Les UNE des journaux, tout comme les sites d’information, donnent une idée du mood dominant : contre un ennemi commun, les pays nordiques adoptent des stratégies variables, teintées d’appréhensions, d’incertitudes et d’un optimisme prudent.
Plus de deux semaines après que la Norvège et le Danemark ont fermé écoles et jardins d’enfants et demandé à tous les travailleurs, sauf essentiels, de rester chez eux, les médias des deux pays observaient les admissions à l’hôpital et les décès liés aux coronavirus en Suède presque aussi étroitement que les leurs.
Comme qui dirait qu’ils étaient à l’affût pour détecter des signes de flambée pour justifier, ainsi, leurs propres politiques de blocage.
La Suède n’a-t-elle pas été un des rares pays en Europe, avec les Pays-Bas et le Royaume-Uni, à se refuser aux mesures drastiques du confinement massif ?
Résultat : Jusqu’à hier mardi, le pays a fait état d’un total de 180 décès liés au virus, alors que 385 patients sont hospitalisés sur un total de 4000 personnes infectées.
Rapportés à une population d’un peu plus de 10 million d’habitants, les décès rapportés jusqu’ici en Suède sont légèrement en avance par rapport au Danemark (90 décès pour 5,8 millions d’habitants), mais bien plus éloquents par rapport à la Norvège (39 décès pour une population de 5,6 millions) et à la Finlande (13 morts pour 5,5 millions d’âmes), et encore moins à l’Islande (2 décès pour moins de 365 mille habitants).
Sans céder à la tentation des statistiques macabres du reste, l’épidémiologiste d’État suédois Anders Tegnell fait valoir que les mesures drastiques prises par les autorités danoises et norvégiennes ne sont pas fondées sur des preuves scientifiques, mais plutôt sur des considérations politiques.
Preuve en est le changement de posture opéré, lundi dernier, par la Première ministre danoise, Mette Frederikssen, qui a annoncé une “ouverture progressive et contrôlée” du pays après les vacances de Pâques, évoquant une augmentation plutôt régulière et linéaire des cas de contamination, ce qui lui permet de nourrir un “optimisme prudent”.
Même son de cloche du côté de son homologue norvégienne, Erna Solberg, qui a déclaré mardi avoir vu, pour la première fois, une baisse du nombre d’admissions quotidiennes dans les hôpitaux, une tendance “positive” qui, si elle se confirme, peut conduire à un assouplissement de certaines restrictions.
De l’autre côté de la Baltique, les trois pays baltes ont signalé mardi un total de 1.676 cas de contaminations au Covid-19, la Lituanie ayant confirmé 533 cas et 7 décès sur un total de 12.280 personnes testées, alors que la Lettonie a signalé 398 cas (14.807 personnes testées), et l’Estonie 745 cas (12.401 personnes testées).
Si la Finlande a décidé de prolonger l’état d’urgence d’un mois jusqu’au 13 mai, les autorités sanitaires islandaises ont annoncé mardi soir que 198 patients se sont rétablis de leurs infections, tandis que 35 autres sont hospitalisés, dont 11 en soins intensifs.
“Nous rencontrons les pays nordiques une fois par semaine et discutons où nous en sommes, où nous allons et ainsi de suite. Personne ne sait plus qui a raison”, résume l’épidémiologiste d’État suédois.
Selon lui, si la grande inconnue consiste à savoir à quel point les populations renforcent l’immunité contre le virus, le véritable test de la stratégie de la Suède viendra plus tard, lorsque le Danemark et la Norvège commenceront à lever leurs mesures restrictives.
“Vous pouvez soit attendre qu’une sorte d’immunité se développe dans votre population, soit attendre un vaccin. Et le vaccin est très probablement dans au moins un an”, a-t-il prévenu.
Dans l’entre-temps, le doute étant permis, la Suède a limité, après tant de désinvoltures largement décriées, les rassemblements publics de 500 à 50 personnes, fermé les stations de ski, et ordonné à l’Agence de la santé publique d’élaborer rapidement une stratégie nationale pour augmenter les tests de dépistage.
“Je ne serais pas trop surpris si cela se terminerait de la même manière pour nous tous, indépendamment de ce que nous faisons”, a souligné le même responsable.
Et de conclure dubitatif : “Je ne suis pas sûr que ce que nous faisons affecte beaucoup la propagation. Mais nous verrons”.