Quels sont les principaux objectifs du projet de loi ?
Le projet de loi sur les usages licites du cannabis vise à doter le Maroc d’un cadre légal permettant le développement des filières du cannabis médical, cosmétique et industriel conformes aux engagements internationaux du Royaume.
Par ce projet de loi, le Royaume peut saisir rapidement les opportunités offertes par le marché du cannabis en attirant des opérateurs d’envergure internationale, tout en instaurant un système rigoureux de traçabilité et de contrôle à l’effet de prévenir tout détournement du cannabis et de ses dérivés vers le marché illicite.
Le Maroc ambitionne également de reconvertir progressivement les cultures illicites destructrices de l’environnement en des activités légales durables et génératrices de valeur et d’emploi.
Quelles sont les retombées socio-économiques attendues ?
Les études réalisées montrent que les paysans qui intégreront le programme du cannabis licite bénéficieront de revenus nettement supérieurs à ceux actuels, tout en respectant l’environnement (rotation triennale, un seul cycle agricole par an, etc.).
Le cadre juridique mis en place par ce projet de loi devrait également permettre au Maroc d’attirer des opérateurs industriels d’envergure internationale et parallèlement de développer une filière industrielle nationale. Les investissements prévisionnels dans ce domaine seront générateurs de valeur et d’emploi.
Quels sont les usages visés par le projet de loi ?
Le projet de loi ne concerne pas le cannabis récréatif, qui demeure prohibé. Il concerne exclusivement les usages médicaux et industriels.
Ainsi, les vertus thérapeutiques du cannabis sont de plus en plus reconnues par les instances scientifiques. Il est particulièrement efficace dans le traitement des maladies suivantes :
+Maladies neuro-dégénératives comme la sclérose en plaque, Parkinson, Alzheimer;
+Maladies inflammatoires et auto-immunes comme la maladie de Crohn;
+Des soins palliatifs pour certains cancers;
+L’épilepsie;
+Autres pathologies du système nerveux central.
L’utilisation de cette plante dans la médecine arabe remonte au 9ème siècle. Dans l’ouvrage « Qanun at-Tibb », d'Ibn Sina, datant du 11ème siècle, le cannabis est mentionné comme étant couramment utilisé pour ses propriétés anesthésiantes. C’est un ouvrage qui occupait une place clé dans l’enseignement de la médecine jusqu’au 17ème siècle en Europe.
Les usages industriels du cannabis concernent, quant à eux, les secteurs de la construction (béton de chanvre, enduits à base de chaux et de chanvre, isolation thermique et phonique, etc…), du textile, de la fabrication du papier, de l’industrie automobile (fabrication de tableaux de bords, panneaux de portes, montants de baie, fonds de coffre, renforts de portières, etc…).
Il est également utilisé dans l’alimentation animale, l’alimentation humaine (les graines et l’huile de chanvre sont réputées pour leur teneur en protéines, vitamines (B et E), minéraux, oligo-éléments et acides gras essentiels oméga 3 et oméga 4, les cosmétiques, la fabrication des cordages et des litières animales et la production de biocarburants.
Pourquoi un projet de loi maintenant ?
A l’échelle internationale, une forte tendance à la légalisation du cannabis médical (voire du récréatif) est constatée durant les dernières années. Cette tendance est confortée par le récent accord de l’ONU des recommandations formulées par l'Organisation Mondiale de la Santé concernant le reclassement de cette plante d'une manière cohérente avec les développements scientifiques récents qui ont montré que le cannabis présente des propriétés médicinales et thérapeutiques, en plus des différentes utilisations associées aux domaines du cosmétique, de l'industrie et de l'agriculture.
Au niveau national, la Commission Nationale des Stupéfiants, réunie le 11 février 2020, a adopté les recommandations de l’OMS, notamment celle relative à la suppression du cannabis du tableau IV des substances ayant un potentiel d’abus fort et sans valeur thérapeutique notable, adoptée par l’ONU par la suite.
Par ailleurs, tout retard pris dans la mise en œuvre du projet de loi pourrait se traduire par des risques de perte des opportunités économiques offertes par ce secteur d’activité au profit de pays concurrents.
Quelles sont les variétés qui seront autorisées au Maroc, pays qui a adhéré à la convention de Vienne de 1971 sur les substances psychotropes (y compris le THC contenu dans le cannabis) et a mis en place un dispositif rigoureux de contrôle de ces substances ?
Les variétés autorisées à être cultivées seront celles correspondant aux semences et plants certifiés par l’Agence. Deux types de cultures seront mises en place :
- Une culture dont la récolte est dédiée au médical à base de THC : les variétés cultivées comprennent du THC selon la teneur cible souhaitée par les transformateurs. Les produits finaux sont régis par le Code du Médicament et de la Pharmacie (loi 17-04) et sont donc soumis à une autorisation de mise sur le marché, délivrée par le Ministère de la Santé;
- Une culture destinée aux autres activités (médical et cosmétique à base de CBD et industrielles non médicales) : la teneur maximale en THC des variétés cultivées sera fixée par voie réglementaire (elle est de 0,2% en Europe). La teneur maximale en THC des produits finaux sera fixée par voie réglementaire (de 0 à 2% en Europe).
Pourquoi la culture n’est pas ouverte aux industriels, mais orientée vers les paysans exploitants traditionnels ?
Dans le souci d’amorcer une reconversion rapide de la culture actuelle illicite en une activité légale, le projet de loi réserve toutes les opportunités de développement de l’activité «culture» aux populations historiquement engagées (paysans traditionnels). Ceci vise également à faire du programme du cannabis licite un projet fédérateur bénéficiant de l’adhésion de tous.
L’apport des sociétés industrielles et pharmaceutiques est souhaité en matière de développement industriel.
Pourquoi délimiter le périmètre relatif à la culture du cannabis licite et organiser les paysans autorisés en coopératives ?
Le projet de loi vise la conformité à la législation internationale ratifiée par le Royaume. En effet, la Convention Unique sur les Stupéfiants de 1961 (ratifiée par le Décret Royal n°236-66 du 22 Octobre 1966) stipule la nécessité de délimiter les régions et de désigner les parcelles de terrain où la culture du cannabis, en vue de la production du cannabis médical, est autorisée. De plus, elle exige que cette culture se fasse dans la limite des quantités nécessaires pour répondre aux besoins des activités licites.
Ceci implique que ledit périmètre est appelé à évoluer de façon continue en fonction de la demande nationale et internationale. Ainsi, le choix d’inscrire dans le projet de loi que ce périmètre est arrêté par voie réglementaire vise la souplesse.
Par ailleurs, le projet de loi soumet la culture et la production de cannabis industriel (ne contenant pas de THC et par conséquent sortant du cadre de la Convention Unique sur les Stupéfiants de 1961) aux mêmes dispositions relatives au cannabis médical (délimitation du périmètre de culture, régime d’autorisation, etc.) afin de maîtriser les risques d’interférence entre les cultures licites et illicites.
Par ailleurs, le projet de loi stipule l’organisation des paysans autorisés en coopératives. Il s’agit d’une action fédératrice qui permet de pallier la situation émiettée du foncier (plus de 80% des parcelles ont moins d’un hectare de superficie), donne un pouvoir de négociation plus important aux agriculteurs vis-à-vis des industriels et permet à l’Agence et aux autres départements (Agriculture, etc…) d’assurer un meilleur encadrement.