Si les dirigeants européens se sont bel et bien entendus sur un plan d'urgence à 540 millions d'euros pour répondre dans l'immédiat au choc économique provoqué par la pandémie, le plus dur pour l'UE sera de revigorer à plus long terme son économie ankylosée.
Face à l'ampleur de ce défi, l'Union européenne met les bouchées doubles pour mettre au point un plan de relance massif à même de permettre à son économie de retrouver une bonne santé et de se relever après cette crise sans précédent.
Dans ce sens, les chefs d'Etat et de gouvernement des Vingt-sept ont chargé la Commission européenne d'établir les besoins par Etat et par secteur et de présenter une proposition de ce plan de relance. Initialement prévue pour le 6 mai, la proposition très attendue de l'exécutif européen devra être dévoilée le 27 courant.
Dans une intervention la semaine dernière devant le Parlement européen, la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, a assuré que ses équipes travaillent actuellement sur un plan de relance "ambitieux" afin de soutenir ceux qui en ont le plus besoin, encourager les investissements et les réformes et renforcer les économies en se concentrant sur "nos priorités communes".
Elle a ainsi précisé que ce plan de relance se composera de deux parties: la première est liée au budget européen pluriannuel 2021-2027, tandis que la deuxième concerne un instrument de relance financé grâce à une marge d'endettement plus importante qui fixe le montant maximal que la Commission peut emprunter sur les marchés de capitaux avec la garantie des États membres.
Si le montant exact de ce plan de relance et ses modalités restent à préciser, certains évoquent un budget de 1.000 milliards d'euros. Le président français Emmanuel Macron et la chancelière allemande Angela Merkel, viennent, quant à eux, de présenter une initiative commune qui soutient notamment la création d'un Fonds de relance doté de 500 milliards d'euros en dépenses budgétaires de l'UE.
Selon la proposition du duo franco-allemand, cette somme devrait provenir d'un recours à l’emprunt garanti par les Vingt-sept via le budget européen pour voler au secours des pays, régions et secteurs les plus touchés par la crise du coronavirus.
Ces aides ne seront pas sous forme de prêts et ne devront pas être remboursées par les bénéficiaires. Il s'agira plutôt de subventions et les emprunts sur les marchés seront remboursés par l'ensemble des pays européens, même ceux qui n'ont pas reçu de dotations, en fonction de leur richesse.
C’est cela, "la solidarité européenne", s'est félicitée Mme Merkel en présentant ce plan de relance, affirmant que "l’Allemagne ne s’en sortira bien que si l’Union se porte bien".
Réagissant à ce plan, la présidente de la Commission européenne a dit "se réjouir" de l’initiative "constructive" franco-allemande "qui va dans le sens de celle préparée par la Commission".
Si le plan de relance franco-allemand sert de base à la proposition de la Commission européenne, il devra encore obtenir l'aval des autres Etats membres ainsi que du Parlement européen, mais c'est loin d'être gagné. Le montant évoqué est, en effet, largement en deçà de celui réclamé par les eurodéputés qui ont voté la semaine dernière une résolution exigeant un plan de relance de 2.000 milliards d’euros.
Les députés européens ont insisté également pour que le Parlement "soit associé à la définition, à l'adoption et à la mise en oeuvre du Fonds de relance" qui doit venir en sus du budget européen 2021-2027, "et non au détriment de programmes européens existants et futurs".
Mettant en garde la Commission contre le recours "à des multiplicateurs douteux pour donner une publicité à des chiffres ambitieux", les eurodéputés ont même brandi la menace de ne pas approuver le projet de budget européen pluriannuel sur lequel sera adossé le plan de relance.
Du côté des Etats membres, la recherche d'un compromis sur le plan de relance et ses modalités ne sera pas chose aisée non plus. Les divergences entre les pays du Nord, souvent opposés à payer pour les dépenses de ceux du Sud, qui, eux, réclament une plus grande solidarité européenne, risquent de resurgir rapidement, compromettant un accord entre les Vingt-sept sur la relance de l'économie européenne.
Le ministre français de l'Economie Bruno Le Maire a ainsi prévenu que "ce sera une partie difficile" pour remporter l'adhésion des autres Etats membres, citant en particulier l'Autriche, le Danemark, la Suède et les Pays-Bas.
Le chancelier autrichien Sebastian Kurz n'a pas tardé à corroborer les craintes du ministre français, réitérant que les aides allouées ne doivent l'être que sous forme de prêts.
Les négociations entre les Etats membres sur le plan de relance économique de l'UE s'annoncent donc extrêmement laborieuses et longues et devront mettre à l'épreuve encore une fois la solidarité européenne plus que jamais fragilisée par la crise du coronavirus.