-(Par Driss Belkhadir)-.
Le 10 janvier 2019, un événement historique marque l'année en République démocratique du Congo : un candidat de l'opposition, en l’occurrence Félix Tshisekedi, a été déclaré vainqueur de l'élection présidentielle. Il s'agit d’une première alternance politique dans le pays, où les acteurs ne semblent pas prêts à vider leurs querelles pour apporter aux 80 millions de Congolais progrès et prospérité. Ce jour-là, Félix Tshiskedi, qui avait pris pour slogan "Le Peuple d’abord", a remporté le scrutin avec 38,6% des voix, devant Martin Fayulu, deuxième avec 34,8%. Emmanuel Ramazani Shadary, l'ex-ministre de l'Intérieur sous l’ère du président sortant Joseph Kabila, n'arrive qu'en troisième position avec 23,8%. Lors de sa première prise de parole, après ce scrutin qui a été reporté trois fois depuis fin 2016, M. Tshisekedi a rendu hommage au président Kabila, qui a gouverné le pays pendant 18 ans, de 2001 à 2019. Cette "alternance démocratique" a été perçue comme une vraie victoire électorale congolaise malgré les désaccords constatés entre la légalité et la légitimité. "Ces résultats n'ont rien à voir avec la vérité" des urnes, avait déclaré Martin Fayulu, le candidat de la coalition Lamuka, qui laissait entendre un "accord Tshisekedi-Kabila établi à quelques heures de la proclamation des résultats". L'UDPS, parti de M. Tshisekedi fondé par son père Etienne Tshisekedi, l’opposant historique décédé le 1er février 2017 à Bruxelles où son corps est encore gardé, niait avoir conclu un pacte avec la majorité présidentielle. Félix Tshisekedi affirmait représenter le changement pour la RDC, qui n'a pas connu de transition pacifique du pouvoir depuis son indépendance en 1960. Le 20 janvier 2019, la Cour constitutionnelle a confirmé la victoire de Félix Tshisekedi. Elle a également rejeté le recours déposé par M. Fayulu qui, se considérant "désormais comme le seul président légitime", a appelé les Congolais à organiser "des manifestations pacifiques sur toute l'étendue du territoire national" pour protester contre la décision de la Cour. Sept mois après son investiture, le président congolais a enfin un gouvernement. Après des mois de négociations entre le Cap pour le changement (Cach), sa coalition, et le Front Commun pour le Congo (FCC), celle de son prédécesseur Joseph Kabila, majoritaire à l’Assemblée nationale, les deux camps s’étaient mis d’accord le 29 juillet sur une répartition de 66 portefeuilles, dont presque les deux tiers sont revenus au FCC.
// Une cohabitation politique difficile..
À Kinshasa, peu d’acteurs sociaux croient à une cohabitation durable. Car, d’une part les conditions d’une cohabitation fonctionnelle ne sont pas réunies (entente sur un socle minimal d’objectifs communs), et d’autre part, l’asymétrie du rapport de force joue en défaveur du président et semble l’empêcher d’incarner la volonté de la population de rompre avec le régime précédent. De ce fait, la cohabitation est devenue une négociation permanente, délicate et asymétrique, qui ne peut déclencher les réformes nécessaires pour faire avancer le pays et améliorer les conditions de vie de 80 millions de Congolais. Le 13 décembre 2019, le président congolais a prononcé une allocution sur l’état de la nation devant le parlement réuni en congrès. Réagissant à ce discours, Adolphe Muzito, l'actuel leader de la coalition Lamuka, a dénoncé "l'amateurisme au sommet de l'Etat". Pour cet ancien premier ministre, le président Tshisekedi "parle comme le chef du gouvernement" et reste "incohérent". Ce genre de réactions, outre les déclarations relayées dans la sphère publique par différents acteurs, révèlent que les deux composantes de la coalition donnent au peuple congolais le spectacle d'une hostilité d'autant plus vive, qu'elle semble une de ces querelles de famille les plus difficiles à vider. Devant cette situation, les Kinois et les militants de l’UDPS, parti de Tshisekedi, qui sont aux premières loges de cette cohabitation insolite, semblent compter les points de ce match politique. S’ils ne voient pas de signes d’amélioration de leur situation socio-économique pour vivre dans la prospérité, ils pourraient se faire entendre dans la rue. Le climat social est désormais un des paramètres essentiel de cette cohabitation. |