Après une demi-heure d'attente, un mouvement d'agitation disloque quelques groupes qui dissertaient ça et là. Le préfet de police d'Abidjan Siaka Dosso fait irruption, escorté, et annonce l'arrivée sous peu de la Secrétaire d'Etat chargée des droits de l'homme, Aimée Zebeyoux.
Inopinée mais visiblement très au goût des publicistes présents, dont un journaliste de la MAP, la venue de la responsable ivoirienne entend s'assurer que les forces de l'ordre se gardent de tout dérapage dans l'exercice de leurs fonctions.
Après un topo laconique déroulant l'objectif et le programme de la patrouille qui débutera d'Abobo, commune populaire de 1,5 millions d'habitants, le préfet d'Abidjan se dirige vers ses éléments pour leur débiter l'ordre du jour.
Le regard perçant et la voix tonitruante, Siaka Dosso harangue ses agents. Rigueur et abnégation semblent être le leitmotiv d'un speech quotidien que le policier en chef d'Abidjan ne se lasse pas de ressasser, notamment en ces temps incléments.
Dans la foulée, une longue file de véhicules s'est constituée en attendant un signal du départ qui ne tardera pas finalement à être donné.
Après quelques minutes de route seulement, voilà que survient le premier cas du jour. Un groupe d'adolescents déambulent au mépris du couvre-feu en vigueur (21H00-05H00).
Le pas léger, le préfet d'Abidjan descend de sa voiture et se précipite vers les jeunes réfractaires qui, médusés, se confinent dans de plates excuses. Sous le regard discret mais tatillon de la secrétaire d'Etat ivoirienne, Siaka Dosso ordonne à l'un de ses éléments d'accompagner les adolescents à leurs domiciles respectifs.
Quelques encablures après, le cortège devra encore une fois s'arrêter. Des policiers ont alpagué deux jeunes hommes en flagrant délit de consommation de drogue, couplée au non-respect du couvre-feu.
Après avoir eu droit à de légères et plutôt parentales remontrances de la part de Siaka Dosso, les deux jeunes récalcitrants ont été docilement conduits vers la préfecture de police pour violation du couvre-feu et consommation de stupéfiants.
Non loin, dans l'autre quartier populaire d'Adjamé, les lumières pompeuses d'une boulangerie du coin attirent l'attention de la procession des policiers et journalistes. Piquée au vif, la secrétaire d'Etat ivoirienne, dont l'esprit citoyen a compulsivement évincé la vocation droit-de-l'hommiste, se joint aux éléments de la police pour réprimander le gérant rétif, lui rappelant crûment les horaires de travail fixées par le gouvernement.
Les arrêts s'enchaînent, les recadrages et interpellations aussi. Vagabonds, individus en état d'ivresse et d'insouciants noctambules, la police ivoirienne poursuit, sans abus ni excès, sa patrouille qui prend souvent l'allure d'un exercice de moralisation. De quoi susciter l'enjouement de la haute responsable ivoirienne pour qui, le respect des droits de l'Homme doit primer en tout état de cause.
Au micro de la MAP, elle a affirmé "être là pour voir in situ comment les gens travaillent" ainsi que pour "donner des conseils d'usage et rappeler que les forces de l'ordre doivent travailler dans le cadre du respect des droits de l'Homme".
D'après elle, le respect des droits de l'homme signifie que si des gens sont pris pendant le couvre-feu, il faudrait trouver des mesures d'accompagnement "sans bastonnade ni torture".
Après 3 heures de ronde et plusieurs communes parcourues, l'heure de la débandade est venu pour la vingtaine de journalistes, représentant majoritairement des médias internationaux. Chacun d'eux aura pu observer l'approche de la police ivoirienne pour faire régner le couvre-feu, mesure inexorable pour enrayer un coronavirus fatalement tentaculaire.
Selon la loi ivoirienne, la violation du couvre-feu est passible d’une peine d’emprisonnement allant d'un à trois ans de prison et d’une amende de 20.000 Fcfa à 2 millions Fcfa (1 euro = 656 Fcfa).
A l'heure où ces lignes sont mises sous presse, Abidjan compte 165 cas confirmés du Coronavirus, dont un décès et 4 guérisons. A l'instar de toutes les capitales du globe, "Babi" retient son souffle en attendant de triompher sur cette pandémie et retrouver ses soirées animées et agréablement adoucies par les brises de l'Atlantique.