Boîte de Pandore pour les uns, gage de stabilité économique pour les autres, le Fcfa verra ainsi sa dénomination changer pour céder lieu et place à l'Eco, dans l’objectif, antérieurement avancé par le président français Emmanuel Macron, de "rompre les amarres" avec les oripeaux du passé colonial et écrire une page nouvelle du partenariat "décomplexé" avec l’Afrique.
L'accord de coopération régissant ce changement et remplaçant celui du 4 décembre 1973, a été signé fin 2019 entre la France et l'UMOA (Bénin, Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Guinée-Bissau, Mali, Niger, Sénégal et Togo) à l’occasion d’une visite d'Emmanuel Macron à Abidjan.
Selon le gouvernement français, il s'agit d'une "réforme ambitieuse" des relations entretenues par l'UMOA avec la France pour le fonctionnement de son Union monétaire.
Revendication de longue date de nombre d’intellectuels et d’économistes ouest-africains, cette "rupture", comme décrite par Emmanuel Macron, est d’autant plus cruciale qu’elle touche à trois points de grande importance.
En premier lieu, le Fcfa va devenir l’Eco, soit l'appellation retenue pour la future monnaie unique du bloc des 15 pays de la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO).
Encore faut-il rappeler que lorsqu'il a vu le jour au milieu des années 1940, le Fcfa signifiait tout bonnement "franc des colonies françaises d’Afrique". Dans la foulée des indépendances dans la région, l’acronyme avait évolué pour signifier "franc de la Communauté financière africaine".
Pour autant, le legs historique faisait que ce sobriquet désormais euphémique demeure désagréablement appréhendé en Afrique de l'Ouest comme une marque des relents post-coloniaux.
Deuxième réforme et pas des moindres. La Banque centrale des Etats d’Afrique de l’Ouest (BCEAO) ne se trouvera plus obligée de verser la moitié de ses réserves de change auprès de la Banque de France. Une émancipation de taille de l'avis de plusieurs voix anti-Fcfa.
La BCEAO "n’aura à l’avenir plus d’obligation particulière concernant le placement de ses réserves de change". Elle sera libre de placer ses avoirs dans les actifs de son choix”, pour citer la présidence française.
Troisième changement annoncé. Paris va abandonner son siège au sein des instances de gouvernance de l’Union monétaire ouest africaine (UMOA) où elle prenait ses quartiers.
"La France ne nommera plus aucun représentant au Conseil d'administration et au Comité de politique monétaire de la BCEAO, ni à la Commission bancaire de l’UMOA", avait assuré l'Elysée en affirmant qu'il s’agit, de la sorte, de "désamorcer les critiques" selon lesquelles la France continuait de dicter ses décisions dans ces instances via ses représentants.
Néanmoins, des interrogations, pas totalement au goût de certains économistes africains, persistent, notamment le maintien de la parité fixe avec l’euro. Idem pour le rôle de garant financier de la France pour les huit pays de l'UEMOA qui, pour le moins, demeure controversé.
Au-delà de l'UEMOA, la réforme du Fcfa avait été saluée par la directrice générale du Fonds monétaire international (FMI), Kristalina Georgieva, qui a loué une étape "essentielle" dans la modernisation d’accords de longue date entre l'UEMOA et la France.
"Le FMI se tient prêt à coopérer avec les autorités régionales en fonction des besoins ainsi qu’à appuyer la mise en œuvre de cette importante initiative", avait assuré la cheffe de l’institution financière internationale.
Entre-temps, d’ici la mise sur le marché des coupures de l’Eco, nombre de questions demeurent en suspens, principalement en lien avec le calendrier de lancement de la nouvelle monnaie et la corrélation entre la réforme du Fcfa et la future monnaie unique de la CEDEAO, groupement comptant des pays anglophones non-membres de la zone Fcfa.