Donnée comme un modèle de capitale planifiée, Brasília, un joyau architectural aux allures futuristes, célèbre mardi son soixantième anniversaire dans la sobriété et la retenue, les festivités prévues pour l’occasion ayant été reportées à cause de la propagation du nouveau coronavirus qui a atteint 828 personnes au district fédéral et fait 24 morts.
Ainsi, il n’y aura pas de fête à la fameuse Esplanada dos Ministérios, sinon quelques festivals virtuels et sur les réseaux sociaux, où des artistes locaux offriront des concerts gratuits pour célébrer la date. Les festivités, placées sous le thème "chantons pour Brasília", commence le matin du 21 avril avec une messe célébrée par l'archevêque de la capitale.
Selon les médias, les habitants du District Fédéral, où sont interdits rassemblements, cours présentiels aux écoles et l’essentiel des commerces, sont les plus respectueux du principe de distanciation sociale au niveau national. Le gouverneur du District, Ibaneis Rocha, a évoqué récemment la possibilité d'une reprise graduelle dès le 3 mai.
A la lumière de cette situation, le District fédéral a levé l'état d'urgence par rapport au Covid-19 la ramenant à l’état d’alerte. Le changement a été décidé le weekend écoulé suite à la baisse du taux d'augmentation du nombre de cas par rapport à la moyenne nationale.
Mise en quarantaine, comme plusieurs autres villes brésiliennes déjà à l’arrêt, la quatrième ville la plus peuplée du Brésil (3 millions d’habitants) l’a fait au grand dam du président brésilien, crédité de 70% des voix du District Fédéral lors des dernières présidentielles. Il est ardent préconisateur du maintien des activités économiques parallèlement à des mesures préventives, notamment en faveur des personnes âgées.
Brasília fut bâtie en quatre ans au milieu de nul part sur le Plateau Central sous l'impulsion du président historique Juscelino Kubitschek, soucieux d’assurer une meilleure répartition de l’administration et des activités économiques, qui étaient l’apanage, dans les années 60, de Sao Paulo et de Rio De Janeiro, capitale depuis 1763 du pays le plus étendu d’Amérique du sud.
Aujourd’hui, "la capitale de l’espoir" peut se vanter notamment de ses bâtiments et ponts à l’architecture singulière, de son lac artificiel d’une quarantaine de km2, mais surtout d’une identité forgée en l'espace de six décennies. Les Brasilienses, dont la majorité est aujourd’hui native de la capitale, parlent déjà un accent qui leur est propre et s’identifient dans une culture commune.
L’histoire de Brasília, déclaré il y a 33 ans patrimoine mondial par l’UNESCO, reste à jamais liée au président fondateur mais aussi aux architectes brésiliens qui ont bâti une cité moderne, singulière et universelle. Parmi ces architectes, Oscar Niemeyer s’est vu adjuger le prix Pritzker, le Nobel d'architecture.
Avec la célébration de son anniversaire, Brasília, conçue sous forme d’un avion, le cockpit regroupant les sièges des principales institutions exécutives, législatives et judiciaires, rend hommage à Tiradentes, premier martyr de l'indépendance du Brésil, décédé le même jour en 1792, après avoir souhaité le déplacement de la capitale dans le centre du pays.
Du Congrès national au Palacio Planalto (palais présidentiel), en passant par le Tribunal fédéral suprême, la cathédrale et le pont Juscelino Kubitschek, pour ne citer que ceux-là, les monuments se disputent le privilège d’incarner l’esprit d’une capitale voulue fédérative.
Ainsi, soixante ans après son inauguration, la capitale brésilienne, qui aurait été, par l’énorme budget qu’elle s’est accaparé, l’une des causes ayant mené la dictature militaire à la tête d’un pays quasiment en faillite, devra se contenter d’une célébration au minimum possible.
Une commémoration en reflet d’une situation difficile de la première économie sud-américaine qui a revu sa croissance à un taux quasi nul pour 2020 à cause du Covid-19, avec des millions d’habitants mis en confinement jusqu’à nouvel ordre.
Décrite en 1961 comme une exoplanète par le célèbre astronaute soviétique Youri Gagarine, alors en visite au Brésil, Brasília aspire à demeurer ce refuge et cette opportunité pour tous les Brésiliens qui s'identifient dans la jeune capitale et dans son statut exceptionnel qu'elle continue d'entretenir.