La Commission s'est réunie pour étudier et évaluer les effets secondaires concernant les troubles de coagulation et les évènements thromboemboliques chez les bénéficiaires du vaccin AstraZeneca, utilisé pour développer l'immunité contre le virus Covid-19.
A ce sujet, la directrice du Centre antipoison et de pharmacovigilance du Maroc (CAPM), Rachida Soulaymani Bencheikh apporte des éclaircissements dans un entretien accordé à la chaîne d'information en continu de la MAP (M24).
- Le vaccin d'AstraZeneca suscite, récemment, beaucoup d'inquiétude suite à la déclaration d'effets secondaires dans de nombreux pays, notamment des problèmes thromboemboliques. Dispose-t-on de preuves scientifiques établissant la responsabilité de ce vaccin dans la survenue de ces effets indésirables ?
Tout d'abord il faut noter que les accidents thromboemboliques sont très fréquents et très connus chez les neurologues, les cardiologues et les internistes. Les spécialistes estiment que la survenue de ce genre de problèmes dans une population normale est de l’ordre de 1,5/1.000 personnes.
Il s’agit, en langage simple, de la formation de caillots de sang dans les vaisseaux sanguins et plusieurs facteurs peuvent être à l'origine de cette pathologie, dont la sédentarité, les maladies cardiaques et cardiovasculaires, le diabète et l’hypertension artérielle.
Pour le moment, il n’y a aucune donnée valable qui nous permet d’avancer que le vaccin Astrazeneca est responsable de ce genre de manifestations.
Ça peut relever de la pure coïncidence, car parmi les millions d'individus vaccinés, il y a automatiquement des personnes qui étaient disposées à développer ces problèmes même en cas de non vaccination.
En pharmacovigilance, il y a une base internationale des données sur les effets indésirables qui fait ressortir que ces problèmes thromboemboliques sont aussi déclarés avec d’autres médicaments, avec d’autres vaccins et surtout avec d’autres vaccins utilisés contre la Covid-19. Il y a plus de cas déclarés avec des vaccins comme Pfizer et Moderna qu’avec Astrazeneca.
Mais à présent, l’Europe, qui n'a pas retiré définitivement le vaccin, est aussi en train de rassurer sa population en affirmant qu’il n'y a pas de preuves que le vaccin AstraZeneca ait pu générer ces manifestations.
- Le Maroc a reçu, jusqu'à présent, 6 millions de doses du vaccin d'AstraZeneca. A-t-on recensé dans le Royaume des accidents thromboemboliques chez les personnes vaccinées ?
Au Maroc, nous avons eu quatre déclarations d’accidents thromboemboliques qui se sont manifestés environ une semaine à 10 jours après la prise du vaccin. Ces accidents sont survenus chez des patients âgés, qui présentent d'autres facteurs de risque comme le diabète, l'hypertension ou la sédentarité.
En sachant que plus de 4 millions de personnes ont été vaccinées au Maroc, ça fait moins de 1 cas par 1 million d’habitants, contre une incidence générale habituelle de 1,5/1.000 personnes.
L'avis du CAPM a été conforté par les experts, qui expliquent que ces patients ont exactement le même profil de ceux qu’ils reçoivent régulièrement en dehors de la campagne de vaccination. Dans ce sens, une réunion a été tenue mercredi, avec 16 experts, dont des neurologues, des cardiologues et des internistes, opérant dans différents centres hospitaliers et qui ont l’habitude de voir ce genre de cas. Ces experts ont tous conclu que les quatre patients ayant développé des accidents thromboemboliques ont exactement le même profil que les patients qu’ils ont l'habitude de voir.
- Avez-vous relevé d'autres effets indésirables que les accidents thromboemboliques ?
Depuis le lancement de la campagne de vaccination, nous avons eu environ 1,3 déclarations pour chaque 1.000 sujets vaccinés. Cela nous donne de la visibilité sur ce qui se passe sur le terrain.
Grâce aux déclarations et aux opérations de collecte, des effets attendus et des effets inattendus ont été relevés. Parmi les effets attendus, il y a lieu de citer les manifestations qui on été découvertes lors des essais cliniques ou celles provoquées habituellement par l'injection de tout type de vaccin (fatigue, courbature, fièvre, rougeur, un peu de douleur…).
Parmi les réactions attendues mais qui sont relativement plus sévères, figurent des cas d'allergie graves au nombre de 1 à 2 cas par 1 million de sujets vaccinés. Mais ils restent des cas très rares parce qu’on sait au préalable si une personne peut développer des allergies graves.
Dans cette optique, le ministère de la Santé a déjà formé tout le personnel des centres de vaccination pour faire un interrogatoire avec les patients et faire en sorte d'éliminer toutes les personnes prédisposées à développer ce genre de réactions. D'autre part, la personne qui se fait vacciner doit rester, au moins, 20 minutes dans le centre de vaccination.
- Quel rôle pour le Centre antipoison et de pharmacovigilance du Maroc dans le suivi de la campagne de vaccination ?
Spécialisé, entre autres, dans la collecte des effets indésirables des médicaments, le CAPM a toujours été un partenaire clé, depuis l'introduction du protocole thérapeutique contre la Covid-19, jusqu'au lancement de la campagne de vaccination.
Durant la campagne de vaccination, le ministère a renforcé notre système de pharmacovigilance, en renforçant la réglementation et les correspondants régionaux et en déterminant les listes d’experts au niveau de chaque région.
Un système de pharmacovigilance fonctionne avec un centre national, mais aussi avec des centres régionaux, qui collectent les informations et les déclarations sur les effets indésirables faites par les patients ou par les médecins.
Quand des personnes déclarent des effets indésirables, c'est qu'elles pensent qu'ils sont liés à la prise de médicaments. Quand l'information arrive chez le Centre, les données sont rigoureusement analysées pour vérifier s’il y a, effectivement, une relation entre la prise du médicament ou du vaccin et l’apparition de l'événement indésirable cité. Pour ce faire, nous avons des méthodes très poussées et assez spécialisées.
Quand nous collectons les données, nous les déclarons à notre tour à une base de données internationale qui est celle de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), ce qui nous donne un droit de regard sur tout ce qui passe dans le monde et nous permet de comparer nos données à l’international.
Etabli depuis 32 ans et regroupant énormément d’experts, notre système de pharmacovigilance est l’un des systèmes les plus performants actuellement.
A titre d'exemple, aux côtés des centres suédois et indien, nous sommes reconnus au niveau international comme l’un des trois centres mondiaux qui sont nommés par l’OMS comme centre collaborateur de cette institution, dans le cadre des efforts visant le développement de la pharmacovigilance dans le monde.
- Le ministère a lancé une application dédiée au suivi des effets indésirables "Yakadaliqah". Quel est l'apport de cette application en termes de déclarations des événement indésirables ?
A l'heure actuelle, 60% des déclarations des événements indésirables proviennent de l'application "Yakadaliqah". Je remercie le ministère d'avoir mis en place cette solution informatique pour le suivi médical et pour la déclaration des effets indésirables. Je salue aussi l'adhésion remarquable de la population à cette opération.
Aujourd’hui, nous avons un nombre important de déclarations d'effets indésirables, grâce à l’application mais aussi aux appels téléphoniques. Il y a deux numéros de téléphones dédiés à cette fin, l'un est destiné à la population vaccinée, tandis que l'autre est dédié aux professionnels de la Santé.
Nous effectuons, en parallèle, un travail de collecte à travers tout le territoire national. Les correspondants régionaux de pharmacovigilance qui sont mobilisés pour collecter les effets indésirables jouent un rôle très important dans ce cadre.