La tradition du "Pain suspendu", dont les origines remontent à l'époque de l'Empire ottoman, est une pratique créée par les Turcs afin qu’un bienfaiteur puisse venir en aide aux personnes dans le besoin sans révéler son identité.
Cette pratique veut que le bienfaiteur paie le prix de deux galettes de pain mais ne prend en fait qu'une seule, la seconde galette est mise par le vendeur dans un panier suspendu devant la porte de la boulangerie, et les nécessiteux peuvent se servir gratuitement et sans aucune gêne.
Selon la presse locale, les boulangeries de la ville d'Istanbul ont distribué, jusqu'à la fin du mois d'avril dernier, quatre mille galettes de pain à travers le panier du "pain suspendu".
Pour Burak, propriétaire d'une boulangerie à Sisli, au centre-ville d'Istanbul, la crise de coronavirus a amené les Turcs à reprendre leurs anciennes habitudes de solidarité, dont celle du panier "Pain suspendu", soulignant que les employés de la boulangerie suspendent quotidiennement un panier avec 20 à 25 galettes de pain.
M. Burak a ajouté, dans une déclaration à la MAP, que la distribution gratuite de pain au profit des nécessiteux et des personnes âgées est une pratique très populaire en cette période difficile, notant que les employés de la municipalité ainsi que les volontaires du Croissant-Rouge contribuent aux opérations de remise du pain aux personnes âgées surtout en cette période de confinement imposé à cette frange de la société.
Face à l'intensification de la crise économique due à la pandémie de coronavirus, la tradition du «pain suspendu» prend des formes de solidarité innovantes et s'étend aux épiceries où les bienfaiteurs prennent en charge le paiement des produits alimentaires au profit des nécessiteux, et également aux sites électroniques des municipalités où des citoyens bénévoles paient les factures en souffrance de l'eau, l'électricité et le gaz.
Dans le cadre de cette culture de solidarité bien ancrée dans la société turque, la ville d'Istanbul a décidé de s'inspirer de cette tradition en lançant une campagne baptisée «la facture en souffrance" avec pour objectif d'aider les familles dans le besoin à s’acquitter de leurs factures dans ce contexte de la crise sanitaire, une initiative suivie également par les villes d'Ankara, Aydin, Antalya et Izmir.
Selon des responsables de la municipalité d'Istanbul, la campagne est basée sur la coordination entre les personnes en difficulté de payer certaines factures du fait de la pandémie surtout après la suspension de nombreuses activités économiques, et des bienfaiteurs qui prennent en charge le paiement des factures.
Le système de «la facture en souffrance» est basé sur l'enregistrement par les citoyens et les résidents du numéro de leurs factures sur un site électronique dédié à la campagne, et les bienfaiteurs procèdent au paiement d'une ou plusieurs factures en fonction de leurs capacités.
Les dernières statistiques de la municipalité d'Istanbul indiquent que le nombre de factures payées dans le cadre de la campagne "la facture en souffrance" a atteint 152.347 factures, ajoutant que le montant total payé pour ces factures s'élevait à plus de 20,59 millions de livres turques (environ 3 millions de dollars), ce qui a permis une baisse des factures impayées à 95.786 cas.
Parmi les bénéficiaires de cette initiative, figure Matyn, serveur dans un café à Istanbul qui a perdu son emploi suite à la décision des autorités locales de fermer tous les cafés et les restaurants de la ville en vue d'empêcher la propagation de l'épidémie de coronavirus.
Pour sa part, Sultan, père d’une famille de quatre membres, a souligné dans une déclaration à la MAP, qu'un bienfaiteur a assuré le paiement de ses factures du mois d'avril dont le montant s'élève à près de 300 livres sans le mettre dans l'embarras de tendre la main.