1- Comment évaluez-vous l’impact de la pandémie du Covid-19 sur le secteur du commerce au niveau national ?
La pandémie du coronavirus a impacté l’économie nationale dans son ensemble, et plus particulièrement les secteurs vitaux, dont le commerce. Mis à part les activités relatives au domaine de la santé, de la pharmacie, des produits de nettoyage, des produits alimentaires et des produits agricoles, les autres branches du secteur du commerce concernées par la décision de fermeture ou d’arrêt durant la période de confinement ont été très impactées, ce qui explique la situation que connaît actuellement le secteur dans son ensemble.
Nous nous attendions à des indications quant à un soutien au secteur dans la loi de finances rectificative, mais les commerçant ont été déçus. Nous avons également soumis au Comité de veille économique un mémorandum au nom de la FCMCIS, néanmoins aucune demande n’a été satisfaite. Nous comprenons parfaitement qu’il y ait plusieurs contraintes durant la pandémie, mais les commerçants espèrent avoir une réponse à leurs demandes étant donné qu’ils souffrent en silence. Le commerçant est militant et patient, et il fait face actuellement à de réels problèmes et contraintes qui s'accentuent chaque jour et sont devenus un lourd fardeau, auquel il est nécessaire et fondamental de trouver une solution.
Nous avons élaboré des études sectorielles comprenant certaines régions durant la période de la pandémie, qui ont révélé que le secteur du commerce a connu un arrêt presque total durant le confinement ayant atteint 90%. Actuellement, après l’allègement des mesures, nous enregistrons une baisse de 50% en volume des échanges commerciaux, ce qui impactera le chiffre d’affaires des commerçants, qu’ils soient personne physique ou moral.
2- Est-ce-que vous vous attendez à ce que l’impact de la pandémie sur le secteur du commerce se poursuive durant les mois prochains ?
En premier lieu, je salue les soldats de l’ombre qui ont oeuvré pour contenir la propagation du virus, notamment les autorités locales et les cadres de la santé, ainsi que les citoyens qui ont fortement adhéré aux efforts de lutte contre la pandémie.
Il est difficile de parler des contraintes auxquels fait face le secteur du commerce dans un contexte international incertain. Il est impossible de dire que la pandémie s’arrêtera dans un mois, six mois ou plus encore en l’absence d’un vaccin efficace, mais nous pensons qu’il est nécessaire, pour les différentes parties concernées, de revoir la gestion de la crise. La fermeture peut être nécessaire mais nous demandons un allègement des restrictions là où c'est possible, avec un élargissement des horaires d’ouverture des commerces dès que la situation épidémiologique le permet.
D’autre part, je pense qu’il est temps pour l’Etat de revoir l’ordre des priorités, car il y a des secteurs importants et vitaux qui constituent les fondements de l’économie nationale, et le secteur du commerce en fait partie. Nous pensons qu’il est nécessaire de le réformer et d’y apporter un soutien pour mener à bien sa mission dans le cycle économique. Face au contexte actuel où nous prévoyons d’importants changements au niveau du commerce international et la possibilité de voir certains pays imposer des barrières commerciales pour protéger leurs économies, le besoin d’accorder plus d’attention au secteur du commerce national s’impose de manière évidente.
3- Pour contenir l’impact de la pandémie, comment évaluez-vous les mesures prises et quelles sont les revendications des commerçants ?
Avant toute chose, en tant que membre du Comité de veille économique, j’estime que l’Etat a fourni un grand effort dans la gestion de la pandémie, notamment à travers le soutien des commerçants touchés par la crise, à commencer par la création du Fonds spécial pour la gestion de la pandémie du coronavirus sur Hautes Instructions Royales, qui a permis aux commerçants impactés par la crise, qu’ils soient adhérents à la Caisse nationale de la sécurité sociale (CNSS) ou travaillant dans le secteur informel, de bénéficier du soutien, en plus de la décision royale d’exonérer des droits de bail les locataires des locaux des habous, ainsi que le report des échéances des crédits, l’instauration de la garantie "Damane Oxygène" et le programme "Intelaka".
Une série de mesures prises en ces circonstances et ayant mobilisé des budgets très importants sont à saluer, néanmoins certaines demandes des commerçants et professionnels au Comité de veille visant à résoudre les problèmes qui empêchent la relance du secteur, et qui concernent notamment les décisions fiscales locales, la révision du système fiscal et le non accès de certains commerçants au financement bancaire, sont restées sans réponse. Ces contraintes, doublées de la baisse du pouvoir d’achat des citoyens, ont aggravé davantage la situation des commerçants.
En tant que Fédération des chambres marocaines de commerce, d'industrie et de services, nous avons soumis au Comité de veille un mémorandum où nous avons exprimé l’ensemble des demandes et doléances des professionnels et des commerçants. Cependant, seulement 10 à 20% de ces demandes ont été prises en compte, ce qui est insuffisant pour répondre aux besoins du commerçant marocain.
4- Quels sont les mesures préparées par les Chambres de commerce pour toute fermeture éventuelle en cas d’aggravation de la situation épidémiologique ?
Je pense que nous ne retournerons plus à une situation de fermeture généralisée car les autorités gèrent bien la pandémie et prennent les décisions selon la situation dans chaque région et zone.
Tout au long de la période du confinement, nous nous sommes attelés à l’organisation de formations sur le e-commerce dont ont bénéficié nombre de commerçants. Ces sessions de formations se poursuivent encore pour que les commerçants soient prêt à toute fermeture potentielle, quoique nous jugeons que ces sessions à elles seules ne sont pas suffisantes.
D’un autre côté, nous estimons que le commerce est une affaire générale et globale, et que l’Etat doit prendre les mesures nécessaires pour garantir le pouvoir d’achat de la classe moyenne de manière à ce qu’elle continue à jouer son rôle de moteur du cycle économique. Encourager la classe moyenne est donc nécessaire pour résoudre le problème du commerce.
Il faut également approcher la question de la pandémie de manière globale et non sectorielle, et contenir donc les problèmes auxquels fait face la classe moyenne et qui impactent ainsi le cycle économique, le commerce compris.
5- La pandémie du coronavirus a été l’occasion de se pencher davantage sur le rôle des Chambres régionales. Quels sont, selon vous, les réformes à même d’améliorer ce rôle ?
Les Chambres de commerce ont veillé à jouer un grand rôle à travers l’écoute des professionnels et l’élaboration de recommandations et requêtes soumises aux parties concernées, dont le Comité de veille, et aux ministères de tutelle, tout en défendant les intérêts de leurs adhérents au niveau local et régional.
Comme vous le savez, le rôle des Chambres de commerce est consultatif, et nous demandons constamment de passer vers un rôle décisionnel. Nous sommes en cours de modification de certains points du projet de loi relatif aux chambres de commerce, d'industrie et de services, qui sera discuté durant la session parlementaire d’automne.
Les chambres ont également oeuvré, avant et durant la pandémie, à l’élaboration d’études soumises aux institutions concernées pour mettre en évidence les problèmes rencontrés par les professionnels.
Nous communiquons, durant cette période, avec les autres professionnels et partenaires, pour élaborer une étude sur les scénarios possibles pour la période à venir afin de sortir de cette crise et résoudre les problèmes liés à la pandémie. Néanmoins, nous attendons l’annonce d’une stratégie dédiée au secteur du commerce promise par le ministère de tutelle dans les plus brefs délais, ce qui est une étape très importante pour les Chambres professionnelles qui veulent contribuer à son déploiement sur le terrain.