Tenue par visioconférence depuis Paris et Rabat sous le double thème "Les rivalités de puissance en Afrique" et "L'Afrique face au terrorisme", cette édition a permis de mettre en relief les effets de la pandémie sur le ralentissement "à court terme" des rivalités entre des puissances comme l’Inde, la Chine, la Turquie ou encore les Etats-Unis.
S'exprimant lors d’un panel organisée sous le thème "Entre puissances émergentes et puissances traditionnelles : Quel rapport de force entre les acteurs internationaux en Afrique ?", M. Mohammed Loulichki, Senior Fellow au PCNS, a présenté une analyse sur la soft power indien en Afrique.
Selon lui, "l’approche du sous continent indien se situe dans le cadre d’une réponse aux besoins de l’Afrique".
"L'attractivité du soft power indien en Afrique est dûe au statut de l’Inde en tant que puissance nucléaire, spatiale et technologique. Le pays a réussi une véritable révolution agraire ayant permis de satisfaire les besoins du pays", a relevé M. Loulichki dans une intervention consacrée au "soft power indien à la conquête de l’Afrique".
Et de préciser que cette attractivité est basée sur plusieurs fondamentaux, dont la non-violence, l’histoire de lutte commune contre la colonisation, l’attachement au multilatéralisme et la solidarité entre les pays du sud.
De l’avis de l’ancien diplomate, "quand bien même le soft power indien est attractif, la gestion de la crise pandémique liée au coronavirus a révélé les faiblesses" des mécanismes déployés par l’Inde.
L’image du sous continent indien a été écornée par la pandémie et "c'est sous le couvert du nationalisme vaccinal que l’Afrique peut-être une victime de cette régression", a-t-il dit.
Pour sa part, Jacques Gravereau, Président d'Honneur de HEC Eurasia Institute, a dévoilé la nouvelle physionomie de la stratégie chinoise en Afrique, en s’interrogeant sur la vision africaine devant le déploiement de Pékin.
"La vision africaine est assez positive, en ce sens que le soft power chinois est réussi, particulièrement en Afrique de l'Ouest selon l'Afrobarometer", a-t-il jugé, ajoutant que "le centre de gravité de la Chine est passé de l'Afrique de l’Ouest vers l’Afrique de l’Est".
"Nous avons vu toutes les routes de la soie déferler avec l'accélération du financement par les entités d'Etat chinoises", a fait remarquer l’expert, faisant toutefois état d’une baisse des financements depuis 2013 en faveur de l’Afrique.
De son côté, Larabi Jaidi, Senior Fellow au PCNS, s'est arrêté sur l'influence de la Turquie en Afrique, passant au crible les constantes de la politique étrangère d’Ankara, qui allie à la fois “soft power” et “hard power".
De son avis, trois grands jalons expliquent pourquoi l'Afrique occupe une place importante dans la politique étrangère turque, en commençant par la stratégie "Opening up to Africa" début 2000 face aux tergiversations de l'Europe à accorder l'adhésion à la Turquie.
Revenant sur "l'équipe et la vision africanistes du Président américain Joe Biden", le chercheur Jérémy Ghez, du HEC Center for Geopolitics, a relevé que "la pandémie a été le moment où l'Amérique s'est rendue compte à nouveau de sa très grande vulnérabilité face à l'interconnexion du monde".
"L’Afrique a été le parent pauvre de la politique américaine étrangère de "douce inconscience" (Benign neglect). Toutefois, il y a eu une embellie sous les présidents Clinton, Bush fils et Obama", a-t-il fait observer.
Selon lui, bien que "peu de révolutions sont à attendre de Washington”, le discours américain envers l’Afrique est basé désormais sur "une vision plus cohérente et plus consciente des interconnexions".
Modéré par Pascal Chaigneau, Directeur du Centre HEC de Géopolitique, ce panel est le second d'une série de deux thèmes des "Dialogues stratégiques". D'autres débats sont au programme de la journée avec la participation de plusieurs experts et de chercheurs du Nord et du Sud.
Depuis 2016, le PCNS et HEC Center for Geopolitics organisent chaque année deux éditions des "Dialogues Stratégiques". Cette plateforme d'analyse et d’échange réunit des experts, des chercheurs provenant de différents think-tanks et du monde académique, des praticiens, ainsi que des décideurs politiques pour débattre des grandes questions géopolitiques et sécuritaires à l’échelle internationale, ainsi que des problématiques d’importance commune à la fois pour l’Europe et l’Afrique.
Lancé en 2014 à Rabat avec plus de 40 chercheurs associés du Sud comme du Nord, le PCNS offre une perspective du Sud sur les enjeux des pays en développement.