Dans un entretien accordé à la MAP à l’occasion de l’inauguration du programme scientifique de cette année de l'Instance académique supérieure de traduction, relevant de l'Académie du Royaume du Maroc, M. Lahjomri a dit que" l’Académie est convaincue de l'importance scientifique de la traduction, dans la mesure où elle contribue à approfondir l’acculturation et à élargir l'interaction intellectuelle entre les langues et les sociétés".
M. Lahjomri a souligné, dans cet entretien réalisé en marge de la conférence inaugurale de ce programme, animée par l'orientaliste français Denis Gril sur le thème "Ibn Arabi ou comment devenir traducteur du traducteur", qu'"il est indéniable que la traduction joue un rôle crucial pour surmonter les barrières intellectuelles entre les cultures, comme cela a été unanimement souligné par de nombreuses œuvres de recherche théorique et appliquée sur la réflexion et l'établissement de la théorie et de la science de la traduction".
D'où la nécessité de "construire une approche ethno-sociologique de la traduction qui s’intéresse aux adaptations linguistiques et culturelles", a-t-il préconisé, notant que "lorsque nous traduisons, nous ne passons pas seulement d'une langue à une autre, mais aussi d'une culture à une autre".
L’Instance a invité M. Gril, un chercheur spécialisé dans la traduction des textes soufis, afin de connaître son expérience dans la traduction de textes complexes mêlant poésie, prose et sagesse, a fait savoir M. Lahjomri, expliquant que "la langue du soufisme, comme nous le savons, est porteuse de significations et de secrets avec une référence, une connotation et un objectif qui transcendent la norme".
Interrogé sur le projet global de l'Instance académique supérieure de traduction de cette année, M. Lahjomri a indiqué que l'Instance a effectivement élaboré ce programme sur orientation du secrétaire perpétuel de l’Académie du Royaume du Maroc, le professeur Abdeljalil Lahjomri, en prenant en considération l'importance d’encourager la recherche scientifique dans le domaine de la traductologie et ses applications, en coordination avec les instances et les institutions scientifiques spécialisées, nationales et internationales.
"Cela se reflète dans le projet annuel qui inclut les questions de traduction en relation avec divers domaines de la connaissance et des sciences, tels que la philosophie, la sociologie, l'anthropologie, la linguistique, la science des religions, les études culturelles, l'intelligence artificielle et bien d'autres", a-t-il poursuivi, ajoutant que sur cette base, l'Instance a intitulé son projet annuel "Traduction : interaction et retrouvailles des identités culturelles".
Dans ce sens, il a souligné qu’il est indéniable qu'un tel axe soulève de nombreuses questions justifiant cette connexion entre l'acte de traduction et la représentation de l'identité/des identités culturelles, qui en fin de compte constituent un ensemble d’héritages intellectuels, de systèmes de valeurs et de systèmes artistiques d’une telle ou telle société.
"Cela ressort clairement de l'histoire de la traduction sous l'angle de l'importance de la langue en tant que moyen de transmission de l'identité, de l'importance de la culture compte tenu de son rôle dans l'interaction linguistique, et des rôles de la technologie dans le développement de l'acte de traduction", a-t-il soutenu.
A cela s’ajoute l'importance de la compréhension culturelle dans la traduction comme étant l'un des plus grands défis auxquels le traducteur est confronté dans la compréhension des différences culturelles et la manière de les surmonter avec précision et efficacité, a poursuivi M. Lahjomri.
Le directeur du Bureau de coordination de l'arabisation a également révélé que parmi les prochains rendez-vous de l’Instance, figure un colloque international sur "Les passerelles du savoir: interprétation de l'altérité dans la pensée et la traduction" qui sera organisé les 14 et 15 février, ainsi que des séminaires portant sur "la mise en place d’une conception pour la création d'un dictionnaire hébreu-arabe de la période médiévale", sous la supervision du professeur Ahmed Chahlane.
Il s’agit aussi d'une table ronde sur "l'amazighe et la traduction : questions de la culture et de la société" outre la tenue d'une session, la première du genre, en vertu de l’une des compétences de ladite instance relative à la création de laboratoires spécialisés dans la recherche dans le domaine des applications de la traductologie et de la communication entre les langues.
Concernant la dimension culturelle de la traduction sur laquelle ce projet se focalise principalement, M. Lahjomri a indiqué que l’histoire de cette discipline est construite à travers une communication culturelle permanente entre les sociétés, notant qu’elle résulte d'une interaction entre les langues, n'étant pas principalement un simple transfert technique, mais plutôt une transition intellectuelle, devenant ainsi un lien nécessaire établissant une connaissance humaine commune.
"C'est pour cela que nous avons mis l’accent, dans cet axe annuel, sur les études de traduction en relation avec plusieurs disciplines et connaissances telles que la philosophie, la linguistique sociologique, l'anthropologie, la linguistique, la science des religions, les études culturelles, et d'autres encore", a-t-il ajouté.
Il a conclu que l'acte de traduction se concentre en fin de compte sur l'examen des nouvelles dimensions de la traduction en tant que passerelle culturelle entre la singularité du texte et la multiplicité des représentations culturelles qu'il s’approprie lors de son passage d'un contexte social à un autre.
Pour ce qui est des priorités de l’Instance, compte tenu de son rôle dans la mise en valeur de la contribution de la pensée marocaine à la connaissance et ses apports à l'humanité dans son ensemble, M. Lahjomri a fait savoir qu’en vertu de la nouvelle loi relative à la réorganisation de l'Académie du Royaume du Maroc, l'Instance est chargée de promouvoir les travaux de traduction à l'intérieur et à l'extérieur du Royaume, entre l'arabe, l'amazigh et d'autres langues mondiales, tout en œuvrant à soutenir, à encourager et à élargir leur champ.
À cette fin, elle exerce de nombreuses missions, notamment la traduction des œuvres, des études et des recherches scientifiques authentiques dans divers domaines tels que les sciences, la pensée, la culture, le patrimoine et la civilisation, a-t-il souligné, notant que ces travaux sont exécutés directement par l'Instance ou sous sa supervision.
M. Lahjomri a, en outre, ajouté que l’Instance encourage la recherche sur les questions de la science de la traduction et de ses applications selon deux angles différents, dont le premier est lié à la discipline de la traduction dans les domaines des sciences humaines, sociales et techniques.
Selon lui, cela s'impose aujourd'hui dans un contexte mondialisé de plus en plus ouvert à la nécessité de domicilier les connaissances académiques dans le cadre de projets de développement dans les domaines d’économie, d'ingénierie, de médecine, de philosophie, d'histoire, de littérature et d'encyclopédies numériques, par exemple.
Le second angle concerne l’encouragement de la publication, a-t-il poursuivi, précisant que l’Instance académique supérieure de traduction examine actuellement plusieurs propositions et élabore des approches appropriées pour lancer ce chantier scientifique dans un avenir proche.