Par Farouq El Alami
Washington - Après une année 2019 marquée par un nombre impressionnant de prétendants pour la Maison Blanche, des rassemblements de campagne grandioses et des débats inédits, et malgré un enthousiasme certain de la part des électeurs libéraux, la course pour l'investiture du candidat du parti démocrate pour la présidentielle de 2020 semble plus indécise que jamais.
Portés par leur victoire éclatante dans les élections de mi-mandat en novembre 2018, qui leur a permis de reprendre la majorité à la Chambre des représentants, les démocrates se sont immédiatement tournés vers la course à la primaire du parti en vue d'élire celui ou celle qui sera à même d'affronter Donald Trump en 2020.
D'emblée, un nombre étonnant d’hommes et de femmes politiques, d’entrepreneurs, de milliardaires ou d’illustres inconnus ont exprimé leur intention de se porter candidats à l’investiture du parti.
Douze mois plus tard, sur les 28 prétendants ayant annoncé leur candidature officielle pour 2020 du côté démocrate, seuls 15 sont toujours en lice après que certains ont été obligés de jeter l’éponge, faute de financements suffisants ou de bon résultats dans les sondages.
C’est le cas notamment de Beto O’Rourke, un ancien député du Texas qui avait monté une campagne particulièrement compétitive pour le sénat contre l’ultra-conservateur Ted Cruz en 2018 avant de tenter sa chance pour la Maison Blanche.
Malgré les gros espoirs qui avaient été placés en lui, O’Rourke n’aura jamais réussi à faire décoller sa campagne électorale, pénalisé notamment par de piètres performances lors des débats télévisés.
Même constat pour la très prometteuse Kamala Harris qui a joué sur son antagonisme affiché envers Donald Trump pour rattraper son retard dans les sondages, en vain. Onze mois après avoir lancé sa campagne électorale en grande pompe devant 20.000 supporters, la sénatrice de Californie a dû abandonner son ambition de devenir la première femme noire à la Maison Blanche faute de fonds de campagne suffisants.
La surprise de cette campagne électorale est à attribuer sans aucun doute à Pete Buttigieg, maire de la petite ville de South Bend, en Indiana. Parfait inconnu au départ, il est parvenu, après des mois de campagne acharnée, à s’ériger en favori dans les intentions de vote de la primaire de l’Iowa, le premier scrutin de la primaire prévu pour le 3 février.
Grâce à un discours résolument centriste, notamment sur l’épineuse question de la couverture santé, le jeune Buttigieg, 37 ans seulement, a réussi à se présenter comme une alternative crédible à l’ancien président Joe Biden auprès des démocrates modérés.
Véritable constante de cette primaire démocrate jusqu’à présent, Joe Biden est parvenu, malgré des performances inégales lors des débats, à maintenir intacte sa place de numéro 1 dans les sondages nationaux, même s’il a vu son avance de 19 points sur son premier poursuivant s’effriter au fil des mois pour se stabiliser entre 5 et 10%.
Plus à gauche, les sénateurs Bernie Sanders et Elizabeth Warren ont connu des fortunes diverses mais entameront 2020 ex-eaquo, avec un score situé entre 15 et 20% des intentions de vote.Si Bernie Sanders a vu ses scores dans les sondages quasiment inchangés depuis un an, Elizabeth Warren a bénéficié pendant des mois d’un véritable élan, passant de 5% à 27% dans les intentions de vote avant de retomber aux alentours de 18%.
La sénatrice du Massachusetts a su séduire de nombreux électeurs libéraux grâce notamment à ses plans de lutte contre la corruption et de suppression de la dette estudiantine. Toutefois, elle a été victime de son propre succès, ses adversaires ricochant sur son soutien pour la couverture santé universelle, jugé particulièrement onéreux.
Medicare for All est en effet l’une des questions les plus souvent évoquées lors des débats, et celle où les lignes sont les plus clairement creusées entre les nombreux prétendants à la Maison Blanche. D’un côté, Joe Biden, Pete Buttigieg, Corey Booker ou encore Amy Klobuchar sont partisans du renforcement de l’option publique en s’appuyant sur l’Affordable Care Act, dit "Obamacare", tout en permettant aux patients de maintenir leur assurance maladie privée, si tel est leur choix.
De l’autre, Bernie Sanders et Elizabeth Warren veulent mettre en place une couverture santé universelle en supprimant les assurances privées afin de réduire les coûts prohibitifs du système de santé américain, le tout accompagné de hausses d’impôts pour les plus riches.
Pour sa part, le milliardaire Michael Bloomberg, qui ne pourra pas participer au scrutin de l’Iowa en raison de son arrivée tardive dans la primaire, espère s’appuyer sur son immense fortune pour rattraper son retard grâce à une campagne de publicité tout azimut.
A deux mois du premier scrutin, entre Biden, Buttigieg, Sanders et Warren, beaucoup d'électeurs démocrates n'ont pas encore arrêté leur choix. Car pour bon nombre d'entre eux, si les différences des programmes politiques sont un facteur déterminant, le plus important reste toujours d'élire celui ou celle qui sera à même de priver l'actuel locataire de la Maison Blanche d'un second mandat. Une tâche loin d'être aisée.