Dans un entretien à la MAP, le président du syndicat marocain des professionnels des arts dramatiques, Massoud Bouhsin, répond à trois questions portant sur les répercussions de Covid-19 sur le théâtre, le rôle du théâtre durant cette pandémie et les moyens de réhabiliter le secteur théâtral après cette crise sanitaire.
1 - Quelles sont les principales répercussions de la crise provoquée par le nouveau coronavirus sur le secteur théâtral ?
En vérité, la pandémie a eu de nombreuse répercussions sur le secteur, tant au niveau social que culturel. Au niveau social, cette pandémie a coïncidé avec la période de l'année où l'activité théâtrale est à son apogée. De plus, le travail théâtral est basé sur la présence du public, alors que les activités culturelles liées au spectacle étaient les premières à être suspendues et seront probablement les dernières à être de nouveau lancées. D'autant que la saison 2020 n'a pas eu l'opportunité d'éclore, ce qui résume assez bien la souffrance sociale que subit une grande partie d'artistes qui vivent de leur art.
Au niveau culturel, les répercussions de la pandémie seront "profondes", car l'impact sur la production culturelle est telle qu'un retour à la normale sera impossible. Dans cette situation, il sera même difficile de préserver certains acquis de la scène culturelle marocaine, au vu de la "nonchalance" du département de tutelle, à la fois avant et durant le confinement.
2 - Durant la période de confinement, plusieurs initiatives ont été organisées pour présenter des spectacles en direct sur les réseaux sociaux, des troupes ont même présenté des spectacles gratuitement. Quel est, à votre avis, le rôle dévolu à l'art en général et au théâtre en particulier pour réduire le stress causé par le confinement ?
L'art, y compris le théâtre, peut jouer un rôle important durant la période de confinement à travers des programmes alternatifs. C'est d'ailleurs ce qu'on a vu dans de nombreux pays où les réseaux sociaux ont été mis à profit pour présenter des monologues, des enregistrements de pièces théâtrales ou encore à travers la diffusion en direct de genres nouveaux comme le théâtre de conférence.
Il existe des initiatives similaires ici et là au Maroc, mais les initiatives du département de tutelle restent "limitées", car à l'exception de certaines directions régionales de culture, l'offre culturelle alternative dans le domaine théâtral reste "insuffisante".
3 - En tant que président du syndicat marocain des professionnels des arts dramatiques, quelle est votre vision pour promouvoir le secteur théâtral après la Covid-19 ?
La promotion du secteur artistique en général a besoin d'un gouvernement agissant et intéressé par le secteur. Le théâtre a été confronté à de "nombreux obstacles" dernièrement et avec la crise de Covid-19, nous avons remarqué une absence de vision claire de la part du secteur culturel. Nous estimons donc qu'il faut une intervention sur trois principaux niveaux.
D'abord, il faut accorder une importance à l'aspect social, notamment pour les artistes détenteurs de la carte d'artiste ou de la carte du Centre cinématographique marocain, qui vivent uniquement de leur art. Ensuite, il faut adopter des programmes alternatifs pouvant assurer la continuité de l'offre culturelle et notamment théâtrale durant la période de confinement.
Le troisième niveau concerne la planification de l'après coronavirus, en rentabilisant cette période de confinement à travers l'élaboration de projets artistiques et l'annonce des subventions théâtrales pour l'année 2020. Cela permettra un gain de temps. En cas de prolongation de la durée de confinement, les subventions peuvent être prolongées.
Il sera difficile d'assurer une transition après la période de confinement vers une dynamique culturelle normale, car le travail culturel et théâtral nécessite une préparation sur papier et des entrainements avant le spectacle. Voilà pourquoi, il faut annoncer les subventions, présenter les dossiers de candidatures, les traiter et annoncer les résultats, pour lancer les entrainements puis le spectacle. Cette opération demande un temps très long et nécessitera de sacrifier une saison ou deux et c'est ce que doit assimiler le ministère de la Culture.