Parvenir à présider un conseil communal et à réconcilier les femmes avec la politique n’était pas une tâche aisée eu égard aux difficultés multiples qu’elle a dû affronter, dans une région où le paysage politique est largement dominé par les hommes, où la femme pâtit de différentes formes de marginalisation, d’exclusion et de discrimination, où elle est toujours perçue comme une subalterne et non pas comme un leader, et où l’on estime qu’elle est destinée uniquement au foyer et à l'éducation des enfants, et non pas au travail et à la participation au développement à tous les niveaux et dans tous les domaines.
Cependant, sa volonté d'acier et son ambition sans limites ont fait que l'impossible est devenu réalité, a indiqué Aïcha dans une interview à la MAP. C'était un rêve quasi-impossible. Comment une jeune fille rurale issue d’une région montagneuse, conservatrice, enclavée, aux terrains accidentés et au climat difficile et de plus ne parlait pas l'arabe à l'école primaire, peut-elle devenir la première femme présidente d’un conseil communal dans la région, parlementaire chevronnée pendant deux mandats et docteur en droit public, spécialité sciences politiques et droit constitutionnel, s'interroge-t-elle.
Sa réussite l’explique par la force de la volonté et de l'ambition et aussi par les encouragements et l’importance qu’accorde sa formation politique aux femmes et à leur rôle dans la société, partant de sa vision et de sa conception de la modernité et de la démocratie.
"C’est pour cela que je me suis lancée dans une carrière politique, après un long parcours associatif au sein de la société civile au cours duquel j’ai acquis de l’expérience et développé mes compétences en matière de gestion de la chose publique. J’ai commencé par me présenter aux élections communales pour contribuer au processus du développement local en portant à bras-le-corps les questions socio-économiques des citoyens dont celles ayant trait à la condition de la femme", a-t-elle fait savoir.
Le point déclencheur de cette nouvelle expérience est sa conviction que le Maroc s’est inscrit depuis plus de deux décennies dans un processus politique qui fait la part belle aux femmes et à leur rôle sociétal, à travers sa Constitution et les diverses lois et législations qui renforcent leurs droits et leur représentativité au sein des instances élues, compte tenu des réalisations qu’elles ont pu accomplir dans les différents domaines et dans divers postes et responsabilités.
Aïcha Aït Haddou croit dur comme fer à l’importance de la contribution de la femme dans la vie politique et en les grandes capacités de cette dernière à participer au développement de projets et programmes qui servent la communauté et rendent justice à la femme rurale.
Son expérience inédite en tant que première femme à intégrer le conseil provincial d’Azilal et le conseil communal comme conseillère d’un parti de l’opposition, puis première femme présidente d’un conseil communal et parlementaires pendant deux mandats, a constitué une source d’inspiration pour les femmes de la région à investir le domaine social, associatif ainsi que le champ politique.
Sa persévérance a aussi inspiré plusieurs de ses pairs à poursuivre leurs études et à renforcer leurs capacités, pour avoir l’estime et la reconnaissance de la société, contribuer à l’effort national de développement local et territorial et poser les jalons d’une société démocratique qui soit guidée par les valeurs de la justice, de l’équité et de l’égalité des chances.
Aïcha Aït Haddou raconte avec beaucoup de fierté ses succès et la richesse de son parcours dans le domaine social, associatif et politique tout en se remémorant ses débuts. "Ce n'était pas une promenade de santé, car le grand défi n'était pas seulement d'améliorer l’action communale et de créer les conditions d'un développement local qui répond aux besoins de la population locale, mais de changer fondamentalement la mentalité machiste dominante qui ne voyait pas d’un bon oeil l'implication des femmes dans le champ politique et le processus démocratique", a-t-elle souligné.
"Nous avons mis en œuvre plusieurs projets et plans de développement pendant ce mandat avec une touche et une vision féminines tangibles, et pu changer certaines mentalités, car la société est devenue plus réceptive à l'implication des femmes dans le champ politique, social et coopératif, en particulier après avoir démontré qu’elles sont capables par leur savoir, connaissances et compétences personnelles à participer à l’enrichissement de la vie publique", a-t-elle ajouté.
Cette génération montante des femmes est convaincue fortement de l'importance de l’action partisane et de l’implication dans le champ politique ainsi que du rôle de l’éducation comme moyen de promotion de la condition de la femme et d’affirmation de celle-ci dans la société, a estimé Aïcha, relevant que "c'est cela le grand et noble défi que nous avons pu relever".
La Journée du 8 mars, Aït Haddou, parlementaire et membre du conseil de la région de Béni Mellal-Khénifra, la considère comme une occasion pour rendre hommage aux réalisations des femmes dans divers domaines, dans l’optique de renforcer davantage leurs droits et améliorer leurs conditions sociales, économiques et politiques, notamment à travers l'action politique qui constitue le meilleur moyen pour atteindre cet objectif.
Tout en saluant les efforts déployés à tous les niveaux pour promouvoir la condition de la femme et de son rôle croissant dans la province d'Azilal en particulier et dans la région en général, Aïcha déplore que le chemin est encore long pour atteinte pleinement les objectifs escomptés.
C'est pourquoi, à l'occasion de la Journée internationale de la femme, elle a lancé un appel aux femmes de la région, les invitant à s'engager en politique, à investir le domaine social et à renforcer les rangs de la société civile pour participer à la consolidation de l’oeuvre du développement territorial et à la défense de leurs intérêts, notant que la voie indiquée pour réaliser leurs attentes demeure l’éducation et la détermination malgré les difficultés et les rudes conditions.
“J'espère que mon humble et riche expérience servira comme exemple pour les femmes désirant s'engager en politique et faire leur propre chemin dans ce domaine longtemps dominé par les hommes, surtout que le Maroc tend à renforcer son processus démocratique à travers l’augmentation de la représentativité des femmes au sein des institutions élues à partir des prochaines échéances électorales”, a-t-elle dit.