Intervenant lors de cette conférence, organisée sous le thème "Pour un monde résilient : l’appel de l’Afrique en faveur d’une nouvelle gouvernance mondiale", le Président sénégalais Macky Sall a plaidé pour "un nouvel ordre mondial" basé sur les valeurs humaines et la solidarité internationale pour aider l’Afrique à faire face à l’impact de la pandémie sur les économies et les progrès sociaux réalisés jusqu'ici.
"Nous considérons que malgré les financements et les transactions mondiales qui se chiffrent quotidiennement en trillions de dollars, l’humanité n’a pas été capable de développer une solidarité entre les pays, malgré les appels et le comportement de l’Afrique qui a pu être résiliente à la pandémie en termes de nombre de contamination et de décès", a dit M. Macky Sall.
Ainsi, pour le Président sénégalais, l’humanité n’a pas tiré des leçons suffisantes de la pandémie du Covid-19. "Aujourd’hui, vous avez des pays qui ont la capacité de dire, nous levons mille milliards de dollars ou deux mille milliards de dollars. La simple évocation de cette volonté suffit à ces pays pour mobiliser ces ressources, alors que des pays comme les notre, malgré leurs efforts, ne sont pas en mesure de lever de tels montants pour financer non seulement la riposte sanitaire, mais aussi pour protéger l’économie et l’emploi", a-t-il regretté.
Par conséquent, "il faut que ce système international change", a-t-il insisté. "Moi, je plaide pour un nouvel ordre mondial basé sur plus de justice sociale et plus d’équité, car ce que nous vivons est encore la conséquence d’un modèle économique qui découle de la Seconde Guerre mondiale, et tout a été bâti sur ce modèle alors que l’Afrique n’était pas encore indépendante", a rappelé M. Sall.
Et de s’interroger sur le sort de 1,3 milliard d’Africains "lorsque le vaccin à la Covid-19 sera découvert et que les pays qui vont le découvrir n’acceptent pas de le partager". "Nous appelons aussi pour que le vaccin, quel que soit le pays qui va le découvrir, soit partagé avec l’ensemble de l’humanité", a-t-il dit.
De son côté, le Président du Niger, Mahamadou Issoufou, a souligné que la crise du Covid-19 "nous rappelle notre communauté de destin, qui doit amener à réfléchir sur la conception et la mise en œuvre d’un nouveau paradigme (…) qui suppose une nouvelle gouvernance politique et économique mondiales plus démocratiques".
Il a ainsi appelé à accélérer l’intégration politique et économique du continent africain et à des institutions démocratiques fortes capables de promouvoir une bonne politique économique dans les différents Etats du continent.
"Ce sont ces questions-là qui doivent alimenter le débat au niveau continental et mondial", a insisté le Président Issoufou, estimant que ce débat ne doit plus être "éludé".
"On ne peut plus éluder la question de la réforme, par exemple, des institutions des Nations-Unies, notamment celle du Conseil de sécurité. On ne peut plus éluder le débat sur les inégalités et la nécessité d’une nouvelle dynamique sur la répartition des richesses à l’échelle mondiale et à l’échelle de chaque pays. Ce débat, comme on le sait, a préoccupé des générations d’économistes, mais la question n’est pas technique, elle est politique", a-t-il affirmé.
Et d’ajouter que le nouveau paradigme contre la Covid-19 doit être centré non seulement sur la lutte contre les inégalités, mais aussi sur le défi climatique. "Car le modèle actuel agresse la nature, alors que nous n’avons pas hérité la terre de nos ancêtres, mais nous l’empruntons à nos enfants", a rappelé le Président nigérien.
"Il faut enfin que les pays développés réalisent leur promesse faite au début des années 1970 de porter le niveau de l’aide publique au développement à 0,7 pc du PIB, ce qui reste d’ailleurs un pourcentage faible", a-t-il préconisé, tout en appelant à annuler la dette multilatérale du continent.
"Toutes ces actions supposent la promotion d’un certain nombre de valeurs : dignité, solidarité, égalité, et justice. Ce sont ces valeurs, je pense, qui doivent fonder le nouveau paradigme", a conclu le Président Issoufou.
Même son de cloche chez le Président de la Côte d’Ivoire, Alassane Ouattara, qui a appelé la communauté internationale à "faire plus" pour aider l’Afrique.
"Il y a une morale à tirer de cette pandémie", a-t-il dit. "Il y a eu, quand même, un égoïsme de la part des pays industrialisés pendant des décennies. Depuis leur indépendance les pays en développement courent derrière la promesse faite par les pays riches de consacrer 0,7 pc de leur PIB pour le développement de l’Afrique. Et cela n’a jamais été atteint", a déploré le Président ivoirien.
"Mais ce n’est pas pour dire que nous voulons tendre la main. Ce que nous voulons est d’avoir les conditions sur le plan international pour nous aider à résoudre nos problèmes", a insisté M. Ouattara.
En matière d’aide publique au développement, "nous avons une opportunité avec cette crise d’avoir un nouveau départ et que les pays riches puissent facilement respecter la promesse de 0,7 pc du PIB d’aide au développement", a-t-il estimé.
Pour sa part, le Président du Kenya, Uhuru Kenyatta, a souligné que la crise du Covid-19 est "un problème que l'Afrique seule ne pourra pas résoudre".
"Je continue d’insister qu'il s'agit d'un problème qui n'a pas été créé par l'Afrique, mais qui a le plus de chances de nuire à l'Afrique plus que toute autre partie du monde", a fait remarquer le Président Kenyatta, soulignant que la communauté internationale a "l'obligation" de soutenir le continent africain dans ses efforts pour vaincre la pandémie.
"Ce n'est pas le moment de ne pas être sérieux. Il faut trouver des solutions, trouver un vaccin, et rouvrir les économies", a-t-il lancé à l’adresse des pays développés.
"Il est tout à fait clair pour moi, comme pour beaucoup de mes collègues à travers le continent, que nos succès et nos échecs face à cette maladie en particulier seront déterminés par les réponses de chaque pays, mais aussi, de manière plus importante encore, par notre réponse collective en tant que continent. Parce qu'en fin de compte, étant donné la nature poreuse de nos frontières, nous avons besoin les uns des autres pour surmonter ce problème particulier", a dit le Président du Kenya.
"Nos pays sont aujourd'hui beaucoup plus dépendants que jamais de l'économie mondiale et la fermeture continue à affecter bon nombre de nos industries et de nos ressources", a-t-il conclu.