Exaspéré par cette "ingérence" dans la vie politique doublée d'une tentative d'"étouffer la liberté d'expression", un droit quasiment sacré dans le pays, Trump a vite mis en exécution sa menace de brider le pouvoir des firmes technologiques jugées biaisées contre les discours conservateurs. Il a ainsi signé jeudi un décret exécutif visant à accroître la capacité du gouvernement à les réglementer.
"Nous sommes ici pour défendre la liberté d'expression face à un des pires dangers qui soit", a-t-il déclaré fustigeant le "monopole" des réseaux sociaux.
Pour M. Trump, les réseaux sociaux "ont le pouvoir non contrôlé de censurer, éditer, dissimuler ou modifier toute forme de communication entre des individus et de larges audiences publiques".
Et pour cause, sur Twitter où il compte près de 80 millions de followers, le locataire de la Maison Blanche a toujours pu faire entendre sa parole et gérer sa communication sans ingérence ni intermédiaires établissant une relation directe avec le peuple.
Souvent mis en cause pour laxisme, ce réseau social a mis mercredi une mention appelant à "vérifier les faits" sur deux de ses tweets, dont un où il affirmait que le vote par correspondance était "substantiellement frauduleux" à quelques mois de la présidentielle où Trump tente de briguer un second mandat.
"Twitter s'ingère désormais dans l'élection présidentielle de 2020. [...] Twitter étouffe complètement la liberté d'expression et, en tant que président, je ne le permettrai pas! ", avait-il réagi avec véhémence sur la même plateforme.
Selon un porte-parole de Twitter, ces messages "contiennent des informations potentiellement trompeuses" et ont été signalés afin de "fournir un contexte supplémentaire".
Avec son décret, Donald Trump entend modifier le champ d'application d'une loi de 1996 qui protège les plateformes en ligne et permettre aux autorités de régulation de se prononcer sur les politiques de modération des contenus.
Il cible particulièrement l'article 230 qui accorde aux sites-web une immunité juridique pour le contenu publié par des utilisateurs tiers tout en leur permettant de modérer eux-mêmes leurs plates-formes.
La démarche du président américain est susceptible d'ouvrir la voie à une longue bataille devant la justice, d'autant plus qu'une telle réglementation nécessite une action du Congrès.
Interrogé sur cette possibilité, Trump a répondu: "Je suppose que cela va être contesté devant les tribunaux, mais qu'est-ce qui ne l'est pas?".
Le bras de fer entre Trump et les réseaux sociaux intervient à l'heure où les entreprises technologiques sont de plus en plus pressées d'agir face à la montée de la désinformation et des rumeurs.
Sauf que la modération du contenu, notamment politique, est une question qui divise même les dirigeants des grandes firmes technologiques.
Tout en se défendant d'être un "arbitre de la vérité" comme l'as taxé Trump, le patron de Twitter, Jack Dorsey a assumé la responsabilité d'ordonner la vérification des faits et de signaler "les informations incorrectes ou contestées".
"Notre intention est de pointer des déclarations contradictoires et de montrer les informations en débat afin que les gens puissent juger par eux-mêmes. Une plus grande transparence de notre part est essentielle afin que les gens puissent voir clairement la raison de nos actions", a-t-il soutenu.
Pour sa part, le PDG de Facebook, Mark Zuckerberg, a affirmé que les médias sociaux ne devraient pas modérer le discours politique.
"Je ne pense pas que Facebook ou les plateformes Internet en général devraient être les arbitres de la vérité. Les discours politiques sont l’une des parties les plus sensibles des démocraties, et les gens devraient avoir le droit de voir ce que disent les politiciens", a-t-il a déclaré en ajoutant qu'il n'est pas d'avis que la réglementation des médias sociaux soit la bonne approche.
Reste que l'article 230 de la loi dite "Communications Decency Act" a longtemps suscité des critiques à la fois à droite et à gauche du spectre politique américaine, qui soutiennent qu'elle permet aux plateformes de se soustraire à une responsabilité sociétale d'empêcher la diffusion d'informations en ligne nuisibles et fausses.
Une polémique qui risque de prendre davantage d'ampleur dans un contexte de grande polarisation de la société américaine, les réseaux sociaux étant un terrain de bataille politique notamment à l'approche du duel qui opposera en novembre le président sortant Donald Trump et son rival, l’ancien vice-président Joe Biden.