Native du Grand Taznakht, épicentre de production des prestigieux tapis Ouaouzguit, cette femme âgée de 37 ans n’aurait jamais imaginé que l’aventure d’entrer dans le monde politique, lors des élections communales de septembre 2021, la conduira à mettre fin à des années durant de succession masculine à la tête de la présidence de la commune de Ouisselsate, située dans le Grand Taznakht (Taznakht, Ouisselsate, Siroua, Khezama et Iznagen), où coexistent le développement récent d’un tourisme culturel et l’artisanat d’un tapis ancestral de renommée.
Avant de s’engager dans la gestion de la chose publique, sous la bannière du Parti authenticité et modernité, elle était l’une des tisseuses de Taznakht, ces gardiennes d’un savoir-faire séculaire qui consacrent de longues journées et de longues nuits à marier art, expression et créativité pour tisser des tapis fabriqués à base de laine du Siroua et de teintures végétales, dont la beauté et l’authenticité n’ont pas d’égal.
Fayrouz Sekaoui a grandi dans un milieu où la déperdition scolaire des filles est une réalité sociale amère dont les causes sont multifactorielles. Elle a commencé, toute jeune encore, par tisser des tapis, comme la plupart des femmes du douar Aska (commune de Ouisselsate) qui l’a vu naître dans l’arrière-pays de la ville de Ouarzazate.
Après un court parcours scolaire qui a pris fin à la troisième année du collège, elle reprend le tissage du tapis Ouaouzguit dans son douar. Quelques années plus tard, elle a été conviée par des femmes à créer la coopérative "Takdift Nissguaf pour le tissage et la couture", qu’elle a fondée en 2008 et qu’elle préside à ce jour.
"Plusieurs filles non scolarisées et femmes au foyer issues de mon village natal, Aska, cherchent l’occasion de démontrer leur talent en tissage et de trouver une source stable de revenu. Notre coopérative offre à ces braves femmes débrouillardes l’opportunité de commercialiser leurs produits et d’améliorer leurs revenus", a confié Fayrouz Sekaoui à la MAP.
Pour cette mère d’un jeune garçon, chaque tapis tissé est l’histoire humaine d’une femme, d’une épouse, d’une adolescente ou d’une mère qui y a dessiné ses espoirs, ses maux et ses aspirations à un lendemain meilleur.
Ces femmes tisseuses, a-t-elle poursuivi, "tiennent obstinément à préserver et à perpétuer le savoir-faire local et la technique de tissage ancestral, valorisant ainsi l’identité culturelle et améliorant leurs conditions de vie".
Evoquant sa décision de se présenter aux élections communales, Mme. Sekaoui a dit qu’elle voulait prouver que, grâce à la persévérance et la détermination, la jeune femme rurale est bien capable, elle aussi, d'assurer la gestion de la chose publique et de mettre son savoir-faire et ses capacités au service de sa localité.
"J’ai intégré le monde politique pour répondre aux attentes des citoyens, être à leur écoute, et contribuer à améliorer la situation de la commune de Ouisselsate, à travers un programme favorisant l’essor socio-économique local selon une approche participative", a-t-elle souligné.
Mme. Sekaou, qui siège aujourd’hui en tant que membre du Conseil provincial de Ouarzazate, a fait observer que son élection à la présidence de sa commune était un moment de rupture dans la scène politique de la province, particulièrement en milieu rural, où les femmes subissent toujours l’impact de certaines traditions sociales révolues.
Mettant en valeur la position stratégique de la commune de Ouisselsate, située au croisement de plusieurs axes routiers importants, autrefois de grands axes caravaniers, elle a exprimé son ambition de faire de sa localité un modèle de développement rural, malgré les contraintes liées à l'insuffisance du budget alloué à cette commune rurale.
Nourrie d'une volonté de fer, d'une forte ambition et de ténacité, Fayrouz Sekaoui a su tracer sa voie, lentement mais résolument. Elle incarne, avec éloquence, le modèle de la femme marocaine active et de caractère qui prend à bras-le-corps le défi.