Alors que les politologues mais aussi l’opinion publique s’interrogent si la tenue de l’élection présidentielle est réaliste dans le contexte de la crise du coronavirus, les conservateurs nationalistes au pouvoir excluent un ajournement du scrutin, suscitant de vives critiques et de nombreux questionnements.
Face aux critiques, le parti conservateur Droite et justice (PiS) au pouvoir a pris des précautions en vue de l'élection présidentielle pour que le vote soit possible malgré la crise liée au Covid-19 et va tenir le scrutin uniquement par correspondance.
Le Parlement polonais a voté lundi un amendement du code électoral introduisant la généralisation du vote par correspondance pour l’élection présidentielle, un scrutin sans bureaux de vote et sans urnes pour éviter le risque de créer des foyers de transmission de la maladie.
Le scrutin n'est censé se dérouler que dans plusieurs semaines mais la controverse ne cesse d’enfler entre la majorité et l’opposition, tandis que des tensions sont apparues au sein même du gouvernement en raison de l’insistance du parti PiS à maintenir la présidentielle selon le calendrier initial malgré le coronavirus.
Lundi, Jaroslaw Gowin, un vice-Premier ministre, ministre des sciences et de l’enseignement supérieur et président du parti '’Porozumienie’’ (Alliance), un allié du parti au pouvoir, a annoncé sa démission, après avoir échoué à faire ajourner le scrutin présidentiel, un départ qui ne devrait toutefois pas ébranler la stabilité du gouvernement.
M. Gowin a tenu à affirmer que s'il quittait personnellement le gouvernement, son parti ne va pas sortir de la coalition gouvernementale qui a besoin de ses 18 députés pour garder la majorité à la Diète. Il a démissionné face au refus des conservateurs de céder, tout en proposant que son poste soit confié à la ministre du Développement Jadwiga Emilewicz, numéro deux de son parti. Les membres de la coalition gouvernementale actuelle ne semblent pas prêts à ajouter une crise politique à la crise sanitaire.
Les conservateurs qui bénéficient d’une grande cote de popularité à la faveur de leur politique de transferts sociaux, et qui misent sur un affaiblissement de l’épidémie après Pâques ne cessent de répéter que l’élection se tiendra à la date prévue.
Pourtant, l’opinion publique est défavorable au maintien de la date de la présidentielle. Selon plusieurs sondages, plus de deux Polonais sur trois, souhaitent que l'élection présidentielle soit ajournée à cause de la pandémie et plus de 50 % seraient réticents à un vote par correspondance.
La Pologne, qui compte 38 millions d'habitants, dénombre pour l'heure 5341 cas de contamination au Covid 19 dont 164 décès. Le pays a pris des mesures radicales pour freiner la propagation de la pandémie en limitant notamment les rassemblements publics et les déplacements.
L'opposition polonaise qui invoque d’importants risques sanitaires a réclamé à maintes reprises que le scrutin soit reporté à une date ultérieure tout en affirmant qu’un amendement de la loi électorale à quelques semaines du scrutin est inconstitutionnel.
Selon l’opposition, les mesures de restrictions contre la pandémie rendent impossible la campagne électorale, et de ce fait affectent le principe d’équité entre les candidats alors que le président sortant Andrzej Duda, ne cesse de multiplier des apparitions publiques et continue sa présence dans les médias, décuplée par le coronavirus, alors que le pays est confiné.
Le parti Droit et Justice qui a conscience du poids du calendrier a clairement signalé que tout report du scrutin n’était pour l’heure pas envisagé, relevant qu’il n’y a aucune nécessité de mettre en place un état de catastrophe naturelle qui permettrait d’ajourner le scrutin.
Selon les analystes politiques, la tenue de la présidentielle en mai garantirait la victoire au président Andrzej Duda, issu du parti PiS et donné grand favori, alors qu'un scrutin tardif serait incertain car le chef de l’Etat fera campagne au moment où le pays sera confronté aux conséquences économiques et sociales de la crise de coronavirus.
A un mois du scrutin présidentiel, le gouvernement est aujourd’hui confronté au défi de mettre en place un système de vote par courrier fiable et efficient au moment où la Pologne s'attend, selon le Premier ministre Mateusz Morawiecki à un pic des contaminations en mai ou en juin.