L’inexorabilité de la vie, ses contraintes, ses adversités et ses privations ont quasiment asséché des coeurs les sources de la clémence, oui. Mais elles n’ont pas enrayé à jamais les bonnes intentions et l’altruisme. Il fallait piocher, frotter et décrasser pour redonner son éclat à cette pièce manquante à notre maturité humaine.. à notre humanisme. De toute évidence, le coronavirus est venu le faire pour nous.
A voir les initiatives prises ici et là, serait-il illégitime d’être fier de nos jeunes, souvent pointés du doigt pour leur irresponsabilité, des enseignants, des parents, des agents de sécurité et d’autorité, des institutions, et même des quelques nababs? Serait-il déplacé de croire encore en cette commisération que l’on croyait à jamais disparue, démodée? L’optimisme quant à l’avenir des relations sociales relèverait-il de la naïveté?
En tout cas, ces actions, souvent à l’initiative d’acteurs de la société civile, ou de simples citoyens, forcent le respect. Les contributions au Fonds spécial Covid-19 en sont l’exemple édifiant. Ne parlons pas des grandes institutions et des milliardaires, quoique ce sont leurs contributions, volontaires et généreuses, qui ont permis de renflouer les caisses du fonds. Mais ce qui mérite qu’on s’incline par respect ce sont les Marocains de tous les jours, au revenu moyen, qui décident de mettre la main dans la poche pour réussir cette initiative royale.
Dans les quartiers défavorisés, les voisins sortent le bas de laine pour aider des proches complètement désargentés, ou encore font l’intermédiaire entre bienfaiteurs et miséreux, comme ce trentenaire désoeuvré à Mohammedia qui a eu l’idée de placer sur la chaussée une caisse en bois appelant les passants d’y mettre une pièce de légume pour aider les voisins nécessiteux. L’initiative semble marcher, et la réactivité des gens est un cas d’école.
Dans plusieurs villes du Maroc, des initiatives d’hébergement des personnes à besoins spécifiques font le tour de la Toile. Ceux d’entre eux qui ont des familles dans d’autres villes y ont été transportés par les soins de la société civile.
A Tanger, un propriétaire foncier met plusieurs de ses appartements à la disposition des sans-abris, alors qu’une société de la ville du Détroit décide de fabriquer 10 millions de masques médicaux qu’elle mettra, gracieusement, à la disposition des autorités pour les distribuer aux hôpitaux à besoin.
La Fédération marocaine des traiteurs, en s’associant à cet élan de solidarité, annonce mettre toute sa logistique, ses salles de fête, et son staff sous les ordres des institutions de l’Etat concernées par la lutte contre le coronavirus, alors que la Fédération royale marocaine des luttes associées fait de même pour son centre national de lutte, avec une capacité de 50 lits.
Mention spéciale pour les enseignants des différents niveaux. Des milliers d’entre eux se sont portés volontaires, dans toutes les régions du pays, pour enregistrer des cours que les autorités compétentes postent sur les sites, ou diffusent sur les chaînes dédiées à l’enseignement à distance. D’autres accompagnent leurs élèves via les applications de messagerie instantanée.
Des grandes agglomérations, aux villages et jusqu’aux patelins du fin fond du Maroc, des jeunes offrent, tout en observant les mesures de prévention qui s’imposent, de faire les courses pour les personnes âgées ou à mobilité réduite. Dans la capitale économique, grâce aux dons des bienfaiteurs, un restaurant met son personnel et ses fours à contribution pour cuisiner et livrer des repas au personnel soignant, mobilisés dans les hôpitaux, et qui méritent d'être portés au pinacle pour leur abnégation, leur assiduité et leur sens élevé de responsabilité.. de citoyenneté.
Par le biais de ces initiatives et bien d’autres, qui fusent de partout, la solidarité s’organise laissant voir au grand jour le vrai visage du Marocain. Un être prêt à faire preuve de charité et d’humanisme quand les adversités frappent le plus durement. À qui veut l’entendre, de par cette générosité et cet oubli de soi, les Marocains le disent sans grand bruit. Non, nous ne sommes pas le peuple le plus malhonnête sur terre.
Il serait puéril de s’attendre à ce que le monde continue son existence après cette calamité comme si de rien n’était. Nous assistons à l'enterrement d’un monde et à la naissance, douloureuse et impitoyable, d'un autre. Il y aura forcément un avant et un après coronavirus. Et c'est sur ces valeurs: la solidarité, l’humanisme, l’altruisme, la tolérance, et l’entraide, que l’Humanité se rabattra pour se remettre. Les Marocains, comme bien d’autres peuples, ont prouvé qu’ils en ont en abondance. Maintenons l’élan.