1- Quelles sont les principales conséquences de la crise sanitaire du Covid-19 sur l'économie marocaine ? Comment peut-on la relancer dès la fin de l'état d'urgence sanitaire ?
L'évaluation de la crise actuelle induite par la propagation de la pandémie du nouveau coronavirus ne serait qu'une pure spéculation eu égard aux chocs qu'elle a engendré à tous les niveaux. Au Maroc, l'heure n'est qu'à la constatation et aux réactions particulièrement de l'Etat via les décrets lois et les mesures préconisées par le Comité de veille économique.
Depuis mi-mars, la fermeture des frontières, le confinement, l'état d’urgence sanitaire décrété et prolongé, la limitation nocturne du déplacement, l'annulation de commandes de donneurs d'ordre internationaux, etc, sont autant de facteurs qui ont eu un impact sérieux sur l'économie marocaine.
Face à cette situation, le Maroc a mis en place le Fonds spécial pour la gestion du covid-19, en application des Hautes Instructions de SM le Roi Mohammed VI. Grâce à ce Fonds, financé solidairement, que le Maroc a pu renforcer ses capacités sanitaires et à venir en aide aux salariés déclarés en arrêt temporaire, aux ménages des "ramedistes" et des personnes opérant dans le secteur informel.
Pour les entreprises, les mesures prises sont essentiellement le report des échéances de remboursement des dettes bancaires, l'annulation des pénalités de retard, la prise en charge des charges sociales CNSS, l'encouragement d'octroi de crédits garantis par la Caisse Centrale de Garantie, etc.
A court terme, la relance de l'économie marocaine exige une estimation des agrégats macroéconomiques touchés dans l'optique de mettre en œuvre de mesures globales qui resteront jusqu'à nouvel ordre génériques.
A moyen et long terme, l'évitement de l’amplification des effets néfastes de la crise nécessite un repositionnement économique stratégique. Le point de départ serait des analyses approfondies et systémiques secteur par secteur, branche par branche sans oublier d'intégrer les dimensions sociales et environnementales.
2- Quels sont les leviers à actionner pour assurer un redémarrage optimal ?
Une chose est certaine, la configuration de l'économie marocaine à venir ne serait plus identique à celle d’aujourd’hui. A mon sens, quand on évoque cette question, il faut distinguer deux moments phares: Le court terme (les mois restants de 2020) et le moyen et long terme qui débute à partir de 2021 et dont les analyses et les réflexions doivent être menées dès aujourd'hui et actualisées dans le sillage du nouveau projet de développement.
Sans aller dans les détails statistiques qui sont instables, à ne citer que le total des salariés déclarés en arrêt temporaire qui ne cesse de grimper, il faudra reconnaître aujourd'hui que les deux moteurs de l'économie marocaine sont dans une réelle impasse.
Le marché avec ses deux versants l'offre et la demande, et les politiques économiques traduites dans les finances publiques et les équilibres macroéconomiques.
Globalement, l'offre est sclérosée par la fermeture des entreprises, l'assèchement des chiffres d'affaires et les difficultés à l'export. Côté demande, il y a eu chute du pouvoir d'achat en raison de la perte d'emploi ou de l'arrêt temporaire surtout de plusieurs activités libérales.
Les pistes de relance qui se démarquent davantage à court terme sont le rapatriement des fonds déposés à l'étranger afin d'éviter le creusement de l'endettement extérieur public, la substitution de certaines importations et réduction d'autres, l'appui solidaire à la fois de l'offre et de la demande, l'usage du registre social unifié pour le ciblage des pauvres et démunis.
A moyen et long terme, les mots d'ordre du repositionnement économique sont:
Un développement des compétences via un enseignement de qualité ;
Un secteur de santé qualifié ;
Une recherche scientifique orientée innovation ;
Une politique d'emploi tournée vers les métiers de l'avenir ;
La révision des choix productifs du pays vers plus d’autosuffisance signe de souveraineté nationale ;
L'encouragement des secteurs émergents (économie verte, économie bleue, économie de santé) ou résilients (économie sociale et solidaire) ;
Un secteur financier impliqué davantage dans l'effort national de développement.
3- D'après vous, quels rôles pour les secteurs public et privé dans la relance économique ?
Il s'agit de se serrer les coudes ! L'heure est à la citoyenneté, la responsabilité sociétale, la transparence et la prise d’initiative. La complémentarité et la synchronisation des énergies de toutes les parties intéressées devraient être les pierres angulaires, aujourd'hui et demain.
Le secteur public, central et territorial, a pour rôle d'être stratège et agile, ce qui signifie une planification flexible et une mobilisation des acteurs et des ressources.
Quant aux opérateurs privés, ils doivent s'inscrire dans cette dynamique de relance et de repositionnement en évitant l’attentisme. Il s'agit de se prendre en charge soi-même, quand c'est possible, en comptant sur les richesses cumulées durant les années de vaches à lait.
4- Quels sont les secteurs prioritaires à cibler pour réussir ce redémarrage ?
Aucun secteur ne doit être laissé à la traîne, car le Maroc a besoin de toute la puissance de son appareil productif. Nonobstant, si l'agriculture fut durement touchée par la sécheresse, le tourisme ou l'industrie quant à eux furent directement impactés par la crise actuelle et ont besoin d'une attention particulière. Ceci dit, un renforcement de la connectivité et l'intégration des secteurs constitueront la base du repositionnement économique à venir.