En tout cas, aujourd’hui règne dans le pays un malaise généralisé. Le témoignage des organisations de la société civile est glaçant, estimant, sans détours, qu’ils vivent une situation de régression par rapport à l’ère Bouteflika.
Le mouvement de contestation subit une répression sans précédent et l’Algérie traverse un grave tournant autoritaire.
Les ONG sont unanimes quant à l’aggravation de la fermeture politique et médiatique, l’autoritarisme effréné et le marasme généralisé.
Le pouvoir observe la ligne du tout répressif dans tous les domaines de la vie publique, en témoignent les condamnations arbitraires et la poursuite des arrestations.
Des indicateurs qui dénotent de la peur et de l’isolement du pouvoir qui, loin de tirer les bons enseignements du mouvement du Hirak né en 2019, préfère une fuite en avant périlleuse. Une fuite en avant qui reflète la criminalisation de l’initiative et de l’action politique et le montage en toutes pièces de dossiers contre les militants et activistes.
Malgré les fanfaronnades du régime en place, un sentiment d’humiliation et d’oppression persiste dont l’aboutissement est la fuite du pays par un nombre croissant d’Algériens.
En effet, depuis le début de l’année, ils sont déjà quelque 13.000 à avoir atteint les côtes espagnoles au péril de leur vie. Pour atténuer un tant soit peu cette tension latente, le régime a choisi d’étouffer ce mécontentement de la rue algérienne par des expédients, en misant sur le prix élevé du gaz et du pétrole, dont l’Europe a soif, et qui représentent 90% des recettes en devises.
Ensuite, en recourant à des subventions massives des produits de première nécessité, cette manière de faire a montré néanmoins ses limites car, elle n’a pas pu éteindre les feux de la colère de la population, ni de sa frustration et n’a permis à l’économie d’échapper à la morosité avec une "croissance souvent à la traîne par rapport à la croissance de la population".
Profitant d’une forte hausse des recettes provenant de ses exportations des hydrocarbures, le pouvoir algérien n’a pas su faire les bons choix, loin s’en faut. Au lieu d’orienter cette bouée d’oxygène vers le développement du pays, l’amélioration des infrastructures, la réponse aux aspirations d’une jeunesse gagnée par le désespoir et le doute, le régime algérien a préféré orienter cette manne vers l’acquisition des armes. Une absurdité et un signe évident de l’attitude belliciste de ce régime qui va allouer en 2023 plus de 22,7 milliards de dollars à la défense, un budget qui a plus que doublé par rapport à 2022.
Cette volonté irraisonné de jouer dans "la cour des grands" s’est encore exprimée le 7 novembre dernier, à travers la demande officielle de l’Algérie de rejoindre l'organisation supranationale des pays émergents dite "BRICS", qui regroupe jusqu'ici cinq pays: le Brésil, la Russie, l'Inde, la Chine et l'Afrique du Sud. Une demande qui a été qualifiée d’aberration, d’absurde pour un pays qui ne produit pas une aiguille !
En dépit de l’importance de la dotation naturelle dont le pays est pourvu, les Algériens, notamment les catégories moyennes et vulnérables souffrent toujours d’un mal vivre, de privations de toutes sortes.
Un régime qui est en train de verrouiller toute expression libre et toute voix discordante à travers une répression systématique, le harcèlement des journalistes et des défenseurs des droits humains, des détentions arbitraires et au recours à des lois qualifiées de scélérates.
Face à une réalité complexe, des problèmes d’une grande complexité et des aspirations déçues des Algériens, rien ne semble encore arrêter le régime militaro-rentier dans sa fuite en avant, dans sa démarche démagogique à répondre aux aspirations légitimes d’une importante frange de la population.
Une vie politique toxique, une répression tous azimuts, un pays pillé et une gouvernance chancelante sont les ingrédients qui caractérisent le mieux la situation dans ce pays.
Pour les défenseurs des Droits humains, face à l’arbitraire et à la répression qui, ils n’ont qu’à faire le choix entre le pire et le plus pire : l'exil ou la prison.
Il n’est pas sans raison qu’aujourd’hui, l’Algérie est un pays pointé du doigt, un bien mauvais exemple, s’agissant de harcèlement de journalistes, de défenseurs des droits de l’Homme, et également d’emprisonnement arbitraires, de fermeture de journaux, de chaînes de télévision.
Le Conseil des droits de l'Homme des Nations unies a donné le 11 novembre 2022 un jugement sans appel sur la situation du respect des droits humains exigeant d’Alger de cesser de "harceler journalistes et défenseurs des droits".
Le pouvoir algérien a trouvé en 2021 la bonne astuce pour faire taire ses opposants. Il suffit d'invoquer l'article 87 bis du Code pénal, qui assimile juridiquement à du terrorisme ou du sabotage tout appel pour une démocratisation de l'Algérie, pour enfermer les opposants au régime.
Pour les militants des droits de l'Homme, "cet article 87 bis sert à réprimer toute forme d'opposition. Le pouvoir se sert du trauma qu'a été la guerre civile, la décennie noire, dans la société algérienne pour enfermer les opposants".
Sur le plan social, rien ne va plus. Les expédients utilisés par le pouvoir n’ont pas produit l’effet escompté. Face à l’inflation, qui touche en premier lieu les produits alimentaires de grande consommation, toutes les mesures annoncées par le pouvoir sont jugées insuffisantes et inadaptées.
On doute que l’augmentation des revenus annoncée pour 2023 change fondamentalement la donne. En 2014 déjà, le Syndicat national autonome des personnels de l’administration publique avait estimé le salaire minimum susceptible de couvrir les besoins essentiels d’une famille de cinq personnes à plus de 60.000 DA.
Une étude menée par le Syndicat algérien des travailleurs de l’éducation et de la formation soutient qu’en vingt-cinq ans, le pouvoir d’achat des Algériens a baissé de 60 %.
On soutient dès lors que les augmentations de salaires qui ont eu lieu ces dernières années n’ont pas pu améliorer le pouvoir d’achat.
C’est une mauvaise solution pour un vrai problème. Au lieu d’agir sur le dénominateur qui est l’inflation, on cherche des solutions de facilité en augmentant le salaire minimum.
La conjoncture favorable aux exportations d’hydrocarbures, tant par la quantité que par les cours, a donné jusqu’ici une marge de manœuvre au pouvoir pour garder intacts les équilibres économiques et sociaux, fragilisés.
Cet équilibre précaire risque à tout moment d’être perturbé par l’effet d’une conjoncture internationale imprévisible et en perpétuel mouvement.
C’est à ce moment-là que quand le régime perdra toute marge de manœuvre, que sonnera le moment de vérité.