Deux des plus grands rivaux de la Silicon Valley, Apple et Google, qui se livrent depuis une dizaine d’années une guerre fratricide pour la conquête du marché des smartphones, ont annoncé une initiative conjointe pour aider dans le dépistage du nouveau coronavirus.
Le principe est simple: grâce à une application qu’ils pourront télécharger sur leurs smartphones iOS et Android, les utilisateurs pourront savoir s’ils sont entrés en contact avec une personne atteinte du COVID-19.
Pour mettre en place cette solution, Google et Apple ont opté pour la technologie Bluetooth, jugée moins invasive que la géolocalisation par GPS.
Toutefois, cette annonce n’a pas été accueillie à bras ouverts par les experts des technologues axées sur la sécurité et la confidentialité. Ces derniers ont énuméré au cours des dernières jours une longue liste de failles potentielles dans le système Apple et Google, y compris des techniques qui pourraient révéler l'identité des utilisateurs positifs au Covid-19, faciliter leur ciblage par les annonceurs, la multiplication de faux positifs à cause des trolls, les auto-diagnostics erronés, ainsi que des signaux défectueux entre les téléphones.
Par ailleurs, le plan ambitieux d'Apple et de Google pour aider à suivre la propagation du coronavirus pourrait nécessiter la participation volontaire de plus de la moitié des Américains, voire davantage, afin que le système de traçage fonctionne le plus efficacement possible, selon les responsables des deux entreprises.
Dans l'espoir d'inciter davantage de personnes à utiliser cette technologie, le plan des deux sociétés prévoit d'intégrer le suivi des contacts plus profondément dans l'interface utilisateur d'iOS et d'Android au cours des prochains mois, afin que les utilisateurs puissent opter pour le programme directement depuis leurs appareils sans avoir à télécharger d’abord une application séparée.
Emboitant le pas à ses voisins de la Silicon Valley, l’omniprésent Facebook s’est jeté lui aussi dans la guerre planétaire contre le coronavirus. Le réseau social a ainsi dévoilé une carte détaillant comté par comté le nombre de personnes présentant des symptômes du COVID-19 aux Etats-Unis.
La carte, qui sera mise à jour quotidiennement, est basée sur les données d'un sondage volontaire auprès des utilisateurs que Facebook mène avec des chercheurs de l'Université de Carnegie Mellon à Pittsburgh.
Pour vanter cette initiative censée redorer l’image d’une entreprise souvent malmenée dans les médias libéraux pour ses pratiques douteuses en matière de respect de la vie privée, Mark Zuckerberg, le PDG et fondateur de Facebook, a signé une tribune au Washington Post sous le titre "Comment les données peuvent aider dans la lutte contre COVID-19".
"Alors que le monde se bat contre Covid-19 et que les pays élaborent des plans pour rouvrir leurs sociétés, il est essentiel de bien comprendre comment la maladie se propage. De meilleures données peuvent aider les gouvernements à déterminer où envoyer des ressources telles que les respirateurs et les équipements de protection individuelle - et, éventuellement, les zones qui peuvent recommencer à s’ouvrir", a écrit lundi le patron de Facebook.
La carte de Facebook dévoile les comtés à travers les États-Unis selon le pourcentage de personnes présentant des symptômes, en codant par couleur chaque région avec une nuance de rouge. Des nuances plus claires indiquent des pourcentages plus faibles de personnes présentant des symptômes, et un rouge foncé fait référence aux comtés avec 2,4% ou plus de la population signalant des symptômes de COVID-19.
Facebook compte lancer des enquêtes similaires dès cette semaine à l'échelle mondiale pour créer des cartes fournissant des données de comptage en vue de mieux prédire la propagation du coronavirus à travers chaque localité.
Mais ce n’est pas tout. L’entreprise basée à Menlo Park, en Californie, a également saisi cette crise pour se débarrasser de l’un des stéréotypes qui lui collent le plus à la peau, celui d’usine de Fake News.
Au cours du mois dernier, Facebook, ainsi que Twitter, ont tous deux déployé de nouvelles politiques relativement agressives conçues pour protéger les utilisateurs contre le contenu contredisant les conseils d'experts en santé, en particulier tout ce qui pourrait entraîner des dommages dans le monde réel.
Fin mars, Twitter a mis à jour sa politique de sécurité pour interdire tous les tweets qui "pourraient exposer les gens à un risque plus élevé de transmission de COVID-19". La plateforme interdit désormais les tweets affirmant que la distanciation sociale ne fonctionne pas. Il en est de même pour tout ce qui s’apparente à un "appel à l'action" qui pourrait promouvoir des comportements à risque, comme encourager les gens à aller dans un bar local.
Dans cette même veine, Facebook a aussi étendu ses règles de plateforme pour correspondre à la menace existentielle pour la santé posée par le coronavirus. Dans sa description des politiques de lutte contre la pandémie, Facebook a indiqué qu'il "supprime la désinformation liée au COVID-19 qui pourrait contribuer à des dommages physiques imminents".
Par exemple, la société a noté qu’en mars elle avait commencé à supprimer "les allégations selon lesquelles la distance physique n’aide pas à empêcher la propagation du coronavirus", tout en avertissant les internautes lorsqu’ils consultent un contenu jugé faux ou trompeur.
"Il y a un certain niveau d'altruisme ici, mais il y a aussi énormément d'opportunisme pour se placer sous un jour très favorable", a déclaré à CNN Jeffrey Chester, le directeur exécutif du Center for Digital Democracy, un groupe de défense des droits à la vie privée.
Si leur pari aboutit, Apple, Google, Facebook et compagnie auront réussi en l'espace de quelques mois à pénétrer un secteur juteux auquel ils tentent d’accéder depuis des années, celui de la santé.