Ces mutations sont survenues rapidement par rapport à l’Europe et ont affecté la base anthropologique de ces sociétés et impacté la structure de la famille, ses fonctionnalités, la relation entre ses membres et les modes de vie et de socialisation internes, a relevé l’académicien dans une allocution devant SAR le Prince Héritier Moulay El Hassan lors de la session d'installation des nouveaux membres de l'Académie du Royaume du Maroc sous sa nouvelle configuration, présidée mercredi par Son Altesse Royale.
Le défi de "la crise des valeurs" n’est plus un pari limité aux seules sociétés industrialisées développées, mais concerne également les autres sociétés de la rive sud de la Méditerranée qui connaissent des mutations profondes, liées notamment à la transition démographique, à l’exode rapide et intense des habitants de la campagne vers les villes et à la généralisation de l’enseignement, a expliqué M. Janjar dans cette allocution au nom des membres résidents de l’Académie sur le thème choisi pour cette session, à savoir "La famille et la crise des valeurs".
M. Janjar, Directeur-adjoint de la Fondation du Roi Abdul-Aziz pour les Études Islamiques et les Sciences Humaines, a aussi relevé que les dynamiques suscitées par la mondialisation et la révolution des technologies de l’information et de la communication ont conféré à la thématique choisie pour cette session une contemporanéité particulière.
A côté du système de valeurs traditionnelles, appuyées sur le modèle de famille étendue selon une structure patriarcale, ont commencé à émerger de nouveaux systèmes standardisés, parallèlement à l’autonomie de l’individu et à l’apparition de comportements individualistes, la propagation d’une éthique égalitaire au sein de certaines franges sociales, avec une propension à la révision du mode de distribution et d’exercice du pouvoir au sein de la famille et l’accroissement de la demande sur de nouveaux types pédagogiques centrés sur la personnalité de l’enfant et ses exigences, a-t-il fait observer.
A la lumière de ces mutations, les chercheurs notent les prémices d’une fissure dans le consensus hérité du système traditionnel des valeurs, avec les manifestations d’une pluralité de valeurs dans les sociétés de la rive sud de la Méditerranée, à l’instar de ce qui s’est produit dans les sociétés industrielles modernes depuis les années 60 du siècle dernier, a-t-il soutenu.
M. Janjar a adressé, à cette occasion, ses sincères marques de gratitude et d’estime à Sa Majesté le Roi Mohammed VI pour la Haute sollicitude dont le Souverain entoure l’Académie du Royaume du Maroc et le souci de Sa Majesté le Roi de promouvoir cette prestigieuse institution pour qu’elle s’acquitte de sa mission et réalise les objectifs cognitifs et civilisationnels pour lesquels elle a été créée.
De son côté, Souleymane Bachir Diane (Sénégal), membre de l'Académie du Royaume du Maroc, a indiqué que "le sujet ne pouvait être mieux choisi que celui de +la famille et la crise des valeurs+ pour les réflexions que nous allons mener, tant il se trouve au cœur des nombreuses questions que posent les temps que nous vivons dans tous les pays, sous toutes les latitudes".
S'inspirant de la pensée du philosophe Platon, il a expliqué que la crise des valeurs est une crise de la transmission, qui peut se produire à toute époque et dans toute société dès lors que l'enchainement des générations ne se fait plus, quand les forces de dissociation empêchent le mouvement de socialisation continue dans le temps.
"Une autre signification à lire aujourd'hui dans les mots de Platon est la manière dont les lieux par excellence de ce mouvement de socialisation continue que sont la famille et l'école se renvoient la responsabilité des ruptures (...). On se concentrera ici sur la famille pour la responsabilité et le rôle éminents qui lui reviennent et dont elle ne saurait se défausser sur les maîtres", a-t-il ajouté.
Il a noté que "plutôt que de simplement l'accuser de démissionner et donc d'être facteur de la crise des valeurs, on examinera avant tout la manière dont elle-même subit l'impact destructeur de la crise qu'on peut appeler la mère de toutes les crises: celle économique et sociale qu'une mondialisation néolibérale a partout répandu, entretenant les inégalités au sein des nations et entre elles".
A ce propos, M. Diane a souligné que "l'intitulé, tel qu'il nous a été proposé, implique tout autant que la crise de la famille se traduit en une crise des valeurs que l'inverse: la crise des valeurs a un impact destructeur sur la famille", estimant que "la question des valeurs et de leur transmission nous commande de revenir à une simple question : que signifie pour un individu être attendu puis accueilli dans une famille ?"
"C'est entamer grâce à elle le processus de devenir une personne, d'être éduqué à devenir l'humain accompli que l'on a à être", a-t-il expliqué, affirmant que "la première valeur qui est ainsi instillée par la famille c'est le sens de son humanité. La valeur cardinale, celle sur laquelle se fondent toutes les autres, l'humanité."
Et de conclure que "les valeurs sur lesquelles une famille est fondée, nous enseigne ainsi le Coran, sont l'affection et la miséricorde, l'apaisement".
Cette session a été marquée par le message adressé par Sa Majesté le Roi Mohammed VI aux membres de l’Académie du Royaume du Maroc, dont lecture a été donnée par le secrétaire perpétuel de l'Académie, Abdeljalil Lahjomri.
Dans ce message, le Souverain a affirmé que l’Académie du Royaume du Maroc est devenue aujourd’hui un haut lieu de la promotion de la pensée, de la recherche scientifique et un espace privilégié d’échanges culturels entre continents.
Afin que l’Académie puisse s’acquitter au mieux de ses missions, a précisé le Souverain, "Nous avons œuvré depuis 2015 à rendre ses structures opérationnelles, à renouveler son architecture organisationnelle".
Cette action a été menée en plein accord avec les finalités et les dispositions de la Constitution du Royaume, qui visent à préserver l'identité nationale en tenant compte de ses composantes arabo-islamique, amazighe, saharo-hassanienne et de ses affluents africain, andalou, hébreux et méditerranéen, a affirmé Sa Majesté le Roi.