Dans un article intitulé "Le dompteur peut être mordu par sa vipère : le Polisario +occupe+ Tindouf ?", à paraître dans l’édition de jeudi, Talaâ Saoud Al Atlassi revient sur la mise au point, mêlant colère et étonnement, adressée par l’ambassadeur de l’Algérie en France, Mohamed-Antar Daoud, à la revue Le Point au sujet de deux phrases contenues dans cet article, sous le titre "Manœuvres algériennes dans le Sahara, près de la frontière marocaine".
Al Ittihad Al Ichtiraki rapporte que le diplomate algérien a qualifié de "grave dérapage" le contenu de cet article paru dans la rubrique "Le point Afrique" du 19 janvier, appelant à une réparation de la part de l’équipe rédactionnelle de l’hebdomadaire français qui, selon lui, saura "trouver les termes adéquats pour rétablir la réalité des faits dans leur signifiant et leur signifié".
M. Al Atlassi a estimé que ce doit être une colère "sérieuse" celle qui a amené Monsieur l’ambassadeur à mobiliser son armada "culturelle" diverse qui s’étend jusqu’aux techniques et règles de la rédaction journalistique, en reprochant au rédacteur de l’article de ne pas "reprendre fidèlement les paragraphes de l’AFP".
Le diplomate algérien, a-t-il poursuivi, s’est dit "étonné" que le rédacteur de l’article incriminé n’aie pas "vérifié les informations qu’il a rapportées avant de verser dans les allégations dénuées de tout fondement sur l’appartenance territoriale de la wilaya de Tindouf".
Mettant à contribution ses connaissances géographiques, a expliqué M. Al Atlassi, le diplomate algérien a sermonné le rédacteur pour lui intimer que "sans faire offense à vos connaissances en matière géographique et géopolitique, faut-il préciser que Tindouf est une partie intégrante de l’Algérie ?".
En guise conclusion, le diplomate algérien a réservé au rédacteur de l’hebdomadaire français "le coup de grâce" par l’arme de la sémiologie, en l’interpellant à "trouver les termes adéquats pour rétablir la réalité des faits dans leur signifiant et leur signifié".
Pour M. Al Atlassi, la colère de l’ambassadeur implique que le ministère algérien des Affaires étrangères n’a pas perçu l’article de la revue française comme une simple "gaffe" rédactionnelle, mais plutôt comme un "acte" prémédité, sciemment incrusté pour faire véhiculer un message.
Selon lui, le ministère algérien a peut-être estimé que Le Point, par le truchement de ces petites phrases, conférait-il au polisario deux pouvoirs dont il est dépossédé vis-à-vis d’Alger, en l’occurrence le pouvoir d’une décision indépendante lui permettant une influence propre, et le pouvoir de contrôle sur Tindouf où il tient son campement militaire.
C’est dire que l’Algérie ne tolère, même pour une imprécision rédactionnelle, aucune insinuation, éventualité ou même conception d’une autre posture au polisario que celle que lui a dictée la direction algérienne il y a 45 ans, a-t-il relevé.
Peut-être même pour des années à venir si la situation perdure avec l’intransigeance et la surdité d’Alger vis-à-vis de l’appel du Maroc à la paix, sa proposition et ses efforts incessants dans ce sens, a-t-il poursuivi, notant que l’Algérie souhaiterait maintenir le mouvement séparatiste sous sa coupe, à ses ordres, en politique comme en géographie.
Et si cette brève information de mots réduits n’était qu’un ballon d’essai où la "revue" aurait été inconsciemment manipulée ? Un ballon pour provoquer la réaction d’Alger sur une éventuelle installation des séparatistes à Tindouf ? Après tout, des parties internationales seraient-elles en train d’explorer des scénarii d’alternatives au statu quo !
M. Al Atlassi n’élude pas l’éventualité d’un acte élaboré sur la base de la propagande consistant à lancer une idée ou un mensonge, entretenir son attractivité et tester sa viabilité. Et pour cause, des parties du polisario seraient déjà en passe de contourner l’emprise d’Alger.
Et puis, a-t-il soutenu, admettons que cette information soit une "bévue". N’ouvre-t-elle pas, par ricochets, une éventuelle piste à la fin du différend ? C’est assez plausible tant que l’Algérie ne s’intéresse guère aux habitants des camps et n’aide point à la recherche de la solution préconisée par le Conseil de sécurité de l’ONU, surtout avec le soutien international de plus en plus croissant au Plan marocain d’autonomie.
Pour lui, ceci est d’autant plus vrai que les camps et leurs habitants ne sont pour la direction algérienne que des camions et des plateformes d’où elle lance sa hargne contre le Maroc; mais la situation ne saurait perdurer indéfiniment.
L’auteur de l’article rappelle que c’est bien la propagande algérienne qui a amené, pendant plus de 40 ans, les visiteurs à Tindouf pour les présenter à ce qu’elle appelle un "Etat", elle qui en tire les ficelles et veille à son armement.
Or, si certains de ces mêmes visiteurs assuraient, en public ou en catimini, que c’est le polisario qui contrôle Tindouf, ils ne disaient que la réalité qu’ils ont vécue, ou du moins celle qu’on leur a présentée, a soutenu l’auteur de l’article.
Pire, le Polisario, quand bien-même Alger lui autorise de regagner le Maroc par la voie de l’auto-détermination, ne songerait à s’installer nulle part ailleurs qu’à Tindouf qu’il ne quittera pas, tant on l’a longtemps privé de prendre attache avec le pays des origines, le foyer authentique, le Maroc qui ne cesse de dire que la Patrie est clémente et miséricordieuse, a-t-il relevé.
"J’ai dit à maintes reprises, comme d’autres avant, que le mouvement séparatiste est un boulet que l’Algérie ne saurait supporter indéfiniment, à fortiori dans les conditions politiques actuellement mouvementées, la méconnaissance des mécanismes de gestion des relations internationales et l’amenuisement de ses ressources financières, désormais insuffisantes à subvenir à ses propres besoins sociaux", a-t-il souligné.
Il a fait observer que l’Algérie continue d’approvisionner et d’armer le Polisario dans une zone désertique africaine, une étendue de reliefs difficiles à contrôler où s’entremêlent mouvements séparatistes, gangs armés, nébuleuses terroristes et trafiquants de drogues, de marchandises et d’êtres humains. Bref, un cocktail-Molotov de mouvances violentes qui risquent d’exploser aux frontières de l’Algérie et même à l’intérieur.
La vipère s’étant souvent retourné contre son dompteur, la magie ayant bien des fois fait boomerang, il importe pour Alger de considérer dès à présent, à moyen ou à long terme, l’éventualité de demander un soutien international pour déterminer le sort de Tindouf et prévoir, le cas échéant, un référendum d’auto-détermination.
Car pour l’Algérie, a-t-il estimé, ce serait le prix à prévoir pour le refus obstiné de la proposition marocaine d’autonomie, une des formules possibles, réalistes, équitables, pérennes et consensuelles de l’auto-détermination, au lieu des voies anguleuses qui, s’ouvrant sur des labyrinthes, finissent par entamer la marche.
"L’autonomie ne serait-elle pas la voie qui la libérerait d’un boulet qu’elle a longtemps et chèrement trainé ?", s’est-il interrogé, faisant remarquer que dans le contexte actuel, le statu quo aidant, le contenu aussi bref, court et éphémère soit-il dans un hebdomadaire français, serait capable de commuer une information souffrant d’exactitude en un séisme politique à Alger.