L’article 33 de l’Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle liés au commerce (1995), plus connu par son abréviation d’ADPIC, stipule une protection de vingt ans sur le brevet d’un nouveau produit pharmaceutique. Négocié dans le cadre du GATT, devenu l’Organisation mondiale du commerce (OMC), l’ADPIC est entré en vigueur en 1996 dans la plupart des pays développés, ceux en développement bénéficiant d’une période de grâce de dix ans.
Les laboratoires peuvent ainsi vendre des licences (appelées licences volontaires) à d'autres entreprises pour qu'elles puissent fabriquer leur médicament, mais théoriquement il est possible, en cas de situation d'urgence, de forcer les laboratoires à ouvrir leurs licences.
L’ADPIC prévoit en effet des «licences obligatoires» que des Etats peuvent, en théorie, actionner pour pouvoir «copier» des traitements en cas d'«urgence nationale».
La vaccination anti-Covid pour tous, l’idée a émergé avant même que les premiers vaccins aient été totalement élaborés. En juin dernier était ainsi publiée une tribune appelant à faire des vaccins anti-Covid un bien commun de l’humanité. Parmi les 155 signataires, une ribambelle de prix Nobel de la Paix ou de Médecine, d’anciens chefs d’Etat ou de gouvernement, ou encore des stars hollywoodiennes. Mikhaïl Gorbatchev, Denis Mukwege, Lula, Matt Damon et Sharon Stone y ont apposé leur nom.
Mais l’espoir d’une solidarité internationale a peu à peu viré au nationalisme vaccinal, faisant au passage les affaires des laboratoires les plus prompts à fournir les précieux vaccins.
Alors que plus des trois quarts des vaccins sont actuellement administrés dans seulement 10 pays, qui représentent près de 60% du produit intérieur mondial (PIB) mondial, l’Afrique subsaharienne, par exemple, n’a pas encore vu la couleur d’un vaccin, et fonde désormais ses espoirs dans le mécanisme international COVAX.
La semaine dernière, l'Organisation mondiale de la santé (OMS) a réitéré son appel à ne pas oublier les pays en développement, et exhorté les entreprises pharmaceutiques à partager leurs installations de fabrication afin d’accélérer la production des vaccins.
Sur un autre plan, l’OMS préconise « des licences non exclusives pour permettre à d’autres producteurs de fabriquer leur vaccin anti-coronavirus ».
A moyen terme, selon des experts, cela pourrait être une solution concrète pour favoriser l’accès des pays en développement à la vaccination. Cela s’est d’ailleurs déjà fait par le passé, notamment pour le traitement du VIH, avec la levée des brevets de traitements antirétroviraux, mais aussi pour d’autres maladies. C’est souvent acquis de haute lutte, sous la pression d’ONG et concerné des médicaments.
A cet égard, l’OMS rappelle que son Dispositif pour accélérer l’accès aux outils de lutte contre la Covid-19 (Accélérateur ACT), et COVAX, le volet vaccins du Dispositif permettent « l’octroi de licences volontaires de technologies de manière non exclusive et transparente », ce qui permet d’offrir aux développeurs une plate-forme pour le partage des connaissances, de la propriété intellectuelle et des données.
Pour l’OMS, ce partage des connaissances et des données pourrait permettre l’utilisation immédiate de capacités de production inexploitées et contribuer à la création de bases manufacturières supplémentaires, notamment en Afrique, en Asie et en Amérique latine. « L’expansion de la production à l’échelle mondiale rendrait également les pays pauvres moins dépendants des dons des pays riches », a fait valoir le directeur général de l'OMS Tedros.
« Nous vivons une époque sans précédent et nous acclamons les fabricants qui se sont engagés, par exemple, à vendre leurs vaccins au prix du coût de production », a-t-il ajouté. Mais pour y arriver, l’OMS attend des fabricants qu’ils fassent « plus ».
Ayant reçu « un financement public important », l’agence onusienne encourage donc les laboratoires à partager leurs données et leur technologie pour « garantir un accès équitable aux vaccins dans le monde entier ».
Toutefois, des doutes persistent, en cas de levée des brevets, sur le capacité de nombreux pays en développement à produire des centaines de millions de doses de vaccins tels que ceux de Pfizer-BioNTech et de Moderna, qui reposent sur la technique récente de l’ARN messager, avec des techniques de pointe.
De l'avis d'experts, même si on retirait l’ensemble des brevets, "il y aurait, outre le verrou juridique, un verrou technologique".