dimanche, le responsable gouvernemental affirmait sur son compte Twitter avoir autorisé plusieurs tests cliniques en France dont un essai à la chloroquine sur 800 malades hospitalisés. Ce lundi, dans un autre tweet, le ministre soulignait qu'après avis du haut conseil de santé publique, il prenait un arrêté encadrant la prescription de l'antipaludique, qui "sera possible, au cas par cas, pour les malades graves hospitalisés et sur décision collégiale des médecins".
Les derniers propos du ministre interviennent également dans le contexte du début en France d’un essai clinique européen pour évaluer quatre traitements expérimentaux contre le Covid-19.
Baptisé Discovery, cet essai qui inclut notamment la chloroquine, doit évaluer aussi le remdesivir, le lopinavir en combinaison avec le ritonavir, ce dernier traitement étant associé ou non à l’interféron bêta, selon l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) qui coordonne les recherches.
Entre optimisme et faux espoirs, malades et autorités sanitaires espèrent que la communauté scientifique puisse parvenir le plus tôt possible à un remède à cette pandémie qui fait des ravages depuis son apparition fin décembre à Wuhan en Chine.