Au temps de la pandémie du nouveau Coronavirus, qui met le pays des mille collines et le monde à rude épreuve, la commémoration de ce triste anniversaire sera "adaptée" aux mesures de préventions et de confinement obligatoire prises par les autorités pour enrayer la propagation de l’épineux virus, qui a déjà contaminé plus d’une centaine de personnes dans le pays.
Pour la première fois depuis 26 ans, les Rwandais commémoreront l’anniversaire du génocide de 1994 confinés, depuis leur domicile. Le pays étant en guerre contre un micro-organisme non visible qui a mis à genoux le monde entier.
"Nous traversons une période difficile en raison de la pandémie du nouveau coronavirus, mais nous nous souviendrons toujours de nos proches (…) les Rwandais peuvent commémorer le 26è anniversaire du génocide de 1994 contre les Tutsi, sans mettre leur vie en danger", a déclaré Jean Damascene Bizimana, le secrétaire exécutif de la Commission nationale de lutte contre le génocide (CNLG), dans un communiqué transmis à la MAP.
En temps normal, les Rwandais tout âge confondu se rendent massivement, durant la semaine du 7 au 14 avril, au mémorial du génocide de Gisozi à Kigali et aux sites commémoratifs du génocide pour déposer des gerbes de fleurs et honorer la mémoire des victimes.
Cette année, une cérémonie officielle écourtée se tiendra mardi pendant 30 minutes au mémorial du génocide de Gisozi en présence d’un petit groupe d'invités, a fait savoir M. Bizimana, invitant les Rwandais à "comprendre et à participer en suivant la commémoration à la télévision, la radio et les réseaux sociaux".
La «marche du souvenir» en hommage des victimes, qui constitue l’un des moments forts des commémorations, a été annulée pour la première et remplacée par un talk-show sur les success-stories des survivants qui sera diffusé sur les chaînes TV et radios du Rwanda, a indiqué le secrétaire exécutif de la CNLG.
Lors de la cérémonie officielle, une flamme de mémoire sera allumée au mémorial du génocide, ouvrant une période de deuil national de cents jours. Les commémorations se dérouleront, comme à l’accoutumé, sous le signe "souvenir, unité et renouveau".
Pour Andre Gakwaya, journaliste rwandais et acteur associatif, les Rwandais devront s'adapter à la nouvelle situation et se préparer psychiquement à commémorer l’anniversaire du génocide en restant chez eux.
Interrogé par la MAP, M. Gakwaya a souligné que "l'essence de la commémoration du génocide ne peut pas être perdue si les citoyens placent le respect de la vie humaine avant tout", estimant qu’une grande partie des Rwandais est consciente de l’ampleur de la pandémie mondiale et est prête à commémorer l’anniversaire du génocide en faisant recours à la technologie.
"C'est une période très difficile. Les autorités ont mis en place des mesures de verrouillage strictes pour empêcher la propagation rapide du virus qui frappe hommes, femmes et enfants (…) Nous pouvons commémorer avec nos cœurs sans nécessairement mettre notre vie et celle des autres en danger", a-t-il ajouté.
Le Rwanda est passé en mode confinement le 21 mars pour faire face à l'épidémie du Covid-19 en adoptant une pléthore de mesures parmi les plus drastiques dans la région d’Afrique de l’Est afin de limiter la propagation de la maladie. Les déplacements non essentiels et les visites hors du domicile ne sont plus autorisés, seules les sorties pour s'approvisionner ou pour se faire soigner restent autorisées.
L’anniversaire du génocide contre les Tutsi se veut une période de deuil et de commémoration pour les Rwandais mais aussi un temps de réflexion sur les réalisations remarquables accomplies dans un quart de siècle.
Le génocide, perpétré par le régime extrémiste des Forces armées rwandaises et des miliciens hutu, a commencé le 7 avril 1994 au lendemain de l'assassinat du président Juvénal Habyarimana. La tragédie a pris fin le 4 juillet avec l'entrée à Kigali du Front patriotique rwandais (FPR), conduit par M. Paul Kagame qui a mis un terme aux massacres et ouvert la voie à la réconciliation, à l’union et à la stabilité du pays.