"La propagation de la Covid-19 à l'échelle mondiale a provoqué un état de peur et d’anxiété généralisé", indique M. Rezrazi, "d’abord en raison des craintes d’infection et de l’angoisse de la mort, puis à cause des incertitudes durables autour de la nature de l’épidémie, ses modes de transmission, son degré de férocité et l’efficacité des protocoles d’intervention thérapeutiques permettant de sauver les contaminés".
Il convient donc de distinguer deux situations souvent confondues: d'une part, "les effets psychologiques provoqués par la peur de la propagation de la pandémie et de sa férocité" et, d'autre part, "ceux engendrés par les mesures visant à lutter contre la pandémie, y compris le confinement", poursuit le professeur.
En effet, les contraintes sanitaires impérieuses et l’instauration du confinement pendant une longue durée n’ont pas mesuré les impacts sur la santé mentale, affirme-t-il, d'autant plus que "sur les plans social et humain, le confinement a généré plusieurs difficultés cognitivo-comportementales", engendrées essentiellement par "des changements de la position et/ou du rôle social et économique des individus".
Aussi, les perturbations provoqués par le confinement nécessitent un recadrage entre différents calendriers que représentent "le biologique de nos corps, celui de nos interactions sociales et celui de nos obligations professionnelles", explique l'auteur du policy brief.
Ainsi, les répercussions de la crise de la Covid-19 et du confinement se sont manifestées à différents degrés, selon quatre catégories sociales et professionnelles, souligne M. Rezrazi qui évoque dans ce sens et à titre d'exemple les personnes "ordinaires" ayant notamment éprouvé des angoisses, des peurs et des souffrances dues au sevrage de certaines habitudes quotidiennes.
Il s'agit aussi es individus ayant "des antécédents de troubles psychologiques/mentaux", "ceux ayant manifesté de nouveaux troubles du comportement, des troubles sensationnels ou émotionnels", ainsi que "les professionnels œuvrant dans le domaine de la santé et des services de sécurité ayant éprouvé des inquiétudes et des craintes accrues".
Les cas observés, révèle-t-il, démontrent une variété de malaises qui consistent, entre autres, dans "la fatigue et le stress, les attaques de panique, l’aggravation des problèmes préexistants de santé physique ou mentale, l’augmentation de l’usage de psychotropes, le sentiment d’impuissance, la souffrance morale, l’anxiété et la détresse psychologique".
Toutefois, note l'expert, "l’état psychologique qui résulte de la quarantaine ou du confinement ne disparaît pas automatiquement après la levée des mesures sanitaires", dans la mesure où "l’état de détresse chez les individus perdure souvent, s’intensifiant quelquefois, ou encore mutant vers d’autres pathologies".
De nombreuses personnes, alerte-t-il, vont continuer de ressentir de profondes angoisses, la peur d’autrui, des inquiétudes liées à l’avenir au cours de la phase "post-confinement", tandis que d’autres feront preuve de réactions pessimistes pendant cette phase en raison de la situation d’incertitude exacerbée.
Abordant le volet de la recherche, M. Rezrazi fait savoir que la pandémie a ouvert une nouvelle voie dans le domaine des sciences de la santé mentale, ajoutant que les prochaines éditions du Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux et de la classification des troubles mentaux devraient probablement consacrer des chapitres propres aux caractéristiques de la santé mentale pendant les crises.