Joyce Echaquan, 37 ans, est morte peu de temps après avoir diffusé en direct sur Facebook une vidéo d’elle attachée à sa civière alors que deux membres du personnel de l'hôpital lui lançaient des propos insultants et dégradants.
La mère de sept enfants s'était rendue à l'hôpital quelque jours avant pour des douleurs à l'estomac. Son décès survenu fin septembre a suscité une vive indignation à travers le Canada et relancer le débat sur le racisme l’égard des Premières nations.
Alors que tout le monde s’accorde qu’il ne s’agissait pas d’un évènement isolé et reconnait que les autochtones sont victimes de racisme, le terme «racisme systémique» ne fait pas l’unanimité notamment entre Ottawa et Québec, appelés à travailler ensemble pour répondre aux questions soulevées par la mort de Joyce Echaquan.
« Ce qui s’est passé, c’est la pire forme de racisme quand quelqu’un avait le plus besoin d’aide. C’est un exemple, un autre exemple de racisme systémique qui est tout simplement inacceptable au Canada», a déclaré le Premier ministre Justin Trudeau.
«On considère qu’il n’y a pas de racisme systémique, mais oui, il y a du racisme», a souligné le chef de l’exécutif québécois, François Legault
Pour lui,« ce n’est pas vrai qu’il y a un système de racisme au Québec, le peuple québécois n’est pas raciste. Ce n’est pas une guerre de mots, c’est une guerre contre le racisme» .
M. Legault qui, a présenté au nom du gouvernement des excuses officielles à la famille de la femme autochtone, a admis que beaucoup d'actes racistes à l'endroit des Autochtones continuent d'avoir cours au Québec.
Il s’est engagé à œuvrer pour maintenir le dialogue entre son gouvernement et les communautés autochtones, au moment où ces derniers exigent des gestes concrets, insistant qu’ils sont victimes d'un racisme généralisé dans les institutions et bien implanté dans le système.
Plusieurs manifestations ont été organisée en hommage à Joyce Echaquan. «C’est une révolution de nos cœurs et de nos mentalités que cela prend, et c’est uniquement grâce au mouvement que nous amorçons (...) que la classe politique n’aura d’autre choix que de se ranger derrière nous» a déclaré le chef de l’Assemblée des Premières Nations Québec-Labrador, Ghislain Picard, lors d’une veillée en hommage à la mère de famille.
Face à la pression, le chef de l’exécutif québécois a même dû remercier sa ministre des Affaires autochtones.
«On repart à neuf», a indiqué M. Legault en annonçant ce petit remaniement. Toutefois son choix ne pas fait l’unanimité vu que le nouveau ministre est un ex-policier.
Il avait d’ailleurs admis que le racisme dont sont victimes les membres des Premières Nations existe partout. «Ça existe dans la police, ça existe dans la justice, mais ça existe aussi en dehors des institutions gouvernementales, notamment en matière d'emploi et en matière de logement», a-t-il reconnu, sans toutefois admettre qu’il s’agit d’un «racisme systémique».
Cette attitude du chef du gouvernement québécois a suscite l'ire des communautés autochtones. Le Conseil des Atikamekw de Manawan (communauté de Joyce Echaquan) avait notamment refusé qu'il assiste aux funérailles de la défunte.
La reconnaissance de l’existence du racisme systémique est fondamentale pour la mise en place des réformes visant à le combattre, insistent ces communautés qui reprochent également au gouvernement de pas prendre en compte les recommandations d’un rapport accablant sur le racisme à l’égard des autochtones du Québec publié il y a un an par une commission d’enquête.
Le document pointe du doigt le racisme manifesté contre les membres des premières nations au sein des institutions gouvernementales québécoises, la police, la justice, le système de santé.
«Si le gouvernement avait pu faire des mises en œuvre sur les actions déposées dans le rapport, Joyce Echaquan aurait été de ce monde », a déploré la présidente de Femmes autochtones du Québec Viviane Michel.
Lors d'une réunion dédiée récemment au racisme vécu par les peuples autochtones dans les systèmes de soins de santé du Canada, des participants ont exprimé leur crainte qu'un éventuel désaccord entre les gouvernements fédéral et provincial autour du champ de compétence de la santé n'entrave les efforts visant à faire avancer ce dossier.
« Le racisme tue et le racisme systémique tue systématiquement. Le gouvernement fédéral ne peut unilatéralement adopter et mettre en œuvre les changements nécessaires pour répondre à ces problèmes », a déclaré le ministre fédéral des Services aux Autochtones, Marc Miller, initiateur de cette rencontre qui a réuni plus de 400 participants.
Selon lui, «le racisme systémique ne va pas être éliminé du jour au lendemain, mais ce n’est pas une excuse pour ne pas agir maintenant».