"La gestion de la détention préventive est considérée parmi les sujets qui jouissent d'un intérêt particulier de la part de la Présidence du Ministère public, comme en témoigne le nombre impressionnant de circulaires adressées aux parquets généraux à ce sujet", a ajouté M. Daki qui intervenait à l'ouverture d'un séminaire régional, de deux jours, sur "la rationalisation de la détention préventive" organisé par la Présidence du Ministère public.
Et de poursuivre que la détention préventive est aussi l'un des sujets présents avec force lors des différentes réunions et rencontres consacrées à la justice pénale, tenues avec les responsables judiciaires et les autres acteurs du secteur de la justice.
"Il s'agit d'une chose toute à fait normale, si on doit se rappeler à l'évidence que la détention préventive touche à l'un des droits les plus élémentaires de l'individu, tel que consacré par les conventions internationales et les religions monothéistes à savoir : le droit à la liberté", a estimé M. Daki, notant que cette question se veut aussi "un critère réel" du degré du respect des règles et conditions du procès équitable, et de l'activation de la présomption d'innocence qui constitue "la pierre angulaire" dans les systèmes judiciaires modernes".
Tout excès ou mauvaise évaluation dans la mise en oeuvre du pouvoir carcéral, signifierait nécessairement une violation de la liberté de l'Homme et une atteinte à la présomption d'innocence, a expliqué M. Daki.
"C'est pour cela que nous ne cessons d'insister, à maintes reprises, que l'engagement des poursuites en état d'arrestation doit se faire dans des cas exceptionnels où, il y a atteinte flagrante à d'autres intérêts de la part du mis en cause", a-t-il relevé, insistant sur la nécessité d'offrir des arguments juridiques solides, tels que définis dans les articles 47, 73 et 74 du Code de procédure pénale.
A ses yeux, "en dépit de la place qu'occupe la question de la détention préventive parmi les priorités de la politique pénale et des efforts déployés dans ce sens, celle-ci demeure élevée avec une moyenne de l'ordre de 44,56% à fin octobre 2021, sachant que ce pourcentage a été de l'ordre de 45,25% à fin septembre".
Et de poursuivre que si les efforts de la Présidence du Ministère public ont eu pour effet d'engendrer des résultats positifs comme en témoignent la moyenne de détention préventive enregistrée à fin mars 2019 et qui était de 36,31%, la propagation de la pandémie du nouveau coronavirus a eu des répercussions négatives sur le bon déroulement de la justice ainsi que sur la cadence de traitement des dossiers des détenus préventifs en particulier, influençant ainsi les performances de 2020 et 2021.
Une telle situation, enchaine M. Daki, exige de tous de redoubler d'efforts en rationalisant le recours à la détention préventive lors de l'engagement des poursuites, ou encore de faire montre d'efficience en termes de rendement, lorsqu'il s'agit du traitement des dossiers des détenus et de l'émission de jugements ou encore l'accélération de la procédure de transfert des dossiers des détenus préventifs, objet de recours, vers une juridiction suprême.
Ce séminaire régional, le deuxième du genre, constitue une tribune scientifique et un forum de réflexion profonde en vue de tracer les contours d'une feuille de route efficace, à même d'apporter des solutions à la problématique de la rationalisation de la détention préventive, étant donné que la décision de détention n'est pas une simple procédure à traiter ultérieurement mais, une mesure fondamentale et une décision décisive dans la vie des individus concernés, notamment avec ses implications directes sur les plans familial et professionnel d'où, l'impératif majeur de faire montre d'un degré élevé de vigilance avant de décider du déclenchement d'une telle procédure, a expliqué M. Daki.
Il a rappelé que les règles d'efficacité et du meilleur rendement requièrent un suivi et une évaluation périodiques des différentes décisions prises, notant que les décisions liées à la détention viennent en tête de cette évaluation, sachant que près de 2.000 détenus finissent par recouvrir leur innocence et bénéficient de l'annulation des poursuites, ce qui, a-t-il dit, soulève nombre de questionnements sur la réalité de la pertinence de la détention dans pareilles situations.
L'organisation de ces sessions de formation, à l'initiative de la Présidence du Ministère public et avec le concours de l'Union Européenne, s'inscrit dans le cadre de la mise en application des orientations de la politique pénale que supervise le Ministère public dans le domaine de la consolidation des droits et libertés des individus, et de l'amélioration du rendement des juges du ministère public en matière de rationalisation de la détention préventive et de l'activation de ses alternatives.
Ce séminaire se propose de prendre connaissance des critères internationaux adoptés dans le domaine de la détention préventive, de favoriser l'échange d'expériences et d'expertises dans ce domaine avec des experts étrangers, et de s'initier aux méthodologies modernes adoptées en matière de contrôle et de suivi des mesures de la détention préventive.
Encadrée par des experts marocains et étrangers, cette session de formation profite aux présidents des instances judiciaires, des présidents de chambres qui statuent dans les affaires de détention, ainsi qu'aux magistrats du ministère public opérant au niveau des circonscriptions judiciaires de Marrakech, Settat, Safi et Ouarzazate.
Les participants à ce conclave débattront de plusieurs thématiques ayant trait au "cadre général de la gestion de la détention préventive", "les critères de la détention préventive", "les alternatives à la détention préventive" et à "la détention préventive et la protection des droits".