Meriem Rkiouak a reçu le prix pour son article "L'écriture au féminin : beaucoup de potentiel et peu de visibilité", tandis que Imane Brougi a été distinguée pour son article "Cancer du sein chez les jeunes femmes : un combat pour la vie à la fleur de l'âge".
Ci-après les articles primés:
L'écriture au féminin : beaucoup de potentiel et peu de visibilité
Rabat, 08/03/2024 (MAP) - Jusqu'à un passé récent, on n'avait pas vraiment l'embarras du choix pour désigner une femme qui écrit des livres. Un seul et unique substantif était d'usage: auteur. Aujourd'hui, "auteure", "autrice" ou encore "auteresse" ont fait leur entrée dans les dictionnaires ou, du moins, dans l'usage quotidien.
Cette évolution linguistique est, en effet, révélatrice d'un changement de mentalités. Après des décennies de déni et de marginalisation, l’écriture féminine a accédé à la reconnaissance à la faveur d’une production prolifique, originale et très diversifiée.
Au Maroc comme dans beaucoup de pays, ce chemin vers la consécration n’a pas été un long fleuve tranquille. Depuis les précurseures de la période post-indépendance (notamment Khnata Bennouna, première journaliste et fondatrice du premier magazine féminin au Maroc et Fatima Mernissi, sociologue et féministe de la première heure), jusqu’aux "blogueuses" de la génération Y et Z, beaucoup d’encre a coulé sous les ponts.
Contexte historique oblige, les tout premiers essais de femmes, plutôt rares et insolites, avaient pour dénominateur commun cette envie ardente, qui tournait parfois à l’obsession, de briser les carcans pour faire entendre la voix des femmes, leurs frustrations et leur aspiration à s’affranchir du joug du patriarcat.
Naturellement, la fibre féministe était omniprésente dans les œuvres de ces pionnières.
"Dans les années 1970, avec l’apparition des premières publications signées par des femmes, cette nouvelle écriture, qui tournait autour des thèmes de la quête identitaire, de l’émancipation et de l’égalité homme-femme, avait besoin de se démarquer. C’est pour cela qu’on lui a collé l’étiquette 'féministe'", explique à la MAP la sociologue et écrivaine Soumaya Naaman Guessous.
"A partir des années 1990, ce qualificatif va devenir caduc, car simpliste et réducteur. Une écriture féminine n’est plus nécessairement féministe. La preuve, c’est qu’aujourd’hui plusieurs ouvrages ouvertement féministes sont écrits par des hommes. De plus, ce terme renferme dans une cloison la création au féminin qui est d’une grande diversité, alors que de nos jours, les femmes écrivent dans tous les domaines: politique, sport, science, environnement...", analyse Mme Guessous.
Crise de lecture et crise d'écriture
Si, en un demi-siècle, la production littéraire et académique féminine a beaucoup évolué en quantité et en qualité, sur le fond comme sur la forme, elle demeure en-deçà des ambitions et, surtout, du potentiel de ces belles plumes féminines débordant d’énergie et imprégnées d’idées nouvelles.
En 2022, sur un total de 1.572 auteurs présents dans le secteur de l’édition au Maroc, seulement 243 étaient des femmes. Le constat s’impose: dans le domaine des lettres comme dans bien d’autres, il existe un plafond de verre, mince mais récalcitrant, qui freine les femmes dans leur ascension.
Misogyne, le milieu de l’édition ? Loin s’en faut, répond l’écrivaine Souad Jamai. "En toute connaissance de cause, je peux vous affirmer que les contrats signés avec les auteurs et les autrices sont identiques. Il est vrai qu’avec la crise de lecture actuelle, les éditeurs ont du mal à verser les honoraires aux échéances fixées, mais c’est une réalité qui concerne hommes et femmes sans aucune distinction", affirme cette auteure et médecin cardiologue dans une déclaration à la MAP.
Pour elle, la question du genre "n'a pas d'incidence sur la décision d'achat ni de publication d'un livre". Un point de vue partagé par Safaa Ouali, éditrice à la maison Le Fennec, qui considère qu’en matière de contraintes, auteurs et autrices sont logés à la même enseigne.
"Sur toute la chaîne, depuis la réception et la validation des manuscrits jusqu'à la publication de l'œuvre et la rémunération, les écrivains hommes et femmes sont confrontés aux mêmes difficultés. Vu le désintérêt croissant du public pour la lecture, sortir un livre est devenu une sorte d'aventure pour les auteurs des deux sexes", fait-elle observer.
Selon cette professionnelle, le fait que de plus en plus de femmes soient aux commandes des maisons d'édition a permis une plus grande diffusion des créations féminines.
"Naturellement, il y a une certaine solidarité qui s’installe. Chez les Éditions Le Fennec créées en 1987, on a toujours veillé, au niveau de notre ligne éditoriale et de nos collections, à valoriser le rôle des autrices dans le paysage littéraire et académique marocain. Nous sommes fiers que les femmes soient présentes en force dans nos catalogues mais, j'insiste là-dessus, cette présence doit être méritée. C'est-à-dire que pour qu'un manuscrit soit accepté par le comité de lecture, il faut qu'il réponde à un certain nombre de critères, qu'il provienne d'un homme ou d'une femme. Ce n'est pas un quota !", note l'éditrice.
La génération des écrivaines 2.0
Manifestement, l'explication à l'infériorité numérique des autrices n'est pas à chercher du côté des éditeurs mais plutôt des réseaux sociaux. Facebook, Instagram, Twitter et la blogosphère ont pris le relais du livre.
Au lieu de s'embarquer dans l'aventure périlleuse de l'édition, une écrivaine en herbe va s'emparer de son blog ou de ses comptes sur les réseaux sociaux pour "se vendre" ou bien confier son texte aux bons soins d'un magazine électronique.
Ces journaux intimes, chroniques et autres essais divers peuvent-ils être rangés sous la bannière de l'écriture féminine ? "Pourquoi pas, du moment qu’il y a une présence, un regard féminin sur soi et sur le monde qui s’exprime", estime Soumaya Naaman Guessous.
"Ces écrits féminins sur support numérique, qui s'attachent la plupart du temps à dénoncer les injustices et les anomalies dans la société, ont besoin d’être connus et reconnus au même titre que ceux sur support imprimé. De l'autre côté, la production littéraire et intellectuelle féminine doit s’inscrire dans l’air du temps et ne pas rester cloîtrée dans le papier", insiste-t-elle.
Qu'elle soit sur papier ou sur Internet, qu'elle prenne la forme d'une autobiographie, d'un poème ou d’un article scientifique, l'écriture est une activité qui se conjugue parfaitement au féminin. Le verbe haut et les idées bien ordonnées, les femmes contribuent à écrire et réécrire le monde.
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Cancer du sein chez les jeunes femmes : un combat pour la vie à la fleur de l'âge
Rabat, 23/10/2023 (MAP)-On pouvait entendre les battements de son cœur à l'extérieur de son corps, sa respiration était sifflante, son visage pâle et inquiet et sa main jouait nerveusement avec les bagues à ses doigts, les faisant glisser une à une avec des mouvements de va et vient.
Dans sa tête, elle imaginait le pire des scénarios, toute sa vie défilait devant ses yeux à une vitesse vertigineuse, elle pensait à son petit, à ses parents, à son mari... en se demandant: Est-ce l’épreuve finale?
Dans une salle d’attente archicomble de femmes de tous les âges et de tous les horizons, son regard s’est fixé sur une jeune fille avec une tresse blond clair d'à peine 18 ans qui, malgré son jeune âge, affiche un courage impressionnant face à cette épreuve et garde le sourire, mais sur le visage de sa mère on pouvait tout lire. Il était blanc et altéré par la peur…
"Le cancer du sein touche-t-il aussi les jeunes filles? Le dépistage n’est-il nécessaire qu’à partir de 40 ans? C’est ce qu’ils nous ont fait comprendre", soupire Nadia qui vient de découvrir une boule assez volumineuse dans son sein droit.
Sous la douche, en appliquant sa crème par mouvements circulaires, elle détecte par hasard une masse suspecte. "C’était un moment tendu comme la corde d’un arc", confie-t-elle à la MAP. Ayant des antécédents familiaux avec le cancer, sa mère et sa tante ayant été touchées par cette maladie, Nadia n’a pas tardé à aller consulter le cancérologue de la famille.
"Je croyais qu’à mon âge je n’étais pas concernée par le cancer", dit-t-elle. Après avoir passé une mammographie, suivie d’une biopsie, le verdict est tombé. "C’était une journée bien ensoleillée, contrairement à la nouvelle qui était brutale et choquante. Malheureusement les résultats ne sont pas bons madame, ce n’est pas un kyste, mais un cancer du sein avec une tumeur de 10 cm, m’a annoncé le médecin d’un ton désolé", raconte Nadia, âgée seulement de 28 ans au moment de son diagnostic d’un cancer du sein.
"J’ai entendu cancer sans l’entendre, j’ai pensé automatiquement que j’allais mourir. Dans ma tête, cancer et mort sont intimement liés. J’ai eu la sensation de recevoir un coup de massue", se rappelle cette jeune courageuse qui a affronté la maladie avec toutes ses forces.
Détecter tôt pour mieux soigner
Durant les différentes phases du traitement, Nadia n’était pas la seule jeune patiente, l’on constate à présent que le cancer du sein touche des femmes de plus en plus jeunes. Si elle a survécu c’est grâce au diagnostic précoce.
"Il n’est plus rare de voir de jeunes patientes dans les services spécialisés en oncologie mammaire. J’ai vu des jeunes femmes mourir à la fleur de l’âge à cause d’un diagnostic tardif", déplore-t-elle.
"Je voudrais dire à toutes les femmes, surtout aux plus jeunes, que le cancer du sein ne touche pas que les femmes de plus de 50 ans. Au moindre doute, au moindre signe alarmant il faut consulter. Je reste convaincue que si je n’avais pas consulté le plus tôt possible je n’en serais pas là où j’en suis aujourd’hui et que mon cas aurait été plus critique", avise-t-elle.
En effet, aujourd’hui, il est possible de réduire considérablement la mortalité due au cancer en détectant et en traitant rapidement les cas, à travers le diagnostic précoce. Il faut savoir qu’un traitement est plus susceptible d’être efficace- avec des chances de survie accrues, une réduction de la morbidité et des coûts moins élevés- si le cancer est diagnostiqué rapidement.
En diagnostiquant les cancers à un stade précoce et en évitant des retards dans le traitement, on peut sensiblement améliorer la vie des patients. Le diagnostic précoce comporte trois éléments, la sensibilisation aux symptômes des différentes formes de cancer et à l’importance de consulter un médecin en cas d’inquiétude; l’accès à une évaluation clinique et à des services de diagnostic; et l’orientation vers des services de traitement en temps opportun.
L’objectif est de découvrir des indices d’un cancer ou pré-cancer particulier avant qu’une personne ne développe des symptômes. Lorsque le dépistage met en évidence des anomalies, des examens supplémentaires devraient être réalisés pour établir un diagnostic (positif ou négatif), et si besoin, le patient devrait être orienté vers les services compétents pour recevoir un traitement.
Un constat confirmé par l’oncologue Mounir Bachouchi qui appelle à réaliser le dépistage précoce qui se veut la recherche de cancers ou de lésions précancéreuses avant la survenue de tout symptôme.
Il est clair que toute maladie prise à son début offre plus de chance de guérison que si elle est évoluée. Le dépistage doit concerner toutes les femmes notamment les patientes à risque selon la pathologie concernée, a-t-il considéré.
Des signes à surveiller
Il est important que toute femme, de tout âge, remarquant une grosseur anormale au niveau du sein consulte un professionnel de la santé dans un délai d’un à deux mois, même si cette grosseur ne provoque aucune douleur. Le fait de consulter un professionnel de la santé dès les premiers signes d’un possible symptôme contribue à renforcer l’efficacité du traitement.
Dans la plupart du temps, le cancer du sein prend la forme d’une masse ou d’un épaississement non douloureux dans le sein. Il se manifeste également par un changement de taille, de forme ou d’apparence du sein, des fossettes, des rougeurs, une peau d’orange ou d’autres changements cutanés, une modification de l’apparence du mamelon ou de la peau qui l’entoure (aréole), et/ou un écoulement anormal du mamelon.
En effet, le cancer du sein peut prendre des formes très variées, ce qui explique l’importance d’examens médicaux complets. Une femme présentant des anomalies persistantes (durant plus d’un mois, en règle générale) devrait passer des examens, notamment radiologiques, voire faire un prélèvement de tissus (biopsie) pour déterminer si une grosseur est maligne (cancéreuse) ou bénigne.
À un stade avancé, le cancer peut perforer la peau et provoquer des lésions ouvertes (ulcères) qui ne sont pas nécessairement douloureuses. Le cancer du sein peut se propager à d’autres parties de l’organisme et provoquer d’autres symptômes. Le plus souvent, les ganglions lymphatiques situés sous le bras sont le premier site de propagation détectable.
Il arrive toutefois qu’on ne sente pas de ganglions lymphatiques porteurs de cancer. Au fil du temps, des cellules cancéreuses peuvent se propager dans d’autres organes comme les poumons, le foie, le cerveau et les os. Une fois ces sites atteints, de nouveaux symptômes liés au cancer peuvent apparaître, comme des douleurs osseuses ou des maux de tête.
Selon Dr Bachouchi, le principal facteur de risque est certainement la prédisposition génétique dans les familles à cancer. "Sinon beaucoup de facteurs ont été incriminés notamment l’alimentation et le mode de vie sédentaire, évoquant également la nulliparité", dit-il.
"La meilleure résolution est d’éviter les attitudes à risque comme l’alcool, le tabac, l’alimentation déséquilibrée et la sédentarité. Sinon prendre conscience que ça n’arrive pas qu’aux autres… et consulter régulièrement son médecin pour la prescription d’examen de dépistage", a-t-il conseillé.
Il a ainsi ajouté que l’absence d’antécédents familiaux connus ne signifie pas qu’une femme présente un risque moindre de développer un cancer du sein.
Comme Nadia, nombreuses sont les jeunes femmes à combattre le cancer. Au Maroc les cancers du sein et du col de l'utérus constituent un véritable problème de santé publique, ils sont les plus fréquents chez la femme. Ils sont souvent diagnostiqués à des stades très tardifs ce qui retarde leur prise en charge thérapeutique et rend difficile leur guérison.
Lorsqu’on évoque le cancer du sein, on pense souvent aux femmes au-dessus de 50 ans, or aujourd’hui nombre de tumeurs mammaires sont diagnostiquées chez les moins de 30 ans. Avec un simple geste, le diagnostic précoce, plusieurs vies peuvent être sauvées. Alors toutes pour un dépistage précoce des plus jeunes femmes !