L’objectif est important. Le sommet vise ni plus ni moins à permettre au club, formé en 2009, de jouer le rôle de « porte étendard » des pays du sud et, partant, provoquer une « refonte » de la gouvernance politique et financière internationale.
Cependant, les experts s’interrogent quant à la viabilité et la soutenabilité du projet. En effet, cette ambition se heurte, constatent-ils, au caractère disparate du groupe voire aux visées divergentes de ses membres dont certains pâtissent de grands déficits économiques.
La fausse note sud-africaine
Le nom de l’Afrique du Sud est cité en premier lieu. Le pays, qui n’a rejoint le groupement qu’en 2011, a toujours été à la traîne, en termes de performance économique par rapport à la Chine, l’Inde, la Russie ou encore le Brésil, pays qui forment l’ossature du club censé être un bloc de pays émergents.
Les chiffres corroborent les arguments des experts. Durant la première décennie de la création du BRICS, l’économie de la Chine, première puissance économique du club, a cru de 176%. Le taux a été de l’ordre de 110% pour l’Inde, 60% pour la Russie et 47% pour le Brésil.
Durant cette période, la croissance économique de l’Afrique du Sud a continué à dégringoler, résultat de la gestion catastrophique du Congrès National Africain (ANC) aux commandes du pays depuis 1994. Une modeste croissance de 3,17% en 2011 demeure la meilleure performance de l’économie sud-africaine durant la dernière décennie. Ce taux a reculé à 0,66% en 2016 puis à 0,30% en 2019 avant de sombrer au niveau calamiteux de -6,34% en 2020.
En 2023, le PIB de la Chine devrait se situer à 19 trillions de dollars, un chiffre 50 fois supérieur à celui de l’Afrique du Sud.
En plus, l’économie sud-africaine ne représente que le quart de celle du Brésil, quatrième au classement économique du BRICS.
Depuis 2014, l’Afrique du Sud a continué à voir sa note souveraine revue à la baisse par les grandes agences internationales de notation, témoin de l’état de déconfiture dans lequel se trouve l’économie du pays, rongée par de longues années de corruption.
Les chiffres sont la parfaite illustration de « la fausse note » que représente l’Afrique du Sud au sein du groupement. L’inclusion de Pretoria au sein du groupement a été perçue en tant que tel depuis le début par Jim O’Neill, l’ancien économiste britannique de Goldman Sachs devenu célèbre pour avoir inventé l’acronyme BRIC, en référence au Brésil, la Russie, l’Inde et la Chine, bien avant l’inclusion de l’Afrique du Sud « pour des raisons purement politiques ».
Dans une note aux investisseurs, O’Neill avait écrit : « la présence de l'Afrique du Sud au sein du BRICS est un handicap », estimant que la capacité limitée du pays à financer les initiatives du bloc signifie que ce pays représente « un frein » aux initiatives de développement du groupe.
Le rêve d’un leadership évaporé
Par ailleurs, le « tapage médiatique » auquel les dirigeants de l’ANC se donnent à cœur-joie à l’occasion de la rencontre de Johannesburg renseigne sur leur acharnement à défendre un prétendu « leadership » en Afrique.
Lyal White, chercheur au sein de la fondation sud-africaine Brenthurst, affirme que Pretoria est bel et bien dépassé par d’autres puissances économiques en Afrique. Une situation qui montre, d’après le chercheur, le rôle économique « insignifiant » de l’Afrique du Sud dans un bloc au sein duquel elle a été admise « pour des raisons géopolitiques », convient-il.
Folashadé Soulé, chercheure à l’université britannique d’Oxford, souligne, pour sa part, que l’Afrique du sud a perdu beaucoup de son poids économique en Afrique. Le pays ne peut plus prétendre être le porte-parole de l’Afrique, affirme-t-elle, rappelant les nombreuses contre-performances économiques de l’Afrique du sud sur le plan continental.
Une posture dogmatique d’un autre temps
La chercheure cite le recul des investissements en Afrique du Sud avec l’entrée en jeu de nouvelles destinations plus sures et avec une croissance économique plus soutenue.
Elle estime que la présence de l’Afrique du Sud au sein du BRICS « sert les intérêts de politique étrangère du pays plutôt que ceux de l’Afrique ». Beaucoup estiment, à ce propos, que la posture dogmatique et idéologique d’un autre temps de Pretoria au service de causes perdues constitue un frein supplémentaire à la capacité du BRICS à se déployer et à atteindre leurs objectifs économiques. Une attitude qui a valu à l’Afrique du Sud le triste sobriquet de « canard boiteux » de ce groupement.
Même si les dirigeants sud-africains revendiquent que cette présence est une opportunité en vue de promouvoir les intérêts africains, elle permet, en réalité, à Pretoria de s’attirer une attention internationale malgré son poids économique modeste, relève la chercheure, faisant état de « sérieux soupçons » en Afrique à l’égard des visées réelles de l’Afrique du Sud au sein du BRICS.