Ils ont été 61,7% à refuser, selon des résultats confirmés du référendum organisé dimanche, le projet de la droite populiste qui aurait limité l'immigration des ressortissants de l'Union européenne, la proposition de l'Union démocratique du centre (UDC), le premier parti helvétique, visant à mettre un terme à la libre circulation des travailleurs européens en Suisse et à rétablir des quotas pour réguler l'immigration.
Ce revers infligé au premier parti politique suisse est d'autant plus cinglant que l'UDC enfourchait un cheval de bataille - le flux des étrangers - qui l'a jusqu'ici toujours emmené à la victoire.
L'initiative dite de limitation demandait que la Suisse règle de manière autonome son immigration. Elle voulait notamment en finir avec la libre circulation avec l'UE qui met, selon ses partisans, sous pression le marché du travail, les services sociaux ou encore les infrastructures.
Lors de la campagne, l'UDC a joué sur les craintes des travailleurs jeunes et plus âgés d'être poussés dehors par des étrangers moins chers. Outre un dumping salarial, l'immigration "incontrôlée" provoquerait également une hausse des coûts de l'assurance-chômage et des loyers, une surcharge des trains et des routes, ainsi qu'un bétonnage accru des paysages ruraux, a assuré le parti.
Pour les opposants, la libre circulation est bénéfique à la place économique et scientifique suisse. Les entreprises helvétiques ont besoin de travailleurs étrangers et le commerce est intrinsèquement lié à l'Europe, ont avancé le gouvernement, tous les autres partis, les employeurs et les syndicats.
Le camp du "non" a ainsi convaincu la majorité des votants d'éviter un "Brexit suisse", la libre circulation étant liée par une clause de guillotine à six autres accords bilatéraux.
La presse suisse était unanime à mettre en avant le plébiscite pour la libre circulation, tout en pointant une "gifle" et un "fiasco" pour l'UDC, qui a perdu quatre objets soumis au vote.
"Trois citoyens sur cinq ont balayé la très populiste initiative dite de limitation", précise le journal du Jura . "À l'heure où la crise consécutive à la pandémie de coronavirus frappe de plein fouet l'économie du pays, les électeurs n'ont pas voulu en rajouter une couche", a-t-il ajouté.
Avec le Covid-19, "certaines boussoles ont retrouvé leur nord", fait écho Le Courrier, qui souligne pour sa part les quatre victoires de la gauche sur les cinq objets soumis au vote. À "une fermeture des frontières comme l'induisait l'initiative de limitation de l'UDC", les Suisses ont préféré "trouver une voie dynamique d'échanges avec les pays voisins en protégeant les salariés plutôt que le rejet et la peur du personnel frontalier, dont nos hôpitaux ont par ailleurs besoin pour tourner", ajoute le journal genevois.
Pour Le Temps, le non à plus de 61% est "un plébiscite pour la libre circulation des personnes" et une confirmation que "la voie bilatérale est la bonne stratégie" avec l'Union européenne (UE). Si ce succès est dû à une "campagne exemplaire" avec notamment une "alliance forte" entre patrons et syndicats, il est "aussi celui d'une femme: Karin Keller-Sutter", la ministre de la justice qui s'est engagée "sans compter dans cette votation avec un discours clair et positif [...] Avec cette victoire, la Saint-Galloise prend une nouvelle dimension au sein du gouvernement".
Outre une confirmation de l'attachement à la voie bilatérale, le peuple suisse a "clairement reconnu son erreur du 9 février 2014", lorsqu'une faible majorité avait accepté l'initiative "contre l'immigration de masse", juge Le Quotidien Jurassien.
Mais si "le premier parti du pays a reçu une gifle sur son terrain de prédilection", le résultat de dimanche est "un 'oui' à l'Europe sous conditions", écrit La Liberté.
Pour le Blick, la première formation politique du pays a connu dimanche "son plus grand fiasco depuis que Christoph Blocher a été éjecté du Conseil fédéral en 2007". Le texte du parti populiste n'a obtenu que 38% des voix, "avec l'immigration comme thème central!", s'exclame le journal zurichois.
"La direction de l'UDC s'est cassée la figure en attaquant la libre circulation", renchérit le Tages-Anzeiger. Ce rejet des Suisses "doit donner à réfléchir au parti: il a fusionné deux de ses thèmes favoris, l'immigration et les relations avec l'UE, en une initiative populaire. Mais il n'a même pas réussi à susciter une discussion", ajoute-t-il.