Ni prières collectives aux mosquées, ni sorties nocturnes et rencontres entre amis aux cafés et aux restaurants, les mesures de restrictions sanitaires ont bel et bien chamboulé le rituel observé par la communauté musulmane en Suisse durant ce mois sacré, mais sans pour autant affecter le caractère spécifique du mois, ni sa dimension spirituelle et religieuse, le confinement étant perçu comme une opportunité d'introspection, la porte d'entrée d’une intériorité profonde et du retour sur soi.
D'aucuns estiment d'ailleurs que malgré l’épidémie qui oblige au confinement, un approfondissement spirituel peut se poursuivre par la lecture, via les sites Internet, les chaînes Youtube, les pages Facebook, les podcasts et autres initiatives qui se multiplient sur le monde virtuel, invitant les croyants à vivre ce Ramadan si singulier dans la confiance, à l’envisager comme un « temps favorable » de recueillement.
Crise sanitaire oblige, les personnes de confession musulmane ont dû ainsi s'écarter d'un rituel et de pratiques ancestrales propres à ce mois, traditionnellement rythmé par les veillées ramadanesques et une convivialité chaleureuse. Ils disent toutefois comprendre tout le sens des restrictions imposées depuis le début de la crise.
La Fédération des organisations musulmanes de Suisse (FOIS) a publié, dans ce sens, des recommandations pour que le Ramadan se vive dans le respect des normes sanitaires.
Comme pour les églises, les synagogues et les autres communautés religieuses, les rassemblements dans les mosquées ne sont pas autorisés, lit-on dans le rapport explicatif sur l’ordonnance Covid-19 du Conseil fédéral.
La Fédération des organisations islamiques a ainsi pris les devants en communiquant une série de recommandations rappelant que «la protection de l’être humain dans sa globalité et aussi de sa santé est de première importance».
Qu’il s’agisse de la prière de Tarawih, de la prière du vendredi, de l’iftar (rupture du jeûne), de l’enseignement des enfants et des adultes ou encore de la prière de l’Eid Al Fitr, tous les rituels du mois du ramadan ne peuvent pas se dérouler à la mosquée ou dans les locaux des associations cette année, affirme la FOIS, notant qu'il est indiqué de pratiquer tous ces rituels à la maison, en famille, des recommandations qui ne vont pas à l’encontre de l’enseignement islamique, contrairement à des rassemblements auto-organisés que la FOIS déconseille. La FOIS encourage d’ailleurs les imams à le rappeler aux fidèles.
Le Ramadan sous confinement reste donc conforme au fondement de la foi. Il peut même être profitable sur un plan spirituel. «Les croyants qui regrettaient de manquer de temps pour le ramadan, l’auront cette année», constate Pascal Gemperli, porte-parole de la FOIS et secrétaire général de l’Union des associations musulmanes à Vaud. Du temps pour sa famille, pour les lectures spirituelles, l’introspection, mais aussi pour un recentrement sur soi-même et une remise en question, préconise-t-il.
À ce titre, Gemperli note que l’offre spirituelle en ligne s’est développée et que bon nombre d’imams en Suisse se sont mis sur Youtube, notamment pour y dispenser un enseignement religieux à distance. Des initiatives nouvelles qui permettent, par exemple, de rejoindre les jeunes musulmans.
Aujourd’hui pourtant, «c’est l’aspect communautaire qui va manquer. Traditionnellement, on invite les gens à la maison ou à la mosquée pour offrir le repas de rupture du jeûne. Les croyants se rassemblent également pour prier. Ce ne sera pas possible cette année», note le porte-parole de la FOIS.
Le 24 mai prochain, les musulmans célébreront la fin du Ramadan, lors de la fête de l’Aïd el-Fitr. Si l’espoir tient bon, Gemperli ne se fait pas d’illusion. "Vu le plan de déconfinement prévu par les autorités, la fin du Ramadan ne se fera pas dans les mosquées et les locaux des associations», soutient-il.