1-Quels sont les principaux objectifs de la loi 13-21 relative aux usages licites du cannabis ?
La loi 13-21 relative aux usages licites du cannabis a pour principal objectif de réglementer la culture et l’usage du cannabis à des fins médicinales et industrielles conformément aux engagements internationaux du Royaume.
Elle établit un cadre légal pour les neuf activités autorisées par ladite loi et qui sont la culture et la production du cannabis, la création et l’exploitation de pépinières, l’importation et l’exportation de ses semences et plants ainsi que la transformation et la fabrication du cannabis et de ses produits, la commercialisation et l’exportation du cannabis et de ses produits, l’importation des produits de cannabis et le transport du cannabis et de ses produits.
A ce titre, ladite loi instaure un système rigoureux de contrôle de ces activités ainsi que de traçabilité des flux de cannabis le long des maillons de la filière.
Ce cadre légal vise à stimuler l’économie locale, surtout dans les zones rurales touchées par la culture illégale, en créant des emplois et des opportunités économiques à travers une filière légale et structurée. Il permet également aux agriculteurs de cannabis licite d’exercer leurs activités en leur accordant des droits et des protections légales.
La loi 13-21 a aussi pour objectif de développer la filière légale du cannabis, favorisant l’usage licite du cannabis à des fins médicinales et industrielles, en établissant des dispositions réglementaires et normatives claires et précises pour les cultivateurs et pour les opérateurs de la filière du cannabis licite. Elle permet au Royaume de saisir les opportunités offertes par le marché du cannabis en attirant des opérateurs d’envergure internationale, tout en instaurant un système rigoureux de traçabilité et de contrôle à l’effet de prévenir tout détournement du cannabis et de ses dérivés vers le marché illicite.
2-Quelles sont les retombées socio-économiques attendues ?
La légalisation et la régulation de la filière du cannabis licite permet de générer des emplois dans divers secteurs, notamment l’agriculture, la transformation, la distribution et le transport, particulièrement dans les 3 provinces (Al Hoceima, Chefchaouen et Taounate) où la culture est autorisée par les dispositions réglementaires de la loi 13-21. Ces provinces peuvent ainsi bénéficier d’un développement économique accru grâce à la culture légale du cannabis qui permet d’attirer des investisseurs nationaux et étrangers, de diminuer aussi les activités illégales liées au cannabis et de réduire la violence et l’insécurité dans ces régions.
D’un autre côté, le Maroc pourrait percevoir des recettes fiscales provenant des activités liées au cannabis licite, que ce soit par l’imposition des entreprises ou par les autorisations délivrées pour les opérateurs de la filière.
Le Royaume peut également ouvrir des perspectives d’exportation vers d’autres pays, notamment pour les produits dérivés du cannabis médicinal et industriel. Les premières exportations des produits du cannabis marocain ont déjà commencé vers des pays qui ont légalisé la filière de cannabis, notamment vers la Suisse et la République Tchèque.
3-Quels sont les usages du cannabis prévus par la loi 13-21 ?
La loi n°13-21 relative aux usages licites du cannabis vise principalement les usages suivants :
Usage médical : utilisation du cannabis licite à des fins thérapeutiques pour traiter certaines pathologies. L’usage du cannabis à des fins médicales a été établi dans de nombreuses études scientifiques. Le THC et le CBD, composés actifs du cannabis, ont démontré leurs effets thérapeutiques potentiels pour traiter certaines affections médicales spécifiques, notamment la douleur chronique, les nausées et les vomissements associés à la chimiothérapie, les spasmes musculaires liés à la sclérose en plaques, l’épilepsie, l’anxiété, le syndrome de stress post-traumatique et les troubles du sommeil.
Usage industriel : utilisation du cannabis et de ses extraits pour la fabrication des produits cosmétiques et d’hygiène corporelle, la fabrication des produits alimentaires et des compléments alimentaires. L’usage du cannabis dans ces produits est connu pour sa contribution au bien-être humain. Ils permettent d’apaiser l’anxiété et ses manifestations physiques, de soulager les douleurs, de favoriser la détente et le relâchement musculaire, d’aider à maintenir la barrière cutanée de la peau, réguler la production du sébum et prévenir l’obstruction des pores, de protéger les cellules du corps contre les dommages des radicaux libres de l’environnement externe (soleil, pollution, tabagisme) pour prévenir la sécheresse de la peau et des cheveux et d’aider à réduire l’inflammation dans le corps telles qu’une infection, une blessure ou une irritation.
Le cannabis est utilisé également pour la production de fibres pour les secteurs de la construction, du textile, du papier, du plastique et bien d’autres.
4-Pourquoi cette loi ?
L’adoption de cette au Maroc à ce moment précis a été motivée par plusieurs raisons, notamment l’évolution à l’échelle internationale et nationale de la perception concernant le cannabis. Cette tendance est confortée par l’accord de l’ONU, des recommandations formulées par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) concernant le reclassement de cette plante d’une manière cohérente avec les développements scientifiques récents qui ont montré que le cannabis présente des propriétés médicinales et thérapeutiques, en plus des différentes utilisations associées aux domaines du cosmétique, de l’industrie et de l’agriculture. De ce fait, de nombreux pays ont légalisé ou dépénalisé l’usage du cannabis, que ce soit pour des fins médicinales ou récréatives, ce qui a influencé également l’opinion publique au Maroc.
Il y a lieu d’ajouter à cela que le Maroc a une longue tradition de culture de cannabis, principalement dans les régions du Rif. La régulation légale pourrait transformer un marché informel en une économie formelle, générant des revenus fiscaux et des emplois, tout en réduisant les activités illégales liées à cette plante.
5-Quelles sont les variétés qui seront autorisées au Maroc, pays qui a adhéré à la convention de Vienne de 1971 sur les substances psychotropes (y compris le THC contenu dans le cannabis) et a mis en place un dispositif rigoureux de contrôle de ces substances ?
Les variétés de cannabis autorisées à être cultivées sont soit des variétés importées, soit des variétés locales qui sont certifiées par l’ANRAC. Les variétés de cannabis dont la teneur en substance psychoactive de tétrahydrocannabinol (THC) dépasse le taux de 1% ne sont autorisées que pour des fins médicales et pharmaceutiques. La production de cannabis pour des fins industrielles n’est autorisée que pour le cas des teneurs de THC<1% dans les semences de cannabis et dans le cannabis et ses produits.
A signaler que cette teneur en THC ne doit pas dépasser 0,3% lorsque l’usage est destiné pour la fabrication des produits compléments alimentaires et ce, conformément aux dispositions de la circulaire conjointe des ministres de la Santé et de la Protection Sociale et de l’Agriculture, de la Pêche maritime, du Développement rural et des Eaux et Forêts, n°834 du 14 novembre 2023, relative aux denrées alimentaires et boissons destinées à une alimentation particulière, et pas moins de 0% lorsque l’usage est destiné pour la fabrication des produits cosmétiques et d’hygiène corporelle et ce, conformément aux dispositions de la circulaire n°771 D/DMP/18 du 25 octobre 2023 du ministre de la Santé et de la Protection Sociale relative à la procédure d’enregistrement des produits cosmétiques et d’hygiène corporelle.
6-Pourquoi la culture n’est pas ouverte aux industriels, mais orientée vers les paysans exploitants traditionnels ?
Cette approche d’orienter la culture du cannabis vers les paysans exploitants traditionnels plutôt que d’ouvrir cette activité aux industriels vise à soutenir les agriculteurs traditionnels qui ont déjà une expérience dans la culture de cannabis et permet de préserver les moyens de subsistance des communautés rurales et de leur offrir une alternative légale et lucrative à la culture illégale. A ce titre, il y a lieu de préciser que la mise en œuvre de la loi 13-21 ne s’opère pas dans un objectif d’extension des superficies de culture de cannabis mais plutôt dans une logique de conversion progressive vers le cannabis licite.
Le gouvernement cherche également à réduire la pauvreté dans les régions visées, souvent touchées par le manque d’opportunités économiques, ce qui permettrait de contribuer à améliorer les conditions de vie des agriculteurs et de leurs familles. D’un autre côté, le gouvernement peut mieux contrôler et réguler la production, minimisant ainsi les risques de dérives et de cultures illégales. Cela permet également de garantir que les produits cultivés répondent aux normes de qualité et de sécurité.
7-Pourquoi délimiter le périmètre relatif à la culture du cannabis licite et organiser les paysans autorisés en coopératives ?
La loi 13-21 a fixé le périmètre de la culture du cannabis licite à 3 provinces du Royaume qui sont les provinces d’Al Hoceima, de Chefchaouen et de Taounate. Elle vise par cette délimitation à se conformer à la législation internationale ratifiée par le Royaume. En effet, la Convention Unique sur les Stupéfiants de 1961 (ratifiée par le Décret Royal n°236-66 du 22 Octobre 1966) stipule la nécessité de délimiter les régions et de désigner les parcelles de terrain où la culture du cannabis est autorisée. De plus, elle exige que cette culture se fasse dans la limite des quantités nécessaires pour répondre aux besoins des activités licites.
A noter que la loi soumet la culture et la production de cannabis industriel (à teneur en THC inférieur ou égale à 1% et par conséquent sortant du cadre de la Convention Unique sur les Stupéfiants de 1961) aux mêmes dispositions relatives au cannabis médical (délimitation du périmètre de culture, régime d’autorisation, etc.) afin de maîtriser les risques d’interférence entre les cultures licites et illicites.
Par ailleurs, la loi stipule l’organisation des agriculteurs autorisés en coopératives. Il s’agit d’une action fédératrice qui permet de pallier la situation émiettée du foncier (plus de 80% des parcelles ont moins d’un hectare de superficie), donne un pouvoir de négociation plus important aux agriculteurs vis-à-vis des industriels et permet à l’Agence et aux autres départements (Agriculture, etc…) d’assurer un meilleur encadrement.