Passée l’introduction hagiographique imbibée à l’eau de rose par les journalistes algériens qui ont réalisé ce publi-interview illustré d'un portrait plein page du "Raiss", les réponses de Tebboune cachaient mal le malaise d’un président impopulaire devant la colère de la rue que rien ne semble arrêter, sauf le rétablissement d’un ordre civil dans le pays avec de vraies institutions démocratiques.
«Le pays était au bord du gouffre. Heureusement qu’il y a eu le sursaut populaire, le Hirak authentique et béni», disait-il ou plutôt ironisait-il avec ses interlocuteurs, leur suggérant l’image d’un pays à la pointe de la démocratie, alors que pas moins de 200 prisonniers politiques de ce même Hirak et des dizaines de journalistes et militants croupissent dans les geôles d'El-Harrach et dans les centres de détention et de torture tenus secrets par l’armée.
Le président Tebboune enchaîne sur son délire symptomatique de sa sénescence avancée en précisant qu’il a été « le candidat du peuple et de la jeunesse», oubliant qu’à son âge (75 ans), on prend de la bouteille et on passe le relais, sachant que cette jeunesse au nom de laquelle il parle réclame aujourd’hui un nouvel ordre politique et une véritable démocratie, loin de ce discours soporifique de gérontocrates finissants et toujours assoiffés de pouvoir.
A propos de cette démocratie justement, Tebboune n'a pas hésité à défendre mordicus les vertus du parti unique, "un parti présidentiel" qu'il envisage de créer "plus tard", car à ses yeux les formations politiques d'aujourd'hui "ne sont pas représentatives" de la volonté populaire de l'Algérie. Autrement dit, « le peuple c'est moi » à la manière de la formule absolutiste de Louis XIV "l'état c'est moi", avec une adaptation algérienne «moi et mes généraux».
Arrive ensuite le volet international de l'interview où le président Algérien s’est rêvé en philanthrope, tressant des balivernes à ses hôtes quand il les a bluffés, par exemple, sur «l’expertise» incommensurable et incomparable de son pays dans la lutte antiterroriste et «qui a fait éviter des tragédies à la France, à la Belgique et à d’autres», avant qu’il ne se rende compte vite de l'ampleur de sa bêtise, en affirmant vouloir rester «discret» sur le sujet, «car il s’agit de sauvegarder des vies humaines en Europe et partout». Il oublie que ce même magazine et bien d’autres ont fait de longs reportages sur les terroristes algériens dont Abdelmalek Droudkel et Mokhtar Belmokhtar qui écumaient le désert subsaharien et le tout dernier Abou Oubeida Youssef al-Annabi, l’actuel émir de l’organisation terroriste Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) dont la tête est mise à prix par les Etats Unis à pas moins de 7 millions de dollars. Il y a aussi Iyad Ag Ghali, chef du groupe dit "Ensar Eddine", à l'origine de l'assaut contre Bamako en 2013 et qui a déclenché l'opération militaire française "Serval", puis l'ancien lieutenant du Mujao Adnan Abou Walid al-Sahraoui, qui n'est autre qu'un ancien mercenaire du Polisario. Bref, la liste est longue et les preuves des accointances avérées des terroristes avec les services secrets algériens ne manquent pas.
Fuyant les questions qui fâchent, notamment celles qui risquent de provoquer l'ire des généraux qui ne le lâchent pas d’une semelle, le président Tebboune prend ensuite la tangente vers le sujet «Maroc», sa zone de confort dans laquelle il déverse ses frustrations et noie son chagrin.
Abordant ce qu’il a appelé «la rupture avec le Maroc», le président algérien s’est livré à un exercice de bombage de torse puéril dans une posture obséquieuse et servile ridicule devant ses généraux, avant de se lancer dans une diatribe va-t-en-guerre en accusant le Royaume de tous les maux, avec que des mots sans la moindre preuve.
Le même spleen perfide et venimeux ruisselait à travers ses insinuations qui sentaient la rancune et le dédain et ses vociférations indignes d’un chef d’État à l’encontre des institutions sacrées du Royaume quand il répondait à une question sur le Sahara marocain.
Que dire après tant de divagations ? Dans un État de droit où les institutions et le peuple sont respectés, une sortie médiatique aussi calamiteuse que celle dont «le bien aimé» président Tebboune a gratifié ses lecteurs vaut un procès public. En attendant, gardons nos frontières fermées, rempart à toutes les dérives venues de l'Est !