Rabat - Elle s'appelle Jennifer Grout, une artiste américaine qui aurait pu rester loin des projecteurs dans son pays d'origine, mais sa réputation s'est répandue dans le monde arabe et islamique en tant que jeune femme ambitieuse qui faisait ses premiers balbutiements dans le monde de la musique et commençait à apprendre les maqamat, avant qu’elle ne décide de se convertir à l’Islam motivée en cela par une expérience "agréable" qu'elle a vécue au Maroc. A l’heure qu’il est, Jennifer s’est vue attribuer l'auguste titre d"ambassadrice extraordinaire" de la culture fascinante du Royaume.
Le monde arabe l’a découverte en début de 2013 sur la chaîne MBC alors qu'elle interprétait dans le cadre de l’émission de talents (Arab Got Talent), "Baed Anak" d’Oum Kalthoum tout en jouant avec maestria de l’Oud. Les membres du jury se sont rendus compte qu’il s’agit là d'un talent exceptionnel venu d’un pays lointain, culturellement et géographiquement pour se frayer un chemin qui commençait par apprendre l’arabe, puis maîtriser la récitation du Saint-Coran et à imiter ses célèbres récitateurs avant de se lancer dans l'interprétation des grandes œuvres de Tarab et de ses mawals.
D’un visage aussi bien beau que serein et son foulard léger couvrant la tête, Jennifer envoie aujourd'hui ces messages d'amour et de reconnaissance au Maroc et à son peuple depuis les États-Unis, et ne cesse d’exhiber, lors des différentes émissions télévisées auxquelles elle participe, sa passion et sa gratitude au Royaume qui l'a accueillie à bras ouverts.
De la chaîne qatarie Al-Jazeera à la chaîne britannique (BBC), en passant par de nombreuses autres plateformes arabes et étrangères, Jennifer (29 ans) suscite la stupéfaction et l’admiration des téléspectateurs du monde entier en récitant des versets du Saint Coran et en chantant des morceaux de musique arabe. En réponse à l’origine de cette prouesse hors-norme, Jennifer considère que "Le secret réside dans le Maroc".
"Au Maroc, je me suis convertie à l'islam. Là, j'ai appris la langue arabe. J'y ai passé une période importante de ma vie ...C'est un pays qui a une place spéciale dans mon cœur", affirme Jennifer lors d’une interview télévisée, ajoutant dans une autre que "Les gens là-bas sont généreux. Et ils m'accueillent sans attendre en retour ... Je vois quelque chose d'étrange sur leurs visages ... un éclat que je ne comprenais pas au début".
Après sa conversion à l’Islam, Jennifer doit le renforcement de ses connaissances religieuses à un marocain de Mohammedia appelé Mohamed, propriétaire d'une petite bibliothèque, qui l'a aperçue en chemin entre son domicile et l'American Language Center. Il lui a offert des livres sur l'islam et l'invite ainsi que sa petite famille à un Couscous tous les vendredis.
"Mes voisins n'étaient pas riches et je n'avais rien à leur offrir. Ils n'avaient aucune raison de nous traiter avec tant de générosité et de gentillesse, sauf qu'ils le faisaient pour l'amour du Dieu. C'est pourquoi quand les gens me demandent pourquoi je me suis convertie, ces histoires me reviennent à l'esprit", se remémore-t-elle.
D’une mère parolière et d’un père pianiste-violoniste, Jennifer renoue une histoire d’amour avec la musique dès son enfance.
Et pour poursuivre ses études supérieures, la fille de Boston a opté pour l'Université McGill au Canada pour étudier la musique classique.
"Au début, mon professeur de la langue arabe m'a conseillé d'écouter le Saint Coran en tant qu'un exercice qui me permettrait de scruter, peaufiner et explorer ces petites nuances présentes dans la récitation du Coran et dans le chant arabe classique", explique Jennifer.
Petit à petit, Jennifer commença à admirer les grandes divas de la musique arabe à l'image de Fayrouz, Oum kalthoum ou encore Asmahan, et imiter leur performance même sans comprendre la signification des mots, avant que le destin ne la conduise au Maroc où elle a parfaitement maitrisé la langue arabe comme la darija (arabe dialectal).
"Merci Jennifer. Ta voix cristalline est une source lumineuse faite pour réciter ces chants du madih du prophète Mohammed que la prière et le salut soient sur lui", commente une fan les chants religieux publiés sur la page Facebook de Jennifer.
Sur YouTube et sur sa page Facebook, les centaines de milliers de followers de Jennifer suivent son interprétation de nombreuses autres chansons marocaines, telles que "Atchana", "Lalla Fatima", "Ya Bent Lamdina" et "Yak Ajrahi" en sus d'autres morceaux puisés dans le répertoire amazighe.
La passion de Jennifer ne se limite pas aux chants, car elle promeut également d'autres aspects de la culture marocaine, notamment à travers les habits et l’art culinaire.
Dans l'une de ses vidéos postées sur sa page Facebook, Jennifer pose fièrement avec un caftan marocain vert parsemé de bijoux, tandis que dans un autre clip, elle rayonne avec une Djellaba traditionnelle marocaine et "Sharbil" Fassi.
La communauté marocaine aux Etats-Unis a tenu à remercier cette "ambassadrice extraordinaire" pour son rôle dans la promotion de la culture marocaine.
Lors d'une cérémonie organisée par les MRE en juin dernier à Boston, Jennifer a reçu avec grande joie "un microphone doré" au nom de la communauté marocaine aux USA en guise de reconnaissance de ses contributions dans la promotion de la culture marocaine.
Il y a quelques jours à peine, Jennifer a ressenti la même joie en annonçant aux Marocains qu'elle se rendra dans le Royaume pour participer, le 25 mars à Casablanca, à une soirée musicale organisée par l'association "Dar Tarab Al Maghribia".
En effet, c'est une joie légitime car si son attachement au Maroc était pour la première fois le fruit d'une coïncidence, il est aujourd'hui devenu un socle après avoir épousé un artiste amazighe, et donné naissance à une fille pour qui elle a choisi le nom "Qamar".
Et parce que la vie est faite de hauts et de bas, l’alliance de Jennifer s'est terminée par un divorce après qu'elle s'est trouvée invitée à quitter la musique et le chant et à se soumettre à ces interprétations arbitraires de la religion qui veulent maintenir les femmes dans les coulisses.
Mais Jennifer n'a pas abandonné, et après une pause de carrière artistique, elle a envoyé au monde un message à l'occasion de la Journée internationale de la femme, "Le monde n'a plus besoin de davantage de femmes qui vivent dans l'ombre".
Dans le même message, Jennifer s'interroge, "Dieu a-t-il créé nos cœurs lumineux pour que nous choisissions la voie des ténèbres et de la souffrance ? (...) quand c'est nécessaire, il n'y a pas de problème à se retirer pour méditer et assurer l'équilibre, mais veuillez répandre cette lumière que Dieu a donnée à ce monde et qui risque de se faner".