La Marocaine Amal El Fallah Seghrouchni, experte internationale en intelligence artificielle, fraîchement nommée à la Commission Mondiale d'Ethique des Connaissances Scientifiques et des Technologies (COMEST), de l'Unesco, en est parfaitement convaincue.
Dans un entretien accordé à la MAP, cette experte en Intelligence artificielle, reconnue à l’échelle internationale plaide pour le recours aux technologies du numérique, et à l'Intelligence Artificielle en particulier, pour surmonter la crise actuelle liée au Covid-19, en vue de préparer l'avenir.
Elle apporte, dans ce contexte, quelques exemples où le recours à l’IA, a démontré toute son efficience en ces temps de crise.
Tout d’abord et alors que le monde entier attend avec impatience la découverte d’un vaccin contre le nouveau coronavirus qui a fait des milliers de morts à travers la planète, l’Intelligence Artificielle peut accélérer la découverte et le développement de médicaments, avertir d'une épidémie imminente, mais aussi aider à identifier, développer de nouveaux traitements et des vaccins plus rapidement, explique l'experte internationale. Grâce à l’IA, affirme-t-elle, des scientifiques ont pu recréer la séquence du génome du coronavirus en moins d’un mois.
De même, l’IA peut aider à gérer l'épidémie et à soulager la charge des professionnels de la santé fortement exposés au virus, en rappelant aux patients les procédures de soins appropriées, en permettant des consultations à distance ou le suivi automatisé de certaines catégories de patients, soutient Mme El Fallah Seghrouchni, ajoutant que certains pays, comme la Chine, ont même recours aux robots pour effectuer des pré-diagnostics rapides ou à des drones autonomes qui s'assurent que les résidents prennent les précautions appropriées, comme en Inde.
Enfin, en disposant de meilleures données sur les conditions climatiques et environnementales, l’IA peut mieux prévoir la survenue de certaines maladies, à en contrôler la propagation et à optimiser le déploiement des ressources médicales.
Selon Mme El Fallah Seghrouchni, qui dirige le groupe de recherche Systèmes Multi- Agents et co-anime l’axe de recherche Intelligence Artificielle et Sciences des Données au sein du laboratoire d’Informatique de la Faculté des Sciences et d’Ingénierie de la prestigieuse université de la Sorbonne, l’IA peut être paramétrée pour sensibiliser les citoyens aux risques, donner des conseils personnalisés en cas de contamination (coachs intelligents dédiés) ; apporter des solutions inclusives et adaptées aux personnes fragiles ou ayant des besoins spécifiques.
Pour étayer ses propos, elle apporte l’exemple de la transcription du texte en voix et inversement qui permet une meilleure inclusion dans l’usage des technologies grâce aux interfaces multimodales.
Par ailleurs, en ces temps de confinement imposé par les autorités sanitaires afin de contenir la propagation du virus mortel, l’IA a démontré toute son importance. Des applications intelligentes se développent pour aider à ne pas rompre le lien social.
Consciente que les sciences et les technologies ne sont pas « neutres », Mme El Fallah Seghrouchni qui vient de rejoindre la COMEST de l’Unesco, chargée d’énoncer des principes éthiques dans le domaine des sciences et des technologies, plaide pour des garde-fous clairs et bien définis. « Il faut œuvrer à définir un cadre éthique et juridique pour que l’humanité puisse bénéficier du progrès scientifique », affirme-t-elle.
De même assure-t-elle, « il est nécessaire de développer une IA inclusive, éthique et responsable pour mieux gérer les crises et surtout nous y préparer de façon optimale ».
Toutefois dans ce domaine immense de l’IA, le gap entre pays ou régions est énorme et sa résorption n’est pas pour demain. Il est même de plus en plus visible et il s’accentue et accentue les inégalités, dans l’actuelle conjoncture de pandémie mondiale. D’où l’intérêt, selon cette experte internationale en IA, pour les pays y compris ceux en voie de développement d’accorder toute l’importance requise à ce domaine.
« Il est nécessaire de développer une IA inclusive, éthique et responsable pour mieux gérer les crises et surtout nous y préparer de façon optimale», affirme-t-elle.
« L’IA, comme d’autres technologies de pointe, crée déjà des inégalités. Dans un monde où l'économie est tributaire du savoir, de la connaissance et de l'immatériel, l’IA est un paradigme cognitif de choix. L’IA, figure de proue de ce nouveau mode économique, a déjà levé des fonds impressionnants, les investissements à l’échelle planétaire se comptent en milliards et les salaires des chercheurs en IA se chiffrent en millions », soutient encore Mme El Fallah Seghrouchni.
Mais, « la crise du COVID-19 actuelle renforce déjà l’IA qui vient à la rescousse. Alors, oui, l’IA devrait être intégrée dans les politiques et les stratégies nationales de développement des pays en voie de développement, en prenant appui sur les cultures, les valeurs et les connaissances endogènes pour développer les économies de ces pays et à leur tête les pays Africains », affirme-t-elle. « Galilée aurait dit, à propos de l’IA, et pourtant elle tourne ! », soutient cette fervente défenseure de cette technologie.