Les électeurs brésiliens sont en effet appelés à renouveler pour quatre ans les membres des conseils municipaux ainsi que les maires des 5.568 municipalités du Brésil. Initialement prévu le 4 octobre, le premier tour a été reporté au 15 novembre en raison de la pandémie.
Sao Paulo, avec près de 9 millions d'électeurs, et Rio de Janeiro (5 millions), constituent les deux plus grands collèges électoraux du pays et le thermomètre politique national.
Avec un deuxième mandat présidentielle en 2022 dans le viseur, Bolsonaro, qui s’était distancié au début de ces élections locales, a affiché récemment son soutien à une douzaine de candidats conservateurs, comme Marcelo Crivella à Rio de Janeiro et l'ancien animateur de télévision Celso Russomanno à Sao Paulo (parti républicain, droite), cœur battant de l’économie brésilienne et de toute la région.
Selon les analystes et les observateurs, le président, qui a quitté le parti social libéral avec lequel il a été porté au pouvoir en 2018 pour créer l’"Alliance pour le Brésil", pas encore habilitée à disputer les élections faute d'autorisations nécessaires, mise sur des candidats pour consolider un champ idéologique conservateur qui peut servir de base de soutien en 2022, contre les partis menaçant sa réélection.
Selon les derniers sondages, le favori pour gagner à Sao Paulo est l'actuel maire de la ville la plus grande et la plus peuplée du géant sud-américain, Bruno Covas, à qui l’on attribue 28% des intentions de vote. Covas est un allié solide du gouverneur de Sao Paulo, Joao Doria, le principal dirigeant du Parti social-démocrate brésilien (PSDB, centre-droit) et possible plus grand rival de Bolsonaro aux élections présidentielles.
Russomanno, lui, occupe la deuxième place, avec 16% et une tendance à la baisse, son passage au second tour étant menacé par l'ancien candidat à la présidentielle Guilherme Boulos (14%, une tendance à la hausse), du Parti socialiste de gauche PSOL.
À Rio, le favori à battre est l'ancien maire Eduardo Paes (31%), tandis que Crivella (15%) est pratiquement à égalité pour la deuxième place avec l'ancienne commissaire de police Martha Rocha (13%), candidate du Parti travailliste démocrate de gauche (PDT), dirigé par l'ancien candidat à la présidence en 2018 Ciro Gomes, qui a une chance de créer la surprise et d'aller au deuxième tour.
Les affinités du président avec certains candidats est une arme à double tranchons, car il peut passer pour un perdant des municipales ou renforcer son image d’unificateur de toutes les forces conservatrices du pays contre les forces de gauche.
À l'approche de l'heure du scrutin, les dirigeants politiques se sont mobilisés pour renforcer les alliances et stopper l'avancée des opposants, comme Crivella, qui a formellement exprimé son soutien à Bolsonaro.
Outre Rio et Sao Paulo, à Porto Alegre, Fortaleza, Teresina, São Luís, João Pessoa et Belém, des candidats qui s'opposent aux maires actuels ou à leurs éventuels successeurs du même parti figurent à la tête du sondage réalisé par l’institut Ibope.
Dans les capitales du Nord-Est, les alliés de Bolsonaro ont évité de l’impliquer dans la campagne électorale, car c'est la région qui concentre les plus hauts niveaux de désapprobation du président, 46% dans la capitale du Maranhão.
"Je compare les municipalités du Brésil avec les cellules du corps humain. Plus il y a de bonnes cellules, mieux c'est pour le corps dans son ensemble", avait indiqué le Chef de l’Etat, pour qui la victoire est assurée à Rio et Sao Paulo.
A en croire les sondages, Bolsonaro est plus susceptible d'exercer une grande influence dans les municipalités de moins de 200.000 habitants, car, selon les médias locaux, c’est là où les candidats se précipitent le plus pour obtenir le "sceau Bolsonaro".
Ainsi, les municipales 2020 s’annoncent des plus fragmentées, avec la fin des coalitions, ce qui rend difficile d'imaginer un scénario de majorités absolues des partis victorieux, sur fond d’affaiblissement du parti des travailleurs (PT) et du PSL, en perte de vitesse après le départ de Bolsonaro.
Dans cette optique de fragmentation, les visages familiers de la politique semblent pouvoir prendre une option, comme à Florianópolis (Etat de Santa Catarina), où l'actuel maire Gean Loureiro (Démocrates), en tête des sondages, brigue un nouveau mandat, ou encore à Recife, avec le député fédéral João Campos (parti socialiste brésilien), fils de l'ancien gouverneur Eduardo Campos.
Les scénarios sont similaires à Salvador et à Belo Horizonte, respectivement capitales des États de Bahia et du Minas Gerais, où les sondages donnent la victoire aux rivaux des "bolonaristes" : le conservateur modéré Bruno Reis à Salvador (41%) et le centre-droite Alexandre Kalil (entre 56% et 60%).
C'est ainsi que le Brésil se dirige vers des élections assez particulières marquées par un nombre record de candidats et une polarisation idéologique et politique qui donnera sans nul doute une idée claire sur l’avenir politique du pays sud-américain, notamment sur l’élection du président et des gouverneurs en 2022.