“D’abord une première phase (de gestion de la crise, NDLR) semble réunir les caractéristiques de la stratégie dite de la +discrétion maîtrisée+, qui consiste en communication de crise à lâcher progressivement des informations pour ne pas trop déstabiliser la cible, le temps de lui permettre petit à petit de digérer le choc”, écrit Mohamed Benabid, membre-fondateur de l’IMIS et auteur de l’article.
C’est ce qui a été constaté pour les différents feuilletons du dispositif d’urgence sanitaire (fermeture du ciel aérien, confinement, obligation de port de masques..) communiqués de manière morcelée, explique-t-il.
Vient ensuite une deuxième phase caractérisée par la communication autour de la contribution au Fonds Covid-19 et autour de la logistique d’indemnisation des victimes, relève M. Benabid, ajoutant que cette démarche est assez voisine de la stratégie dite de « reconstruction », à une nuance près toutefois : la dimension assomption de responsabilité n’y figure pas comme pour la stratégie éponyme.
Dans la même grille d’analyse, l’analyste marocain identifie une temporalité dans la stratégie déployée ainsi que des espaces narratifs implicites qui contribuent à renforcer la portée des messages auprès de la population.
“Ces approches semblent également destinées à convaincre l’opinion que les pouvoirs publics sont dignes de confiance”, fait-il observer, soulignant que “ce type de récits est paré de vertus pour l’efficacité des messages de communication, en ce sens qu’il se traduit par un engagement émotionnel fort chez la population”.
Par ailleurs, l’auteur relève que le chapitre de la communication autour de la Chloroquine est tout aussi “instructif”.
“Force est de constater que le dossier n’a aucun moment pris les tournures de problème public ou de crise politique comme en France ou, dans une moindre mesure, aux Etats-Unis”, poursuit-il, soulignant que le ministère de la Santé a communiqué “rapidement” ses choix thérapeutiques sans qu’aucune “polémique” ne s’en suive, etc.
Quant à la question des risques thérapeutiques, M. Benabid estime qu’en l’absence de “certitude scientifique”, la société marocaine “ne l’élude pas”, expliquant en même temps qu’en laissant de côté l’arrière-plan des “batailles” de validation des protocoles, et considérant que le pays n’avait pas à attendre une issue “hypothétique” du débat, elle a cependant délégué la responsabilité de l’arbitrage bénéfice-risque à l’Etat en qui elle continue d’avoir confiance.
“Cette confiance s’est sans doute nourrie du bilan de la gestion marocaine du Covid19, laquelle a connu un plébiscite international”, constate-t-il.
Toutefois, le membre-fondateur de l’IMIS juge qu’en dépit des “réussites” négociées les premiers jours, le déploiement de la stratégie de communication de crise sous son format actuel pourrait s’avérer avec le temps “perfectible”.
“Si une introspection s’impose elle doit conduire à s’interroger sur ce qui compte vraiment : rassurer et continuer de convaincre la population de rester chez elle car il n’existe pas d’autres alternatives pour l’heure”, indique-t-il.
De surcroît, l’auteur de la publication affirme qu’un premier axe de recadrage porte à considérer qu’il n’existe pas un seul public mais plusieurs, expliquant qu’en droite ligne des approches contemporaines de la communication de crise (voire de la communication tout court), le concept de public actif et passif revêt une importance particulière, car il renseigne sur les gisements d’amélioration possible en matière de ciblage des audiences.
La première catégorie, plus avertie, mérite, selon les mots de l’auteur, un “plus grand” engagement de la part du communicant, car elle peut faciliter la mobilisation en partageant des informations importantes tout au long du processus de gestion de crise.
S’agissant de la deuxième catégorie, M. Benabid précise qu’elle consiste à s’arrêter sur le contenu même de la communication.
En ce qui concerne le troisième axe, il fait savoir qu’il relève de la sphère privée et ne concerne pas une dimension sanitaire, rappelant à cet effet que le plan de relance économique et social prévoit une série de mesures dont, en première ligne, un accompagnement financier pour les entreprises et ménages en difficultés.
“Pour rassurer la population, l’état d’avancement et de déploiement du dispositif, en grande partie pris en charge par les banques, doit être communiqué régulièrement. C’est un signal important pour la phase de reconstruction”, estime-t-il.
Enfin, le quatrième et dernier axe porte sur la qualité de la communication numérique, note l’acteur de l’article, en affirmant que la communication de crise est “challengée” par les exigences d’audiences “très fragmentées”.
“Cette hétérogénéité est d’ailleurs présentée comme l’une des principales difficultés de la communication de crise en ligne”, estime-t-il.