Voici le texte du message royal dont lecture a été donnée par M. Abdeltif Menouni, Conseiller de SM le Roi :.
"Louange à Dieu. Prière et salut sur le Prophète, Sa famille et Ses compagnons.
Monsieur le Président,
Mesdames, Messieurs,
C’est pour nous un motif de fierté que le Royaume du Maroc, terre de dialogue et de convergence des cultures, accueille la 13ème session de la Conférence « Fikr », dont Nous avons tenu à ce qu’elle se réunisse sous Notre Haut Patronage.
Il Nous plaît d’adresser, tout d’abord, l’expression sincère de Notre estime à « la Fondation de la Pensée Arabe », que préside Notre frère son Altesse Royale le Prince Khaled Al-Faïçal ben Abdulaziz Al Saoud. Nous assurons de Notre considération l’ensemble des membres du Conseil des gouverneurs et du Conseil d’Administration de la Fondation, qui œuvrent assidûment en faveur d’une meilleure prise de conscience des constantes de la Nation, de ses principes et de ses valeurs. De même qu’ils s’attachent à promouvoir la pensée imaginative, novatrice et créatrice dans le monde arabe.
Nous saluons également l’action que mène cette société savante, devenue désormais un vaste espace de dialogue constructif, de débat approfondi et d’échanges fructueux entre académiciens, intellectuels, hommes de culture, politiciens et hommes de médias, qui se penchent sur les principales problématiques et questions d’actualité arabes et internationales.
Dans ce contexte, Nous nous réjouissons de votre choix du thème intitulé: « la complémentarité arabe : le rêve de l’unité et la réalité du morcellement ». C’est un sujet qui est, en effet, intimement lié à l’état de la situation du monde arabe, surtout au regard des mutations rapides qui s’y opèrent.
L’occasion est propice pour prendre la mesure des lourdes responsabilités qui incombent aux intellectuels arabes, et du rôle qui leur revient pour sensibiliser et éclairer les consciences, et pour procéder à une analyse objective de la situation des pays arabes. D’ailleurs, votre réunion aujourd’hui n’est que la démonstration de cette prise de conscience qui vous caractérise. Elle traduit votre volonté d’assumer votre part de responsabilité, en contribuant à multiplier les ponts de l’unité et de la fraternité entre les peuples du monde arabe, et à en fédérer toutes les composantes sur le socle de la complémentarité et de la solidarité.
Mesdames, Messieurs,
Ce qui unit les Etats arabes est bien plus important que ce qui les divise. Ces pays sont, en effet, unis par la force de l’Histoire et de la civilisation. Géographiquement, ils s’inscrivent dans la continuité. Cohérents humainement, ils se complètent naturellement grâce aux ressources humaines et naturelles considérables qu’ils recèlent. Quant aux peuples arabes, leur unité est scellée par la communauté de foi, de langue et de culture, et aussi par les liens de sang, de fraternité et de destin partagé.
Or, ce qui est désolant et navrant, ce sont le démembrement et la partition, qui sont une réalité patente dans les relations entre ces pays, lesquels vivent, pour la plupart au rythme de divergences inter-Etats chroniques, conjuguées à des dissensions internes stériles, sans parler de la montée des démons du sectarisme, de l’extrémisme et du terrorisme.
Certains de ces Etats dilapident, de surcroit, les potentialités de leurs peuples dans des causes fictives et des conflits artificiels qui ne font qu’attiser les velléités de division et de séparatisme.
Devant cette situation que récusent les peuples arabes, la complémentarité s’impose comme un impératif pressant. Toutefois, au vu des défis croissants qui se posent à la Nation arabe et au monde alentour, il faudra aborder la question sous un angle réaliste nouveau.
Certes, les Etats arabes s’acheminent depuis des décennies vers la mise en place des structures de base pour bâtir la complémentarité, comme première étape sur le chemin de l’unité, notamment en multipliant les accords, et en annonçant des décisions audacieuses lors de multiples conférences. Il n’en reste pas moins que les résultats ont été décevants, bien en-deçà des aspirations populaires et officielles.
Pour autant, l’unité arabe est loin d’être un rêve inaccessible, ou un mirage qu’il ne sert à rien de lui courir après. Bien au contraire : c’est une aspiration légitime parfaitement réalisable, et une nécessité stratégique dont la concrétisation doit se faire avec le concours de tous.
De même, la complémentarité arabe ne signifie nullement le repli sur soi et l’isolement par rapport au monde extérieur. Elle devrait plutôt inciter à consolider la profondeur africaine et asiatique du monde arabe, et à élargir ses relations avec les différentes puissances et les divers ensembles régionaux et internationaux.
Après que le monde arabe eut raté tant de rendez-vous avec l’histoire, la concrétisation de la complémentarité ne devrait plus rester un slogan en suspens ad vitam aeternam.
Ce n’est plus une simple option pour favoriser le développement, mais c’est devenu un impératif incontournable lié à l’existence même d’une nation, face à l’emprise des puissants regroupements. Soit nous sommes unis, soit nous ne serons pas, ou alors, nous resterons de simples entités ne pesant d’aucun poids sur la scène internationale.
Mesdames, Messieurs,
Les pays arabes se trouvent aujourd’hui à la croisée des chemins. Il y a, en effet, des défis en matière de développement et de sécurité, et des aspirations populaires pressantes pour plus de droits, de libertés, de dignité humaine et de justice sociale; autant d’attentes qui ne peuvent être satisfaites qu’à travers la complémentarité, l’unité et l’intégration.
Le temps est, donc, venu de se pencher sur la manière de rendre sa cohésion à la nation arabe et de s’unifier, en partant d’une foi sincère et d’une détermination à relever les défis réels auxquels ses peuples sont confrontés, selon une vision globale et multidimensionnelle.
Cet objectif ne pourra être atteint que si l’on s’attache à mener à bien des réconciliations interarabes, à transcender les facteurs de division et de démembrement, à harmoniser les positions et à consolider l’Action arabe commune, dans le cadre du respect de la souveraineté, de l’unité nationale et de l’intégrité territoriale des Etats. On devrait également œuvrer à réformer la Ligue des Etats Arabes et à renforcer ses prérogatives, car c’est notre maison commune et le cadre approprié pour régler les questions arabes et élaborer nos plans de développement et d’unité.
Le volet économique constitue un pilier majeur pour toute action visant à consolider l’unité et à réaliser l’intégration en matière de développement, considérée comme le socle sur lequel peut s’ériger un regroupement arabe ayant son mot à dire au sein de son environnement régional et international. Ceci implique de mettre à profit la complémentarité économique entre les pays arabes et de s’orienter vers la réalisation d’une intégration économique réelle, fondée sur la promotion des investissements mutuels. La finalité ultime est de créer un marché arabe commun, notamment à travers la mise en œuvre de l’Accord de libre-échange d’Agadir, tout en prenant en considération les bienfaits de la solidarité d’une manière qui soit profitable à tous les peuples arabes.
Les ressources naturelles qui abondent dans la région arabe, doivent constituer un facteur de consolidation de l’unité et de la concorde, et non un motif de dissension et de division.
Dans ce cadre, l’opérationnalisation des regroupements régionaux existants doit constituer une véritable force motrice pour concrétiser notre aspiration à la complémentarité et à l’unité. Il convient, pour cela, d’adopter une approche participative et inclusive impliquant autorités gouvernementales, corps élus, secteur privé, organismes de la société civile, tout en restant ouvert à tous les autres acteurs.
Si le Conseil de Coopération du Golfe avance résolument sur la voie de la consolidation de l’unité, il est, en revanche, désolant et regrettable de voir que l’Union du Maghreb connaît une stagnation inacceptable en raison d’orientations qui ne serviront aucun intérêt, et qui ne contribueront qu’à maintenir et prolonger le statu quo; une situation qui ne suscite chez les peuples maghrébins que frustration et perte de confiance dans l’avenir.
Sur le plan populaire, il faut tendre plus de passerelles de communion et d’entente entre les populations du monde arabe, en ouvrant les frontières devant elles et en leur permettant d’accéder aux opportunités d’emploi, d’interagir avec leur environnement régional et de s’ouvrir au monde du savoir et de la communication. Il convient aussi d’encourager les initiatives de la société civile, devenue un acteur influent dans le processus de prise de décision.
Vous n’êtes pas sans savoir le rôle important qui échoit aux intellectuels en tant que contre-pouvoir et force de proposition, tant en ce qui concerne la conscientisation et l’orientation qu’en matière de défense des intérêts supérieurs des peuples arabes.
En effet, le vrai intellectuel incarne la conscience de la nation en ce sens qu’il fait siennes les préoccupations et les ambitions de son peuple, en étant engagé à défendre ses causes et imprégné des principes fondateurs de l’unité arabe, loin de l’influence des idéologies et des décisions politiques.
Mesdames, Messieurs,
Fidèle aux liens de fraternité arabe, et attaché à la vertu de solidarité, le Maroc restera constamment ouvert à toutes les initiatives unitaires.
Profondément convaincu de l’inéluctabilité du destin commun, et soucieux de mettre à profit les dénominateurs communs à tous les pays arabes, il n’épargnera aucun effort pour favoriser l’émergence d’un regroupement arabe influent et apte à défendre les Causes arabes justes et ses intérêts supérieurs et vitaux.
Partant de son engagement à promouvoir la culture, l’innovation et la création, le Maroc appelle les intellectuels arabes à renforcer les moyens d’interaction et d’entente entre les élites et les peuples arabes, de sorte à favoriser l’avènement d’une renaissance intellectuelle arabe globale, considérée comme un instrument de consolidation de l’unité des peuples.
Partant de là, les peuples arabes n’attendent pas de ce forum intellectuel important qu’il se contente de critiquer la réalité arabe, ou qu’il pleure sur la gloire du passé. Ils espèrent plutôt qu’en toute impartialité et objectivité, vous déterminiez les causes réelles de la situation actuelle, et que vous échangiez les vues sur les moyens les plus à même d’induire un changement de cet état des choses et de hisser le monde arabe à la place qui lui sied aux yeux de ses citoyens.
Nous sommes persuadé que grâce aux éminentes personnalités intellectuelles, politiques, académiques et médiatiques qui y participent, à leurs vastes compétences, à leur grand savoir-faire et à leur attachement sincère à l’unité du monde arabe, ce forum sera couronné par l’adoption de recommandations et de propositions constructives, aidant à dépasser la situation de démembrement et de division et favorisant l’espérance d’un monde meilleur imprégné des valeurs de fraternité, d’unité et de solidarité.
Nous souhaitons la bienvenue aux honorables hôtes du Maroc, ainsi qu’un agréable séjour parmi nous, et implorons le Très-Haut de couronner leurs travaux de succès et de réussite.
Wassalamou alaikoum warahmatoullahi wabarakatouh.".