L’euphorie des deux camps ayant écarté l’extrême droite à peine exprimée, la France a vite plongé dans l’incertitude après la proclamation définitive des résultats. Aucun des blocs constitués n’a pu obtenir la majorité absolue.
L’alliance de la gauche, rassemblée sous le Nouveau Front populaire, obtient 182 sièges à l’Assemblée nationale, suivie du camp présidentiel, sous la bannière d’Ensemble, avec 168 sièges, puis du RN et ses alliés avec 143 sièges, ce qui donne lieu à une chambre basse qui risque d’être ingouvernable, à moins que des leaders politiques entrent dans une logique de compromis en vue d’une coalition capable de soutenir un nouveau gouvernement.
Pour le géopolitologue Emmanuel Dupuy, président de l’Institut Prospective et Sécurité́ en Europe (IPSE) et enseignant de géopolitique à l’Université catholique de Lille, "le risque d’une ingouvernablité de la France est apparu dès la dissolution de l’Assemblée nationale, mais s’est renforcé aujourd’hui avec des alliances politiques qui n’ont pas réussi à dégager une majorité claire et qui ne pourront pas envoyer un Premier ministre à Matignon".
Analysant au micro de la MAP les résultats de ce 2ème tour des législatives françaises, M. Dupuy a relativisé “la victoire” ou “l’échec” de chacun des blocs politiques qui se sont confrontés lors de ce scrutin.
“Nous sommes aujourd’hui face à une configuration hétéroclite de l’Assemblée nationale, dans la mesure où l’Alliance de gauche aurait trois, voire quatre groupes parlementaires, le bloc dit central qui s’est constitué autour du camp présidentiel a réussi à tirer son épingle du jeu et arrive 2ème, puis le Rassemblement national, qui, bien qu’il soit arrivé troisième, a fait une percée considérable, puisqu'il a réussi à doubler le nombre de ses députés à la chambre. Relativisons donc la victoire ou l’échec des uns et des autres”, a commenté l’expert français.
Interrogé sur les scénarios possibles pour avoir un Premier ministre et une majorité à l’Assemblée nationale, M. Dupuy a estimé qu'”il n’y a aucune gouvernabilité possible pour l’instant, d’autant plus qu’aucun des blocs n’a donné de signe positif sur de possibles coalitions”, notant toutefois que l’alliance centriste pourrait composer avec d'autres forces politiques, un peu à droite, un peu à gauche pour former une grande coalition.
“Nous serons dans ce cas face à une alliance tricolore un peu à l’allemande entre le bloc central avec ses 168 sièges, le Parti socialiste ou les Républicains qui reste l’option la plus envisageable”, a-t-il souligné.
Le président de l’IPSE a cependant écarté le scénario d’un gouvernement technique, défendu par certains analystes, car il serait “illégitime et ne refléterait pas la volonté des Français qui se sont exprimés à travers les urnes pour trois blocs différents”.
Et d’ajouter qu’un gouvernement technique n’aurait qu’une seule mission “c’est d’expédier les affaires courantes et attendre la prochaine dissolution. Or, nous l’avons constaté, la dissolution n’a servi strictement à rien. Elle a plutôt compliqué la donne”.
Comme le veut la tradition républicaine, le Premier ministre Gabriel Attal a présenté ce lundi la démission de son gouvernement au Président de la République, qui dans le contexte actuel des Jeux Olympiques, lui a demandé de rester aux commandes.
L’entourage du président, cité par les médias, affirme que ce dernier prône la pondération et ne souhaite prendre aucune décision avant de voir la configuration finale de l’Assemblée nationale.
Mais du côté du Nouveau Front populaire, les esprits s’échauffent. Ses leaders, impatients, montent au créneau et demandent au Président de la République de nommer rapidement un nouveau locataire à Matignon de leur camp.
En attendant, la vie parlementaire reprendra à l'Assemblée nationale le 18 juillet, avec notamment l'élection de son nouveau président. Il sera également procédé à la répartition des postes entre les différents groupes représentés et enfin à l’élaboration du calendrier parlementaire, dont la très attendue discussion du prochain budget.