Une réduction historique du taux directeur de 50 points de base à 1,5% et une libération entière du compte de réserve au profit des banques, et bien d'autres, telles sont les mesures phares annoncées par Abdellatif Jouahri, Wali de la Banque centrale, lors de son rendez-vous trimestriel avec les journalistes, tenu en mode visioconférence.
Cet arsenal de mesures, en complément d'autres mises en place par BAM ainsi que par le Comité de veille économique, devrait donner une impulsion nouvelle à l'économie marocaine et assurer une reprise rapide.
La Banque centrale mise justement sur un scenario de reprise dit en V, autrement dit, une reprise rapide qui s'illustre par une contraction et puis une remontée, et qui suppose, entre autres, que "les banques jouent le jeu sur le plan des aides et des lignes accordées", a expliqué M. Jouahri lors de cette conférence.
Force est de constater que cette nouvelle dose de soutien à la relance n'est pas la première. Depuis le déclenchement de la crise sanitaire, nombreuses sont les actions qui ont été entreprises par la banque centrale dans un contexte entouré de fortes incertitudes sur l'évolution de la conjoncture économique à la fois au plan national et international.
Mais une chose est sûre, ces nouveaux mécanismes apporteront une bouffée d'oxygène pour les entreprises, notamment celles dont l'activité a été fortement impactée par la crise de Covid-19.
Dans une interview accordée à la MAP , Mohamed Karim, Chef de Département d'Economie à la Faculté de Droit de Salé a qualifié de "louable" la décision de Bank Al-Maghrib de réduire davantage le taux directeur de 50 points de base pour le ramener à 1,5%.
"Cette baisse du taux directeur à 1,5% est inédite au Maroc. Bank Al-Maghrib n'a jamais réduit le taux à ce niveau là. C'est de l'artillerie lourde qu'a fait sortir la Banque centrale", a commenté M. Karim, ancien Inspecteur divisionnaire au ministère des Finances.
Cette baisse vise logiquement à pousser les banques commerciales à faire de même et réduire le coût de l’argent en vue d’encourager les investissements notamment chez les Petites et Moyennes Entreprises, a-t-il dit.
De plus, la baisse attendue de la réserve obligatoire de 2% à 0%, qui devra se traduire par une injection de 10 milliards de dirhams au profit du système bancaire, permettrait "sans nul doute", aux banques de "se financer davantage et accroître leurs fonds propres et distribuer des crédits à l’économie", a-t-il ajouté.
Cependant, il faut du temps pour "voir réellement l'impact sur les entreprises", a estimé cet expert qui a mis en garde contre d'éventuelles "primes de risque élevées, qui empêcheraient les effets notables sur les entreprises et les ménages en termes de coût de l’argent".
Il a en outre précisé que ce qui est sûr aujourd’hui, c'est que "le soutien à l’investissement est le meilleur moyen pour soutenir la demande intérieure, c'est un moteur de la croissance pour l'après-Covid à côté bien évidemment de Damane Oxygene qui va sauver les entreprises en difficulté".
De l’autre coté, le programme "INTELAKA" comporte en parallèle des mesures louables qui vont aller tous ensemble dans le sens de l'amélioration de l’investissement et le soutien aux TPME et PME en difficulté et qui ont un problème de solvabilité, a fait remarquer M. Karim.
En effet, lors de son intervention devant les journalistes, M. Jouahri n'a pas manqué à assurer que BAM veillera à "la transmission de ses décisions à l'économie réelle et favorisera davantage, dans le cadre de ses opérations de refinancement, les banques qui déploient le plus d'efforts dans ce sens".
Autre élément clé dans cette série d'instruments de relance adoptés par BAM, le relâchement des règles prudentielles. Sur ce point, M. Jouahri a indiqué que "Nous n'avons pas de soucis majeurs, d'autant plus que les stress test montrent encore la résilience du système bancaire national".
M. Jouahri a souligné qu'à travers le monde entier, les principales banques centrales ont assoupli les règles prudentielles, ne serait-ce que temporairement, à travers la mise en place de coussins de liquidités et de solvabilité
Au Maroc, poursuit M. Jouahri, "nous les avons assoupli temporairement jusqu'au 30 juin, et à partir de cette date, nous procéderons à une évaluation de la situation pour voir comment les créances en souffrance des banques vont se comporter, pour voir s'il faut prolonger, revenir ou maintenir la situation avec les banques", a-t-il indiqué.
En somme, Bank Al-Maghrib, en vue de réussir une véritable relance de l'économie nationale, parie sur ces nouvelles décisions, mais aussi sur les différentes mesures d’assouplissement déjà instaurées, dont l'élargissement du collatéral éligible à ses opérations de refinancement, le renforcement de ses programmes non conventionnels, ainsi que l’allègement temporaire des règles prudentielles.