La nouvelle pandémie a conforté une tendance qui s’est intensifiée durant les quatre dernières années, à savoir celle du triomphe du souverainisme, d’une marginalisation du rôle des enceintes multilatérales et d’un affront aux règles du Droit international dans la gouvernance mondiale, a expliqué M. Loulichki dans un "Policy Paper" publié par le think-tank marocain PCNS sous le titre : "L’ONU a 75 ans : Renaissance ou décadence?".
Pour cet ancien ambassadeur du Maroc à l'Onu, "l’éruption de la Covid-19 a mis l’ensemble des États, grands et petits, développés et moins développés, devant une situation qu'ils peinent à maîtriser et contenir".
A cet effet, M. Loulichki constate que la pandémie a révélé les "carences" des systèmes de santé publique des États et "l’ampleur" de ses conséquences socio-économiques et aggrave davantage la "fracture" entre le Nord et le Sud.
Dans pareilles situations de crise d'envergure planétaire, poursuit M. Loulichki, "l’habitude était prise de faire front commun, de s'allier contre les menaces et de mettre en place des institutions d’action collective et des mécanismes de coopération internationale pour relever ces défis.
En revanche, fort de plus de 40 années d'expérience dans la diplomatie, l'expert réaffirme que cette crise, "loin de susciter un tel élan de coopération et de solidarité", a provoqué "un repli nationaliste, une intensification de l’unilatéralisme et une fragilisation des Organisations internationales de coordination et de concertation entre les États".
Évoquant les différentes missions que l'ONU s'est adjugées depuis sa création, M. Loulichki s'est penché, dans un premier temps, sur celles du maintien de la paix, faisant valoir que depuis sa genèse, "l’ONU a réussi à épargner à l’humanité une nouvelle guerre planétaire, en contribuant à désamorcer la tension entre les grandes puissances et à leur offrir un cadre pour gérer leurs différends au moindre risque".
Nonobstant cela, l'auteur du Policy Paper pointe du doigt les déficits ayant entaché la réputation de l'ONU en matière de maintien de la paix, rappelant entre autres que celle-ci s’est montrée incapable de prévenir les massacres au Rwanda (Avril-juillet 1994), en raison des divergences parmi les membres permanents au Conseil et l’immobilisme de la bureaucratie onusienne, (...), ni débrouiller l’imbroglio somalien, ni épargner le massacre aux civils en Bosnie, au Kosovo, en Syrie ou au Yémen, ni lever le blocus imposé par Israël à la population palestinienne dans la Bande de Gaza.
Quant à la promotion et la protection des droits humains, M. Loulichki estime que la contribution de l’ONU est "indéniable" en la matière, soulignant que l’adoption de la Déclaration universelle des droits de l'Homme en 1948, soit à peine trois années après la création des Nations unies, a représenté "le point de départ d'une dynamique qui a commencé par l’adoption d’un corps de conventions et de Résolutions et de mécanismes de suivi et de supervision".
Elle s'est poursuivie, rappelle-t-il, par la création des Tribunaux spéciaux pour le Rwanda et l’ex-Yougoslavie, du Tribunal pénal international et la promotion du concept de la responsabilité de protéger.
Plus loin, M. Loulichki aborde le domaine de la coopération pour le développement dans lequel l'ONU joue un rôle "modeste et discret", comme l'attestent les moyens financiers "limités" mis à sa disposition par les États membres.
Dans le domaine du changement climatique, M. Loulichki a noté que "l'on ne peut pas ne pas reconnaître le rôle déterminant que les Nations-Unies ont assumé pour la prise de conscience par ses États membres de l’urgente nécessité de sauver la planète et de développer des sources d’énergie nouvelles et renouvelables, etc".
L'ancien diplomate s'est également arrêté sur la question itérative d'une réforme de l'ONU, rappelant que le Secrétariat a déjà fait l’objet de multiples plans de restructuration, de réduction des effectifs et de fusions de différents département, etc.
Il a, en outre, mis l'accent sur le Conseil de sécurité, en tant que principal organe de l’architecture onusienne, tout en revenant sur les critiques formulées à son égard "en particulier pour sa politique de deux poids deux mesures, le recours abusif au droit de veto, sa non-représentativité et son manque d’efficacité".
En conclusion, M. Loulichki estime que "malgré ses limites et les contraintes auxquelles elle est assujettie, l’Organisation mondiale demeure un outil précieux et irremplaçable pour la gouvernance mondiale", en ce sens qu'"elle est le cœur battant du multilatéralisme et le lieu de convergence des volontés de ses membres à travailler ensemble pour relever les défis du 21è siècle etc".
https://www.policycenter.ma/publications/lonu-75-ans-renaissance-ou-decadence