"Il est temps que l'Espagne se rende à l’évidence que le Maroc, fort de ses acquis politiques, économiques et diplomatiques, mais aussi de son emplacement stratégique, ne peut accepter que son premier partenaire économique adopte des positions qui portent une grave atteinte à ses intérêts stratégiques, plus particulièrement son intégrité territoriale", a expliqué M. Bennis dans une entretien à la MAP à Washington, dans lequel il revient sur la décision de Madrid d’accueillir, sous une fausse identité algérienne, le dénommé Brahim Ghali poursuivi pour terrorisme et torture par la justice espagnole.
"Quand il s’agit de la gestion d’une question sensible qui concerne de tout prêt un allié stratégique, c’est là que la clairvoyance et la sagesse devraient prévaloir sur toute autre considération", a estimé l'expert des questions internationales, basé aux Etats-Unis.
Et d'ajouter que "ce qui est inconcevable, du point de vue marocain, c'est qu'un pays allié et partenaire prenne une décision d’une telle gravité en secret et en connivence avec l’Algérie, et sans même prendre la peine d'en informer les autorités marocaines".
Pour M. Bennis, au-delà de la récente vague massive de migrants dans le préside occupé de Sebta, les relations entre l'Espagne et le Maroc "traversent leur pire moment" depuis 2002.
"Le Maroc entend envoyer un message à l'Espagne qu'il envisage bien d'opérer un recalibrage de ses relations à la lumière des positions hostiles que l'Espagne a prises à l'égard de la question du Sahara", a-t-il fait observer.
L’analyste politique s'est, par ailleurs, dit étonné de la réaction de la presse espagnole à cette crise diplomatique, signe, selon lui, "d'une certaine résistance de l’élite espagnole à saisir le message marocain et à mesurer la portée et la gravité de la décision prise par le gouvernement espagnol" en accueillant le chef des séparatistes du polisario.
"Force est de constater aussi la virulence avec laquelle la presse espagnole s’en est prise au Maroc, le recours à un langage offensant, blessant qui nous rappelle le même langage utilisé par la presse espagnole à la fin du 19ème siècle et au début du 20eme siècle", a-t-il fait remarquer.
"Au lieu de remettre en cause le bien fondé et la sagesse de la décision de recevoir Ghali en secret sans en informer le Maroc, la majorité écrasante des organes de presse s'est rangée derrière son gouvernement pour ressasser sa position sans nuance", a constaté le politologue.
M. Bennis, qui a récemment publié une tribune dans le quotidien espagnol La Razon sous le titre "Le gouvernement de Pedro Sanchez persiste à tourner le dos au Maroc", estime qu'il n’est pas dans l’intérêt des deux pays de "se tourner le dos et de sacrifier les réalisations accomplies" ces deux dernières décennies.
Mais pour cela, "le gouvernement espagnol devrait reconnaître une fois pour toutes que son attitude n'est pas digne (...) ni ne correspond à la nature de ses relations et intérêts stratégiques avec le Maroc. Il devrait également abandonner la politique de l'autruche, reconnaître qu'il y a un désaccord très profond et essayer de le résoudre", a-t-il soutenu.