Les participants à cette rencontre, organisée par l'Union internationale des avocats (UIA), en partenariat avec le Barreau de Tanger et l'Association des Barreaux du Maroc, sous le thème "La lutte contre le blanchiment de capitaux: Enjeux et défis", ont souligné que le Maroc dispose d'un arsenal juridique solide qui a contribué à la consolidation du dispositif de lutte contre les crimes de blanchiment de capitaux.
S'exprimant à cette occasion, le président délégué du Conseil supérieur du pouvoir judiciaire (CSPJ), Mohamed Abdennabaoui, a souligné que le blanchiment de capitaux constitue une menace pour le cycle économique et la libre concurrence et impacte l'inflation, notamment avec les transformations économiques et technologiques rapides liées au crime organisé, mettant l'accent sur le rôle de l'avocat, conformément aux dispositions de la loi 43.05 relative à la lutte contre le blanchiment de capitaux, puisqu'il se trouve dans un carrefour entre ses obligations déontologiques et professionnelles, son devoir de vigilance et sa position de maillon essentiel du procès équitable.
En outre, le responsable judiciaire a relevé qu'environ 114 décisions judiciaires sur des crimes de blanchiment de capitaux ont été rendues au premier trimestre 2024, saluant "l'évolution positive en matière de réduction du délai moyen relatif à l'émission des jugements, puisque 75% des jugements ont été rendus dans les délais indicatifs fixés par le Conseil (180 jours devant les tribunaux de première instance et 120 jours en cas d’appel), tout en respectant les règles du procès équitable, et ce malgré les défis liés à la complexité de ce type de criminalité et à la vaste compétence territoriale des tribunaux chargés des crimes financiers.
Il a affirmé que les efforts conjoints et la coopération entre les organes judiciaires et de défense constituent le moyen le plus efficace pour surmonter les défis sans précédent liés aux technologies émergentes (crypto-monnaies, méthodes de transfert d'argent), notant l'importance de s'armer des moyens de recherche fournis par les technologies innovantes pour détecter les crimes de blanchiment de capitaux.
Pour sa part, le président du ministère public, El Hassan Daki, a rappelé que le Maroc a pris une série de mesures pratiques pour renforcer l'écosystème financier national, en répondant aux normes du Groupe d'action financière (GAFI), et en assurant l'adéquation de la législation juridique et l'élargissement des compétences des tribunaux financiers, soulignant que ces efforts ont assuré la sortie du Maroc de la liste grise du GAFI et renforcé la confiance dans le système économique marocain, tout en faisant du Royaume une destination sûre pour les investissements.
Après avoir souligné que les textes législatifs et les mécanismes institutionnels ne suffisent pas à eux seuls à réduire les risques liés au blanchiment de capitaux, M. Daki a souligné la nécessité de développer les compétences des différents intervenants, d'améliorer leurs méthodes de travail et d'accroître la coordination et la coopération entre les organes judiciaires, sécuritaires, économiques et bancaires concernés, notant que la Présidence du ministère public a mis en place des guides pratiques sur les techniques de recherche et d'enquête sur les différentes formes de crimes de blanchiment de capitaux, en partenariat avec les organismes chargés de l'application de la loi.
M. Daki a, à cet égard, noté que les efforts déployés pour lutter contre ce type de criminalité ont provoqué une augmentation constante du nombre d'affaires enregistrées depuis l'entrée en vigueur de la loi relative à la lutte contre le blanchiment de capitaux, précisant qu'un total de 336 affaires ont été enregistrées durant la période 2008-2018, contre plus de 2.927 affaires entre 2018 et 2023, tandis que les jugements rendus ont augmenté de 27 à 311.
Il a également mis l'accent sur les nouveaux défis liés au développement technologique (e-commerce, actifs virtuels, dark web...) qui nécessitent de poursuivre les efforts individuels et collectifs, moderniser l’arsenal juridique, développer les compétences et de renforcer la coordination nationale et internationale.
De son côté, le président de l'Autorité nationale du renseignement financier, Jawhar Nfissi, a affirmé que la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme a pris, au cours des dernières années, une dimension stratégique dans les relations internationales, tant bilatérales que multilatérales, puisqu'elle est devenue au centre des préoccupations de nombreux organismes internationaux, notamment le Conseil de sécurité, le GAFI et les groupes régionaux affiliés, soulignant l'importance de l'adhésion des différentes professions judiciaires et du secteur privé aux efforts visant à garantir l'immunité du système économique et financier contre ce type de criminalité.
M. Nfissi a noté que le dispositif national de lutte contre le blanchiment de capitaux a connu, au cours des cinq dernières années, notamment depuis la publication du premier rapport d'évaluation sur le Maroc réalisé par le GAFI en 2018, "un bond qualitatif pour répondre aux normes internationales en la matière, selon le témoignage des experts du groupe", relevant que "le Maroc poursuit ses efforts pour relever son engagement à 34 sur les 40 recommandations stipulées".
Il a assuré que "les réformes juridiques, institutionnelles et réglementaires ont permis au Maroc de sortir des listes grises du GAFI et de l'Union européenne, ce qui constitue un hommage rendu au Maroc par la communauté internationale pour ses efforts et l'efficacité de son dispositif national de lutte contre le blanchiment de capitaux et le terrorisme, et le couronnement des efforts de tous les acteurs des secteurs public et privé".
Quant au directeur financier de l'Union internationale des avocats (UIA), Silvestre Tandeau De Marsac, il a souligné que le blanchiment de capitaux est un sujet de préoccupation, puisqu'il affecte la stabilité économique et la sécurité mondiale, compte tenu de la situation actuelle des flux financiers et de l'expansion de la portée des technologies et des actifs virtuels, soulignant que, selon les dernières estimations, les activités de blanchiment de capitaux représentent environ 3% du produit intérieur brut mondial.
Pour le président de l'Association des barreaux du Maroc, Houssein Zayani, ce séminaire constitue une contribution des avocats à l'édification d'un système judiciaire équitable et au renforcement de la coopération existante entre les composantes du système judiciaire, outre leur rôle dans le renforcement de la confiance et la réalisation de la sécurité judiciaire, soulignant que "le blanchiment de capitaux est l'un des crimes financiers les plus dangereux qui se sont développés à l'ère de l'économie numérique, en plus de son lien avec le crime organisé".
De son côté, le bâtonnier du barreau de Tanger, Anouar Belloki, a souligné que la lutte contre le blanchiment de capitaux est aujourd'hui d'une importance capitale pour la stabilité économique et la sécurité mondiale, à une époque où les flux financiers transcendent les frontières à une échelle sans précédent et les technologies émergentes facilitent les transactions, notant que l'avocat, étant au coeur de ces transformations sociales, économiques et technologiques, se trouve dans un carrefour à multiples risques professionnelles et son devoir de vigilance quant à l'identification et l'évaluation des risques associés à ses clients et le suivi de leurs transactions.
Cet événement de deux jours abordera quatre thématiques, à savoir "Blanchiment de capitaux: défis sociaux, économiques, politiques et juridiques", "évolutions réglementaires et nouvelles tendances", "Technologies émergentes, défis uniques et opportunités attrayantes" et "L'avocat et la lutte contre le blanchiment de capitaux".