En compagnie de Zoubida, sa collègue originaire d'Oujda, les deux femmes entament, avec détermination et bonne humeur, une nouvelle journée de travail dans la cueillette des fraises.
Samia fait partie des 4.200 saisonnières marocaines ayant rejoint, depuis fin février, les fermes agricoles de fruits rouges dans le sud espagnol. Un programme ambitieux de migration circulaire entre le gouvernement marocain et espagnol, où pas moins de 14.000 ouvrières agricoles, se déplacent chaque année, dans cette région andalouse, durant la saison de la cueillette des fruits rouges.
Originaire de Sidi Slimane, cette fière et courageuse mère marocaine de deux adolescents, une fille et un garçon, entame sa 4ème saison agricole dans cette ferme familiale.
Sous les serres qui commencent à chauffer sous ce doux soleil printanier, Samia, dégage d’un geste ferme les pousses des fraisiers, à la recherche de la partie charnue de la fleur du fruit. Les mouvements sont précis et sûrs, une expérience acquise d’année en année dans cette ferme andalouse. En quelques minutes, des dizaines de barquettes sont déjà remplies de ce fruit charnu rouge écarlate.
Pour Pedro Marin, gérant de l’association interprofessionnelle des producteurs andalous de fruits rouges (Interfresa), Samia et ses collègues marocaines travaillant dans la collecte des fraises, sont une valeur sûre pour le secteur.
“La trajectoire chronologique de cette collaboration prouve, s’il le faut encore, que ce projet est excellent à plusieurs niveaux et que cette relation professionnelle et humaine témoigne du niveau de satisfaction des deux parties, salariées et employeurs”, souligne t-il dans une déclaration à la MAP.
Le représentant de la filière andalouse rappelle que la présence des ouvrières marocaines fut capitale pour pouvoir développer cette activité durant les durs moments de la crise sanitaire.
“Leur présence est un motif d’orgueil. Il est impératif de mettre en lumière le travail de ces femmes battantes et courageuses”, insiste-t-il. Pour le secteur, les saisonnières marocaines, lesquelles représentent 15% du personnel des entreprises agricoles, sont une force de travail tranquille mais efficace.
Samia en est le parfait exemple. Derrière sa timidité, celle-ci cache une force insoupçonnée et un mental en acier. Avec courage et détermination, elle affronte le marché du travail pour s’affirmer en tant que femme et subvenir aux besoins de sa famille.
Ici, la fraise c’est une histoire de famille. Tous les membres de cette smala andalouse sont sur le pied de guerre et travaillent coude à coude avec leurs employés, de diverses nationalités.
Car outre les Marocaines, l’exploitation emploie des travailleuses agricoles en provenance de Roumanie et de Bulgarie. Mais la propriétaire des lieux ne cache pas son enclin pour ses employées d’origine marocaine.
“Samia et sa collègue sont sérieuses et volontaires. Même quand elles bouclent leur journée de travail, elles nous prêtent main forte jusqu'à ce que le camion soit entièrement chargé”, témoigne-t-elle le verbe reconnaissant.
Samia lui renvoie aussitôt l’ascenseur en couvrant d’éloges ses employés. “Ils sont humbles et courtois à notre adresse. Une fois par semaine, le patron nous accompagne pour faire des emplettes. Quand la bonbonne de gaz est à plat, il va de ce pied la changer et refuse d'en déduire les frais de notre paie. Nous nous sentons en sécurité et nous sommes chaleureusement accueillies ici”, se félicite la salariée agricole.
Une fois la journée de travail bouclée, Samia reprend la direction du dortoir où elle est confortablement logée avec sa compatriote. Un petit appartement agréablement aménagé : Téléviseur avec connexion satellitaire, salle des eaux et deux chambres avec 4 lits interposés. Chacune des deux colocatrice occupe une pièce. Dans le séjour, des ustensiles de la cuisine marocaine ornent les étagères. Théière, couscoussier... rien ne manque.
“Nous préparons des petits plats bien de chez nous, du pain. A dire vrai, à part nos familles et notre pays qui nous manquent affreusement, nous ne sentons guère dépaysés”, confie Samia, avec un brin de nostalgie.
L’exploitation agricole où s’affaire Samia est membre du programme Prelsi. Il s’agit d’un plan de responsabilité sociale mis en place par Interfresa afin d’améliorer les conditions de séjour et de travail des saisonnières marocaines recrutées dans le cadre de cette opération. Environ 90% des entreprises qui recrutent les bras marocains, adhèrent volontiers à ce programme qui exige le respect de certains critères et obligations à l’égard des saisonnières.
Parmi les actions phares de ce protocole, l’accompagnement social des travailleuses agricoles. Salwa fait partie des 11 consultantes recrutées pour être aux côtés des journalières marocaines durant leur séjour en terre andalouse.
Autour d’un verre de thé fumant et un assortiment de pâtisserie marocaine, les trois femmes taillent une bavette, entrecoupées de rires. Fréquemment, Salwa se rend auprès des saisonnières pour s’informer de leur situation. “Nous veillons à ce qu’elles ne manquent de rien. Nous nous déplaçons auprès d’elles et échangeons autour de tout et de rien”, explique l’encadrante sociale. Ses visites mettent du baume au cœur de Samia et sa collègue. “Cela nous fait plaisir de voir une compatriote. Parler et échanger avec elle en dialecte marocain...C’est comme si nous recevions la visite d'un proche. Elle est toujours la bienvenue”, témoigne Zoubida.
Le soir, Samia passe son temps à façonner des foulards ethniques aux couleurs scintillantes. “C'est mon passe-temps favori". La gorge nouée, elle confie que sa mère lui manque. “J’attends mon retour au Maroc avec impatience pour prendre mes deux enfants dans les bras et voir ma mère. Ce lieu me manquera certainement. Nous y laisserons une deuxième famille en quelque sorte. Mais ce ne sera qu’un au revoir”, confesse Samia, d’une voix émue.