A en croire les chiffres rendus publiques lors de la conférence de presse quotidienne destinée à faire un état des lieux sur les nouveaux cas confirmés et les décès, la propagation du nouveau coronavirus montre que tout n’est pas fait pour endiguer l’épidémie, alors que le système, fidèle à sa tradition politique, prêche le faux en essayant de convaincre que "la situation est sous contrôle".
D’aucuns soutiennent, en effet, que les mesures tardives de confinement partiel décidées dans plusieurs wilayas du pays sont rendues surannées, en raison de l’absence d’une véritable stratégie de communication et de prévention. Ainsi, en plus du confinement sanitaire, les Algériens ont droit à un confinement médiatique.
De l’avis des journalistes et des professionnels des médias, les restrictions qui leur sont imposées et la procédure de délivrance d’un laissez-passer pour exercer leur mission qui consiste à informer l’opinion publique, les soumettent indubitablement à un "véritable confinement".
Mieux encore, les organes de presse sont contraints de présenter une liste réduite de leurs journalistes au chef de daïra de la circonscription dans laquelle se trouve leur siège social et où les demandes de tout le monde sont déposées.
Dans ces conditions surréalistes, les observateurs se demandent si l’on peut encore parler du principe sacré du droit d’informer, lorsque le journaliste est confiné et sommé de servir de caisse de résonance du gouvernement.
En effet, depuis l’avènement de cette agression virale et au moment où les Algériens guettaient de leurs responsables une approche beaucoup plus pragmatique de cette conjoncture délicate, tout un chacun peut relever le manque d’une vision prospective pour la défense de la santé publique et d’une véritable communication sur cette pandémie. Ceci est d’autant plus vrai que le nombre de cas positifs (1914 cas confirmés le 12 avril) et celui des décès (293) va crescendo et l’impression générale des Algériens est que le gouvernement, hormis toutes les mesures prises jusqu’ici, n’arrive pas encore à endiguer la propagation du fléau.
D’aucuns estiment, en effet, que ce confinement médiatique est révélateur d’une gestion désordonnée d’un secteur névralgique qui est celui de la Santé. Ainsi, au discours officiel rassurant que toutes les conditions sont réunies pour lutter efficacement contre Covid-19, des voix s’élèvent pour crier leur désarroi devant le peu de moyens dont dispose le corps médical pour faire face à cette nouvelle menace sanitaire d’envergure.
C’est le cas du docteur Yousfi, chef de service à l’EHS de Boufarik à Alger qui a affirmé qu’actuellement, au niveau des services d’infectiologie, que ce soit dans les hôpitaux d’El Kettar ou à Boufarik, on parle déjà de saturation, relevant qu’ils n’ont plus de place pour accueillir les personnes contaminées.
"Ce qui nous inquiètent, ce sont ces formes graves surtout chez les jeunes. Ces cas nécessitent bien sûr de la réanimation, mais il faut d’abord trouver une place. Les CHU de Bab El Oued, Mustapha et Beni Messous n’ont pas assez de place", regrette-t-il.
A cela s’ajoutent encore les inquiétudes exprimées par les personnels soignants face au manque de moyens de protection (lunettes, bavettes, blouses) et autres équipements, sachant que l’Algérie vient de recevoir de Chine une commande de 8,5 millions de masques chirurgicaux, dont 100.000 FFP2. Une quantité qui, de l’avis de Dr Yousfi, reste insuffisante vu le nombre des personnels médical et paramédical (environ 400.000 au niveau national) qui nécessitent particulièrement des équipements de protection pour soigner les patients atteints du coronavirus.
C’est aussi le cas de docteur Moualek Lounes, président de l’Association des médecins libéraux internistes, qui relève que le besoin se fait aussi sentir de manière accrue pour les médecins, les cabinets médicaux, les cliniques privées, les laboratoires d’analyses ainsi que les personnels d’officine. En effet, la majorité des cabinets ont décidé de fermer et de se contenter de renouveler les ordonnances pour leurs patients par téléphone en raison de l’insuffisance des moyens de protection.
Il va sans dire que seule la transparence et le débat de vérité sont payants et que pour s’en sortir, l’Algérie ne peut réserver le même traitement à la gestion de la crise sanitaire que celui prôné pour la gestion des crises politique, économique et sociale dont s’est fourvoyé le pays durant les dernières décennies.